Une zone euro zombie et paralytique

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  577  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
Tous les signaux conjoncturels sont aujourd'hui convergents. La reprise européenne est cassée. Cela n'est plus de l'ordre de la prophétie mais du constat.

Le PIB a stagné au second trimestre. La locomotive allemande, soit 29 % du PIB de la zone, entrera très probablement en récession technique  au troisième trimestre. Tous les indicateurs de climat, de perspective de production, de stock, de prix sont convergents.

Une Allemagne "molle"

Les perspectives de production se sont nettement dégradées dans le secteur manufacturier comme dans les services. La confiance des consommateurs se délite. Le repli de la production industrielle, déjà largement entamée, devrait se poursuivre dans les mois qui viennent. En un mot, l'Allemagne décroche et après un second trimestre négatif, elle pourrait enchainer deux trimestres consécutifs de baisse du PIB.

Derrière ce basculement brutal, il y a, on le sait, un ralentissement des débouchés extra-européens de l'Allemagne et une absence totale de relai de la demande intérieure. Cependant, à ce stade, l'Allemagne réunit plus les conditions d'une croissance molle prolongée que d'une baisse durable de son activité. Le moteur des créations d'emploi est à l'arrêt. Mais le pouvoir d'achat des salaires croit légèrement dans le contexte de ralentissement des prix que connait l'ensemble de la zone. L'Allemagne sera en somme un poids mort quand il aurait fallu qu'elle épaule le redressement de ses partenaires.

Sans locomotive, l'ensemble de la zone euro, déjà au point mort va-t-elle sombrer toute entière en récession. Plus précisément, faut-il s'attendre à deux trimestres consécutifs de baisse du PIB aux troisième et quatrième trimestres ? Les industries périphériques, en partie sous-traitantes de l'Allemagne vont inévitablement souffrir du trou d'air que traverse l'industrie allemande. Les efforts de consolidations inachevés continueront à peser sur leur décollage et comme l'Allemagne, ils subissent la dégradation du commerce mondial.

La déflation latente crée une situation ambiguë

Dans presque tous les pays, elle produit une paralysie plus qu'un décrochage. Les projets d'investissement sont différés, les marges sont compressées, mais la consommation sauve les meubles. Il ne s'agit pas en somme d'un vrai retournement cyclique avec les effets amplificateurs habituels, il n'y a pas eu de surchauffe préalable, d'excédents de stocks, de surinvestissement etc... Les entreprises qui naviguaient déjà à vue, et collaient au plus près aux évolutions du marché vont continuer à le faire, sans  sur-ajustements. Pas de grande dégringolade donc.

Tout conduit l'Europe vers un scénario de croissance zéro

Un scénario de zombie, où tous les moyens mis en œuvre pour doper l'offre et relancer l'activité se mue en outil défensif maintenir les entreprises en survie artificielle. Le quantitative Easing de Mario Draghi, destiné à relancer l'investissement, va juste éviter une restriction du crédit mortifère. Le CICE épargne à la France un ajustement brutal des salaires. La politique de baisse d'impôts engagée par Mattéo Renzi en Italie, va temporiser le ralentissement de la demande. Et chose paradoxale, les pays européens qui attendaient la locomotive allemande vont amortir la déconfiture allemande.

 En définitive, les milliards qu'ils ont engagés pour remettre leur offre sur les rails sont en train de se consumer à contre-emploi. Ils soutiennent leur demande interne et stabilisent les débouchés européens de l'Allemagne. Autrement dit, les wagons retiennent la locomotive dans sa chute.

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