La BCE a les mains liées, mais des solutions existent

Il n'y a rien à attendre de la BCE aujourd'hui du fait des divergences marquées et rendues publiques entre les membres du Conseil des gouverneurs. Le principal enjeu de cette réunion aura encore une fois trait à l'inflation. Pour rassurer, la BCE aurait tout intérêt à mettre en place un taux d'inflation intermédiaire officiel.

La mise en lumière d'une contestation grandissante au sein de la BCE et du Conseil des gouverneurs du management et de certaines prises de position en matière de politique monétaire de Mario Draghi limite à court terme toute nouvelle action de la banque centrale . Y compris la mise en place d'un Quantitative Easing, mesure techniquement difficile et dont l'effet sur l'économie réelle peut être contesté.

Mario Draghi ne pourra certainement pas faire l'impasse sur une explication des divergences qu'il a avec les autres banquiers centraux mais ce n'est pas là le réel enjeu du jour pour les marchés financiers.

La question de la déflation

Mario Draghi sera surtout attendu sur le dossier difficile de la très faible inflation. Notre scénario pour 2015 n'est pas la déflation. Il y a moins d'une chance sur quatre que ce risque se matérialise. En revanche, il sera nécessaire de faire le point sur les perspectives à cet égard. La prévision d'une inflation à 1.6% en 2016, comme évoqué cette semaine par Bruxelles, nous parait farfelue au regard des données actuelles. Pour rappel, bien qu'en légère hausse, l'inflation n'a atteint que 0.4% en octobre d'une année sur l'autre. C'est extrêmement bas.

Il fait consensus que la faible inflation sur la durée reflète l'absence de croissance et surtout le recul très significatif des prix de l'énergie. Pour le seul mois d'octobre, la baisse des prix de l'énergie dans l'Union fut de 0.7%, reflétant notamment la diminution marquée du prix du baril de pétrole depuis juillet. C'est certainement le facteur le plus déterminant pour comprendre le niveau de l'inflation de nos jours.

Des anticipations d'inflation très faibles

Le risque actuellement a essentiellement trait aux anticipations d'évolution des prix qu'on mesure grâce aux "forwards" (anticipations) d'inflation. On constate que les "forwards" d'inflation à 5 ans s'éloignent progressivement de la cible d'inflation de la BCE, proche mais inférieure à 2%. Ils sont à 1.83%. Sur les échéances plus longues, à 10 ans, l'inflation reste encore bien ancrée. Mario Draghi a récemment minimisé cette évolution discordante des "forwards" d'inflation à 5 ans, considérant qu'ils ne reflètent qu'imparfaitement les anticipations d'inflation. C'est oublier que c'est en se focalisant uniquement sur les échéances longues, et en négligeant les échéances plus courtes, que la Banque du Japon a mal appréhendé l'entrée en déflation de l'archipel nippon. Avec les conséquences qu'on connait aujourd'hui.

La croissance des salaires au plus bas

L'autre point d'inquiétude est lié à la très faible croissance des salaires dans la zone euro qui a atteint son plus bas niveau en 16 ans. Cela signifie que les agents économiques s'accoutument à une faible inflation, ayant des revendications salariales plus faibles. Il n'y a pas pour l'instant de report constaté des achats, ce qui serait un signe confirmant l'accroissement du risque déflationniste. Cependant, la faiblesse de la hausse des salaires empêche la formation d'une boucle prix-salaire vertueuse qui est pourtant nécessaire, surtout dans le Sud de l'Europe, pour renouer avec une inflation plus élevée.

Mario Draghi devra donc faire preuve cet après-midi d'une grande habileté pour influencer dans le sens voulu la psychologie des agents économiques et les convaincre que la BCE sera en mesure de renouer dans les meilleurs délais avec une cible d'inflation proche des 2%. L'une des solutions pourrait être d'instituer un taux d'inflation intermédiaire officiel, ce qui permettrait de mieux canaliser les attentes. Pour qu'une telle mesure soit prise, il faudrait un consensus du Conseil des gouverneurs à ce propos, ce qui semble improbable à l'heure actuelle. Mario Draghi n'aura d'autre solution que d'utiliser à très bon escient la force des mots.

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