François Hollande est encore candidat

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  861  mots
François Hollande reste un fin chimiste politique. En dépit de précautions langagières, il prépare l'affrontement électoral de 2017, dont il veut peaufiner le cadre. D'où la confirmation implicite d'une dose de proportionnelle aux prochaines législatives. par Jean-Christophe Gallien, politologue, professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Incertaine, brouillée, la présidence Hollande risque l'effacement. Crédibilité et légitimité attaquées, confiance retirée, 2 ans et demi après sa victoire, on ne connaît toujours pas le code génétique de l'expérience Hollande. On détestait ou on aimait Nicolas Sarkozy. L'indifférence frappe violemment cette présidence.
Comment faire pour sortir de cette impasse et se relier à nouveau au pays, au réel ? S'il faut des résultats tangibles avant tout, il était temps que le Président traverse l'espace public et politique et qu'il parle, qu'il dise sa vérité. Lui et ses scénaristes de l'Elysée ont choisis un dialogue télévisuel en direct avec des français.
On pouvait légitimement s'interroger sur l'utilité et l'efficacité d'une telle forme. Une sorte de téléréalité qui ne se dit pas, vendue par TF1 et RTL sur le mode spectaculaire : il dira tout, il se mettra à nu, il répondra même aux questions sur sa vie privée. « Vous saurez enfin qui est réellement François Hollande ! ».

 Le quart d'heure de la justification


Et François Hollande passa en effet son premier quart d'heure à se justifier ! Thierry Demaizière débuta la soirée en mode inquisiteur. Accusateur même ! Vous n'incarnez pas la présidence, vous faites déchoir la fonction. Le journaliste fait un bilan personnel et statutaire assassin, rappelle les photos du casque et du scooter. Il reproche un quinquennat impudique ! Hollande tangue, entre mea culpa et fin de non recevoir puis s'irrite et se révèle presque combatif.

Un Président révélant beaucoup de l'impuissance du politique face à la crise

Vient le moment du face à face avec les quatre français sélectionnés par TF1 et RTL. Et ce sera finalement la séquence la plus intéressante de la soirée. Pas la plus flatteuse pour un François Hollande pourtant chaleureux, souriant, attentionné, mais si peu efficace.
Nous avons d'abord découvert un Président déguisé en conseiller de Pôle Emploi peu convaincant face à Joelle et au chômage des seniors.

C'est ensuite un Président révélant beaucoup de l'impuissance du politique face à la crise. A la chef d'entreprise, qui l'accuse : fiscalité et charges plus importantes que dans les autres européens, que faites vous de cet argent ? C'est pour quand les réformes? Il ne répond pas vraiment, il promet : on va réformer l'Etat, mais il ne dit pas quand. Il se fait même défenseur de corps intermédiaires attaqués par madame PME qui veut une démocratie sociale et politique directe pour les français.

Quand vient Hassen, étudiant diplômé, au RSA et hébergé chez les parents, François Hollande tente timidement de s'improviser sympathique conseiller d'orientation. C'est le moment d'un effet miroir terrible pour le politique. Leader décalé, il répond émancipation positive lorsque Hassen évoque des cas de départ pour survivre vers le Canada ... emplois verts aidés quand son interlocuteur lui reproche des mesures hors sol, vues d'en haut, loin des français, et sans compréhension des réalités locales. Face à l'assistante maternelle ardennaise, représentante de la ruralité, apparaît enfin le meilleur de François Hollande. Lorsqu'il redevient Président de conseil général qui révèle sa connaissance des enjeux locaux.

Les Français, à nouveau des cibles politiques

Avec la dernière séquence et l'arrivée d'Yves Calvi, avant l'after digital sur MyTF1, au delà des éléments de langage et des annonces, il va délivrer les 2 messages majeurs de la soirée.
S'il ironisa sur sa côte de popularité qui, aujourd'hui, ne pourrait faire de lui un candidat pour 2017, il a rappelé, comme il le fait sans cesse depuis des mois : 2017 est le rendez-vous. Le seul ! C'est à ce moment là qu'il faudra tout évaluer, ses résultats, sa popularité et donc sa possible candidature.
Second message, à mi mandat, les français sont redevenus des cibles politiques pour François Hollande. Dramatisant l'hypothèse d'un rendez-vous électoral présidentiel sous haute tension politique et populiste en 2017, il a même parlé directement au peuple des gauches. En grande difficulté dans l'action, François Hollande reste un fin chimiste politique, un narrateur du flou qui gère un seul quinquennat : le sien. Il prépare un affrontement électoral dont il aura préparé le cadre. François Hollande ne l'a pas confirmé hier soir, mais il a aussi dit qu'il respecterait sa promesse électorale : l'introduction de la proportionnelle pour les législatives de 2017 !

Elle sera son arme politique principale et finalisera la recomposition du paysage politique du pays. Elle est entre ses mains. L'UMP ou ce qu'elle sera devenue en sera le principal otage, même avec Nicolas Sarkozy, même en cas de victoire parlementaire future : elle ne pourra pas gouverner seule et peut-être pas sans le FN. François Hollande en rêve encore : 2017 !

 *Président de j c g a
Politologue
Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals