Baisse du baril de pétrole : pourquoi ce n'est pas fini

Par Alexandre Mirlicourtois, Xerfi  |   |  622  mots
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi./ DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, pourquoi nous ne sommes qu'au début de la baisse du prix du baril de pétrole.

Et si le baril de pétrole retombait à 60 dollars ? Question encore incongrue il y a 4 ou 5 mois quand le cours culminait à 115 dollars. Mais depuis, le cours qui a déjà cédé 35 dollars, a donc déjà effectué plus de la moitié du chemin pour atteindre la cible des 60.

Alors pourquoi pas ?

Revenons d'abord sur les raisons de la baisse. Elle comporte certes une composante conjoncturelle et notamment le renversement du consensus sur les perspectives de la croissance mondiale : aujourd'hui, plus personne n'espère une forte reprise pour 2015. Et dans ce contexte, l'Agence Internationale de l'Energie prévoit que la hausse de la demande de pétrole restera bloquée à 1 million de barils supplémentaires par jour cette année et ne dépassera pas 1,2 million de barils en 2015, c'est moins que le rythme de croissance naturelle hors récession.

Toutefois, ce sont bien les facteurs d'offre qui contribuent le plus au nouveau deal énergétique. Car la production grimpe. Elle dépassera 92 millions de barils jour cette année soit une progression de 8,8% depuis 2006. C'est plus qu'il n'en faut. Et si l'offre monte, c'est parce que les options radicales des Etats-Unis en matière d'exploitation de pétrole non-conventionnel ont complètement changé la donne : la production mondiale de pétrole augmente, oui, mais simplement parce que les Américains produisent plus.

La production du monde sans les Etats-Unis fait du surplace.

En noyant le monde de pétrole, les Etats-Unis pèsent sciemment sur les cours. Il faut donc rechercher le jeu géostratégique qui sous-tend cette option. La chute des cours depuis le début de l'été aurait dû entrainer un ajustement de la production de l'Opep, suivant le schéma bien connu : assécher l'offre pour soutenir les cours. Et dans le rôle du grand régulateur : l'Arabie Saoudite.

Or cette fois ci, elle ne joue pas ce jeu-là. Bien au contraire, elle met plus de barils sur le marché. Alors c'est vrai, que peu après le printemps arabe, le gouvernement saoudien a débloqué d'importants fonds pour financer de grands plans sociaux et qu'il lui faut plus de recettes pétrolières pour équilibrer son budget.

C'est vrai aussi qu'elle a intérêt comme les États-Unis à assécher les recettes pétrolières qui financent de djihad. Mais l'explication est trop courte. Autre thèse : les experts estiment que le coût marginal de production saoudien (c'est-à-dire le coût du puits le plus cher à exploiter) est compris entre 25 et 30 dollars contre 75-80 dollars du côté du pétrole de schiste. Une baisse prolongée serait donc le moyen de disqualifier la production américaine et par là même de couper l'herbe sous le pied la prospection en Arctique. Mais la réalité est plus complexe : d'abord parce qu'une partie de la production est déjà pré-vendue via des couvertures financières au-dessus de 85 dollars.

Ensuite, les années 80 montrent que l'effondrement des cours n'a pas sorti les producteurs de la mer du Nord du marché, le coût prohibitif du démantèlement des infrastructures justifiant des ventes à perte.

Reste une 3ème hypothèse. La Russie a besoin d'un baril à 110 dollars pour boucler son budget, le Venezuela de 120, l'Iran de 140 !

Trois pays qui sont, ou ont été, dans la ligne de mire des Etats-Unis se retrouvent affaiblis. A cela s'ajoutent les retombées positives pour une Europe dont la santé inquiète les Etats-Unis. Revancharde, pragmatique, l'Amérique se satisfait parfaitement des nouveaux standards des prix du pétrole et pourrait même encore consentir à ce qu'ils tombent jusqu'à 70 dollars.

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