Le français est une force commerciale et industrielle

Par Jérôme Bodin  |   |  493  mots
Contrairement à une idée reçue, la pratique de la langue française est utile au développement industriel et commercial, car elle évite une standardisation absolue des modes de pensée. Par Jérôme Bodin, analyste, Natixis

Plusieurs rapports récents ont mis en avant la francophonie comme un levier important de croissance économique. Nous déplorons toutefois une approche encore trop institutionnelle de la francophonie. Si l'Etat français a un rôle important à jouer via ses nombreux satellites publics, il n'est plus l'unique outil de la promotion du français. L'essentiel du potentiel de rebond se situe dans les groupes privés. C'est précisément ici, qu'à l'heure actuelle, se perd la bataille linguistique. Non pas que les entreprises et leurs salariés ne soient pas attachés au français, mais ils ne sont ni encadrés ni encouragés à promouvoir leur langue et donc leur spécificité. Petit à petit, l'utilisation du français recule dans le monde des affaires. Il convient enfin de reconnaître à l'entreprise privée un rôle central dans la francophonie.

Le Français, une force commerciale

Car contrairement à une idée reçue, le français est une force commerciale et industrielle. Dans la mondialisation, l'uniformisation des modes de pensée (et donc des pratiques linguistiques) est une faiblesse. Promouvoir l'utilisation du français dans l'entreprise, c'est faciliter les échanges entre francophones, mais c'est aussi et surtout permettre de penser et produire en français. Et donc de proposer au monde un bien ou un service construit différemment. Les francophones doivent enfin prendre conscience que leur langue est un facteur de production rare, par nature recherché dans notre monde ouvert.

L'anglais restera pour longtemps la langue véhiculaire du commerce, son utilisation est donc nécessaire et surtout utile. Mais le français doit enfin être perçu comme une autre langue pivot des affaires. A défaut d'autres langues et modes de pensée s'imposeront, avec pour conséquence une perte irrémédiable de compétitivité des entreprises francophones mais aussi des locuteurs francophones sur un marché du travail de plus en plus mondialisé.

 Des mesures simples pour promouvoir le français

 Nous proposons ainsi que l'État français initie une charte par laquelle les entreprises francophones signataires s'engageraient à promouvoir le français en échange éventuellement d'aménagements fiscaux. Ces engagements pourraient être simples et peu coûteux, comme celui d'utiliser systématiquement le français dans les présentations internes, de former les cadres étrangers au français ou encore de libérer une heure de temps de travail à chaque salarié francophone pour former ses collègues non francophones. Ces mesures permettraient de donner une nouvelle impulsion concrète, moderne et efficace à la francophonie mais aussi de renforcer la culture d'entreprise de ces groupes. Elles constituent autant d'atouts pour les groupes privés français et francophones d'accélérer leur ouverture au monde et de s'inscrire beaucoup plus solidement qu'ils ne l'ont pour le moment fait dans la mondialisation. La francophonie s'imposera alors définitivement pour ce qu'elle est : une ouverture vers le monde et non un repli sur soi.

Jérôme Bodin