Sarko II, au-delà du flou

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  876  mots
Moqué par la presse pour son score décevant lors de l'élection du président de l'UMP, Nicolas Sarkozy dispose en réalité de nombreux atouts. Par Jean Christophe Gallien, Président de JCGA, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne*

Dans sa défaite mesurée de 2012, Nicolas Sarkozy avait poussé la porte d'une suite politique possible sinon probable. Puis vinrent les hésitations du Commandeur, sa dolce vita avec Carla vendue aux magazines people, ses envies de fortune financière, les affaires qui s'enchaînent pour la classe politique, pour « son UMP », et surtout pour lui-même. Et le doute: reviendra-t-il ? et même pourra-t-il revenir ?
En cette fin d'automne 2014, le doute est levé. Il est bel et bien revenu dans l'arène !
S'il n'y a pas vraiment de « Sarkonostalgie », loin du plébiscite espéré, avec 64,5%, sa victoire est totale. Il a su transformer une audience médiatique et populaire, toujours réelle, en victoire au sein de son parti, l'UMP. Deux ans et demi après sa défaite, Sarko's back !Nicolas Sarkozy reste en vie politique et redevient chef d'un parti. Pour l'instant !
Nous l'écrivions dans ces colonnes, il n'avait plus vraiment le choix, même à moins de trois ans de la présidentielle, il se devait d'accélérer son retour ou accepter de s'effacer, inexorablement.

Rebâtir un leadership

Son leadership, son autorité ont été très contestés ces derniers mois. D'abord par l'envie de certains de le voir définitivement tourner la page et de sortir de la vie politique. Mais aussi par d'autres, plus proches, qui regrettaient le doute né de l'incertitude d'un retour annoncé mais sans cesse repoussé.
Le voilà désormais de retour face au réel et aux responsabilités. Et dans un premier temps face au défi d'un parti et d'un leadership à rebâtir avant de penser à davantage. Et ce premier défi n'est pas simple à relever, avant même la fin de son mandat présidentiel, l'UMP est devenu une sorte de PS de droite. Une féodalité remplie de barons ambitieux se rêvant tous rois en s'appuyant sur une galaxie de fiefs, tribus, courants ou clubs de militants ou de sympathisants.

Un choix entre deux méthodes...

Nicolas Sarkozy va devoir choisir ou alterner entre deux méthodes et entre deux lignes politiques. Concentrons nous d'abord sur la méthode.
Il y a le « tout changer » comme il le dit lui-même et le réclament certains comme Laurent Wauquiez. A commencer par le nom du parti et la primaire prévue en 2016. Une démarche de nettoyage en profondeur que ne renierait pas le Sarko 1, celui de 2007. Celui de l'autorité, chef naturel respecté et redouté, futur guide légitime de la France.
Il y a déjà là, comme une contradiction difficilement soluble avec l'affirmation, répétée encore dimanche soir sur TF1, de la volonté de Nicolas Sarkozy de « rassembler » pour réaliser dans le respect des différences, une synthèse toute « hollandienne » des ambitions et divergences multiples qui traversent désormais sa famille politique.

... et deux lignes

Au delà des choix de la méthode Sarko 2, c'est sa ligne politique, sa narration qui demeurent floues. Là aussi entre ses contradicteurs Hervé Mariton et Bruno Le Maire ou au sein même de son clan entre Laurent Wauquiez et Nathalie Kosciusko-Morizet ou encore entre les candidats à la présidentielle François Fillon et Alain Juppé, la synthèse si Nicolas Sarkozy la souhaite vraiment, sera délicate. Et au delà, avec la poussée électorale du FN, la banalisation de sa vision et la dynamique Marine Le Pen, le rapport de la droite avec l'extrême droite fait débat au sein de l'UMP. Investir les thèmes de sensibilité de l'électorat FN ou pas, alliances électorales ou pas. Ce débat en appelle par symétrie un autre, quelles relations au centre, à l'UDI et surtout au MoDem ?

Trois atouts majeurs

Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire seront bientôt en Allemagne pour rendre visite à la Angela Merckel. C'est peut-être chez elle que se trouve la réponse. Notre voisine qui sait parfaitement gouverner son alliance nationale sans renier sa vision ni perdre une once de son leadership national et européen.
Au final, Nicolas Sarkozy peut se rassurer, il possède désormais trois atouts vraiment discriminants sur ses adversaires directs.
Deux que nous connaissions avant le dernier week end. Il a davantage de fidèles, de vrais supporters, que les autres et il fait vendre, et les médias, en profonde difficulté économique, en raffolent.
Le troisième: devenu chef du parti, il va bénéficier d'un agenda électoral favorable avec, en mars et décembre 2015, des scrutins départementaux et surtout régionaux très prometteurs. Dans ces conditions, contester son leadership en 2015 et surtout en 2016 sera plus que délicat dans un parti que Nicolas Sarkozy contrôlera chaque jour davantage et aura remodelé sous couvert, n'en doutons pas, de libération de la parole des militants et en les appelant à décider par des consultations ou autres référendums internes sur les questions d'organisation mais aussi de la primaire. Ses nombreux adversaires pourront-ils lutter contre ces enchaînements?
Reste pour eux le scénario catastrophe, si Nicolas Sarkozy est rattrapé par un juge ...

*Président de j c g a, Politologue
Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals