Que peut-on retenir de l'échec d'Universalis ?

Par Julien Mechin  |   |  955  mots
La fin d'Universalis, un acteur historique sur le marché de l'encyclopédie, a été annoncée fin novembre. La marque n'a pas su engager son virage numérique et s'est vue détrônée par Wikipédia. Si le verdict est encore en suspens jusqu'au 24 mars 2015, la question se pose : les acteurs historiques vont-ils capituler face à la profusion des modèles collaboratifs ? Par Julien Mechin, co-fondateur de Creads

"L'encyclopédie en ligne Universalis dépose le bilan" : la nouvelle est parue dans un article du Monde. La société a un délai de six mois pour se redresser, mais de nombreux experts se montrent sceptiques. Est-ce que six mois seront suffisants pour remettre à jour un business modèle dépassé ?
Le retard accumulé par cet acteur historique joue largement en sa défaveur. Pourtant dans les années 90, Universalis s'est fait une place de choix sur le marché de l'encyclopédie. L'offre était en effet composée de supports physiques. Mais dès 1995, la sortie de la version CD-ROM installe durablement la marque dans la plupart des CDI des collèges, lycées et facultés. L'année 1999 marque le lancement du site de consultation en ligne, mais malgré ses efforts numériques, le modèle Universalis a été dépassé par un concurrent de taille.

Wikipédia bouleverse le marché

 Pourquoi un tel échec face au nouveau modèle collaboratif ?

 En 2001, l'arrivée de Wikipédia va bouleverser le marché. Gratuite et surtout participative, la nouvelle encyclopédie devient très vite LA référence en matière d'information. Le postulat de base est simple, mais pourtant attractif. Chacun possède des connaissances sur un domaine particulier, pourquoi ne pas diffuser ses connaissances et les partager ?

Chaque article a la possibilité d'être enrichi par le savoir d'autres contributeurs, faisant de Wikipédia une encyclopédie en constante évolution avec des mises à jour quotidiennes. Ainsi, des milliers de bénévoles apportent en permanence leurs connaissances à cette encyclopédie nouvelle génération... Face à cette foule, difficile pour Universalis de faire le poids quand on ne compte que 45 employés, aussi compétents soient-ils ! A cela, s'ajoute un retard numérique qui n'a eu lieu qu'en 2012, avec un handicap renforcé par une formule payante alors que Wikipédia évangélise gratuitement.

300 000 rédacteurs de Wikipédia, rien qu'en Français

En terme de quantité, les chiffres sont parlants : Universalis a sorti 7 éditions en 40 ans, soit l'équivalent de 49 000 articles alors que Wikipédia dans sa seule version anglaise compte plus de 4,5 millions d'articles. A noter que le site existe en 200 langues avec une communauté de contributeurs pour chacune. La communauté francophone rassemble plus de 300 000 rédacteurs.

 Le modèle collaboratif est créateur de valeur

 Plus que la quantité d'informations produites, il faut surtout s'interroger sur le système collaboratif mis en place par Wikipédia. La marque a prouvé que le savoir réside en chacun de nous et que le partage global de la connaissance permet de créer de la valeur. Contrairement à Universalis, limité par ses effectifs, Wikipédia n'a de limites que l'engagement et la bonne volonté de ses contributeurs.

 Wikipédia possède des contributeurs aux connaissances pointues capables de produire des articles ultra-spécialisés. Il n'est pas étonnant de voir la contribution d'un expert en géostratégie bolivienne ou celle d'un spécialiste des mangas japonais. C'est une des forces de Wikipédia, celle de pouvoir traiter une pluralité de sujets, du plus vaste au plus particulier. Un modèle de fonctionnement qui lui assure aussi une réactivité qui dépasse parfois celle des médias en ligne.

 Considéré comme une source non fiable

Pourtant, au niveau de sa qualité, Wikipédia est souvent considéré comme une source non-fiable. La pertinence de ses articles est souvent un point de controverse. Des erreurs peuvent s'expliquer par la pluralité des thèmes traités et par la complexité à modérer un tel volume de contenus. Il faut cependant noter que c'est peut-être bien d'un angle perceptuel que la marque souffre d'un déficit de confiance. En effet, dans les faits, l'Université britannique d'Oxford, lors d'une étude en 2012, a prouvé qu'il y a moins d'erreurs dans Wikipédia que dans l'Encyclopédia Britannica. Les sources y sont d'ailleurs citées de façon plus claires. Preuve qu'un outil collaboratif ne signifie pas une perte de qualité.

 D'un modèle vertical à un modèle horizontal

La clé dans le développement de Wikipédia se situe dans le passage d'un modèle vertical classique avec une diffusion de la connaissance du haut vers le bas, des experts vers les apprenants, à un modèle horizontal où chaque contributeur peut apporter son savoir et être à la fois expert et apprenant. Grâce à cette configuration, Wikipédia couvre un champ de connaissances beaucoup plus vaste que celui d'Universalis. Avec le développement du web, nous sommes passés d'un système unidirectionnel à l'ère de la conversation où chaque individu peut trouver sa place.


Les leçons d'un échec

 Que retenir de l'échec d'Universalis?

Tout d'abord, que l'importance d'innover doit être au cœur des entreprises. Proposer des nouvelles solutions et ne pas avoir peur de bousculer les codes établis permet aux entreprises de se démarquer aux yeux des consommateurs. Il faut aussi prendre en compte les mutations sociales et les nouveaux modes de consommation. Nous sommes entrés dans une société où l'individu est en attente de considération "individuelle". La marque doit prendre en compte ce facteur et trouver une façon de pouvoir valoriser son image à travers l'action des consommateurs. Le collaboratif quant à lui permet la mise en place d'une nouvelle dynamique créative. On ouvre les possibilités de création au plus grand nombre et non plus à un cercle d'initiés. Bientôt, ce ne sera plus l'ère de la conversation, mais bel et bien l'ère de la participation. Et qui sait, Universalis parviendra peut être à ressortir la tête de l'eau en trouvant un business modèle plus adapté aux contraintes du web participatif.