Ce que veut dire l'émergence de réseaux sans réseau

Par Laura Ghebali  |   |  642  mots
A Hong Kong, les manifestants ont utilisé l'application FireChat, qui permet de communiquer sans passer par un réseau officiel
Les réseaux Mesh, totalement décentralisés, permettant de se connecter sans passer par internet. Laura Ghebali, pôle Technologie de l'Observatoire du Long Terme

Nous assistons depuis quelques mois à l'émergence de réseaux Mesh - c'est-à-dire de réseaux totalement décentralisés, ne reposant pas sur les infrastructures des fournisseurs d'accès ou des opérateurs téléphoniques.  Concrètement, grâce aux réseaux Mesh, des personnes utilisant la même application, séparées l'une de l'autre par une distance allant jusqu'à 60 mètres environ, peuvent maintenant se connecter sans passer par internet en créant une nouvelle infrastructure, dont la capacité augmente grâce à chaque nouvel utilisateur.



Un tel réseau n'utilisant que les moyens mobiles de ses utilisateurs sans passer par un point central, ces réseaux sont un excellent moyen, par exemple, pour contourner la censure ! C'est dans ce cadre-là que l'application FireChat a connu un essor particulièrement important lors des derniers mouvements sociaux à Hong Kong. Alors que l'armée chinoise menaçait de bloquer les contenus partagés sur les réseaux sociaux, l'AFP expliquait que l'application Firechat aurait été  téléchargée plus de 100 000 fois en 24heures (cf AFP, le 1er octobre). En leur permettant de rester connectés alors même que les réseaux habituels leurs faisaient défaut, l'application est devenu un outil indispensable pour ces manifestants.

Se défendre face à des gouvernements autoritaires


Outils puissants et efficaces permettant notamment de promouvoir la démocratie lors de mouvements sociaux et de se défendre face à des gouvernements autoritaires, les réseaux Mesh pourraient aussi permettre de communiquer et de coordonner les efforts dans des situations d'urgences dans lesquelles les infrastructures classiques ne fonctionnent plus, tels que des désastres naturels. Ces « nouveaux » réseaux s'avèreraient aussi être un excellent moyen de connecter des milieux ruraux actuellement isolés, pour un investissement relativement modeste, ou même des quartiers pauvres de pays en voie de développement.

Sans passer par un opérateur...

Mais quelle différence avec les logiciels Peer To Peer ? Ce dernier est en effet souvent définit comme l'ancêtre du réseau Mesh, mais se sont en réalité des approches complémentaires. Le Peer To Peer s'appuie sur un réseau classique mais c'est le logiciel de partage d'information qui s'opére entre deux postes connectés au réseau, en utilisant internet - ce qui suppose de passer par des infrastructures d'un fournisseur d'accès. Les réseaux Mesh font communiquer une information en utilisant d'autres utilisateurs pour faire passer l'information, sans passer par un opérateur, ce qui réduit fortement les possibilités de contrôle.  

Ces deux phénomènes - l'évolution d'applications Peer To Peer et la naissance des réseaux mesh - indiquent à quel point les réseaux de communications ne cessent d'évoluer. De nouveaux acteurs intègrent le marché pour optimiser les connections, qui deviennent de plus en plus indispensable tant d'un point de vue pratique que culturel !  Citons par exemple le géant Open Garden, créateur de Firechat, qui développe des applications de partage communautaire de connexion internet avec une transmission de données ultra rapide. L'idée étant de faire des réseaux partagés l'internet de demain - et d'accroître la connectivité des populations ! 

Et si l'on prend en compte que le nombre d'utilisateurs mobiles a atteint plus de 1.4 milliard dans le monde (source ABI Research) et que les smartphones, généralement nécessaires pour ce type d'applications, sont de moins en moins chers (à partir d'une vingtaine d'euros), il n'est pas impossible que ce type d'application se développe fortement dans les années qui viennent - à commencer par là où les réseaux sont fortement contrôlés, ceux pour lequels les abonnements téléphoniques sont trop chers (les mesh apps n'utilisant pas la carte SIM)...

Laura Ghebali, pôle Technologie de l'Observatoire du Long Terme