Loi Macron : un empilement de mesures, destructeur du tissu économique

Par Philippe Nogués  |   |  1020  mots
La loi Macron empile les mesures, dont certaines remettent en cause des droits fondamentaux (travail du dimanche...). Elle va contribuer à des pertes d'emplois et à une destruction du tissu économique par Philippe Noguès, députés PS du Morbihan

Pas à pas, loi après loi, la transformation de la France est en marche. Loin de celle que nous avions espéré en 2012, c'est clairement vers un modèle libéral de société que nous nous dirigeons.

L'idéologie néo-libérale, dont l'échec est pourtant manifeste, continue à imprégner les esprits des experts, de la plupart des éditorialistes, et, par voie de conséquence, de ceux de nos dirigeants...certaines nominations en sont des exemples frappants.

Le tournant libéral ratifié

Chacun a en mémoire la théorie d'Helmut Schmidt, selon lequel « Le profit d'aujourd'hui fait l'investissement de demain, et l'emploi d'après demain ». C'est à nouveau ce principe qui est mis en application aujourd'hui pour « restaurer les marges des entreprises », en espérant que celles-ci renvoient ensuite l'ascenseur en embauchant ou en augmentant les salaires. Le seul hic, c'est que cette belle théorie s'est toujours systématiquement transformée, quels que soient les pays, en renforcement des patrimoines, au détriment des investissements de longs termes favorables à l'emploi. Où sont les bénéfices pour les classes populaires ou moyennes ?

Le pacte de responsabilité, définitivement adopté, a ratifié officiellement ce tournant libéral. Mais ce cap économique avait de toute évidence été immédiatement fixé dès le début du quinquennat avec la pseudo négociation du TSCG...et le mirage des 120 milliards de contreparties. Nous avons rendu les armes avant même de combattre.

 Loi Macron : un empilement et un piège

C'est maintenant la loi pour la croissance et l'activité, dite Loi Macron, Tapie des temps modernes, qui nous est proposée pour confirmer la direction, avec l'objectif grandiloquent de « se donner les moyens de débloquer notre pays et de libérer les énergies »...

Pour y parvenir on empile dans le même texte, sans le moindre respect, ni pour les Français ni pour les parlementaires, une multitude de mesures hétéroclites et sans rapport les unes avec les autres, si ce n'est qu'elles deviendront la loi, même quand la crise aura été surmontée !

Et le paquet est à prendre ou à laisser... Si on prend ce sera une réforme des professions réglementées, notaires, avocats, huissiers et j'en passe - qui aurait méritée pour le moins un texte spécifique -,  et dans le même temps on aura glissé des mesures plus « controversées » sur le droit du travail (facilités de licenciements, indemnités variables...), extension du travail du dimanche (jusqu'à un dimanche par mois). A l'inverse, sous prétexte d'attractivité, ce projet de loi poursuit le désengagement de l'Etat dans des infrastructures de transports qui sont au cœur de la souveraineté du pays. C'est à croire qu'aucune leçon n'a été tirée de la privatisation des autoroutes !

 Est-ce cela la modernité ?

Cette loi est une loi de dérégulation. C'est au nom de la dérégulation que l'Etat se désengage au fil du temps de la gestion économique et sociale de notre pays au profit de la loi du marché.

Le débat sur la modernité que représenteraient les positions libérales, et l'archaïsme incarné par tous ceux qui les refusent, est une caricature indécente.

Les femmes, et notamment celles qui élèvent seules leurs enfants, seront confrontés au dilemme - personne ne peut appeler cela un choix - d'un dimanche par mois au travail ou avec leurs enfants. Est-ce cela la modernité ? Pour reprendre les propos de Martine Aubry : « La gauche n'a-t-elle désormais à proposer comme organisation de la vie que la promenade du dimanche au centre commercial et l'accumulation de biens de grande consommation ? ». Est-ce cela la modernité ?

Le droit du travail mis en cause

Sous prétexte de s'attaquer à la rente de quelques professions juridiques, c'est le droit du travail qui va être parallèlement déréglementé.  On nous répète que faciliter les licenciements dans une période de chômage extrême permettrait de créer des emplois. On peut s'interroger. Il n'y a par contre pas de doute que lorsque la période sera plus florissante, cette flexibilité perdurera. Est-ce cela la modernité ?

Bien sûr, et personne ne le conteste, des simplifications administratives peuvent être nécessaires, mais concernant le code de l'environnement n'oublions pas que beaucoup de normes sont surtout des mesures de protection face à la logique du marché. Sous prétexte d'activité et de profits à court terme, alléger des normes protectrices, qui plus est par ordonnances, l'année de la Conférence environnementale de Paris, pourrait devenir plutôt un signal inquiétant sur la sincérité des convictions écologiques affichées. Est-ce cela la modernité ?

Une loi destructrice d'emplois

Enfin, et la très grande majorité des commentateurs le reconnaissent, l'impact de cette loi sur  la croissance, et donc en terme d'emplois, sera très faible. Le Président de la république, comme le ministre chargé de mettre en musique toutes ces touches désaccordées se retrouvent pour dire « Ce ne sera pas la réforme du siècle ».  Alors tout ça pour ça ? Ou alors serait-ce simplement pour donner des gages à Bruxelles ?

Les versions les plus fréquemment évoquées espèrent  10 à 15 000 créations de postes, quand certaines parlent plutôt, au vu des expériences dans plusieurs pays européens, de destructions d'emplois liées à la disparition des petits commerces face aux ouvertures dominicales des grandes surfaces. D'ailleurs seules les grandes surfaces sont aujourd'hui demandeuses ! Bref, chacun s'accorde aujourd'hui pour dire que l'impact sera, au mieux, minime en termes d'emplois et, pire, destructeur du tissu économique et de certains acquis sociaux du XXeme siècle. Est cela la modernité ?

En l'état du texte, nous avons devant nous une loi risquée à tous niveaux : économique, humains, culturels, sociétaux, qui ne répondra pas à ses objectifs de croissance et d'activité et qui entrainera encore un peu plus notre société vers plus de marchandisation, de financiarisation et de dérèglementation... Ce n'est pas cela que nous souhaitons. Ce n'est pas cela la modernité !