Les conséquences d'une sortie de la Grèce de l'euro

Par John Plassard  |   |  1702  mots
La sortie de la Grèce de la zone euro est possible, elle passerait par une exclusion de l'Union européenne. Ce scénario, qui n'est pas le plus probable, serait catastrophique pour l'économie grecque, mais n'affecterait pas fortement les grandes banques allemandes ou françaises

Savoir si les déclarations d'Angela Merkel dans le magazine Der Spiegel (la chancelière serait prête à laisser la Grèce sortir de la zone euro) sont vraies ou que cela soit "simplement" une manière d'accentuer la pression sur Athènes à quelques jours d'un scrutin majeur, n'est pas d'une importance majeure.

L'important réside dans le fait que les pays leaders de la zone euro préparent de plus en plus l'opinion publique à une potentielle sortie de la Grèce de la Zone euro. Le Président français François Hollande a aussi confirmé le lundi 5 janvier qu'"Athènes était maître de son destin".

Si cela n'est pas notre pari pour 2015, il nous semblait cependant intéressant de dépeindre un scénario « What if » expliquant les processus, étapes et impacts d'une sortie de la Grèce de la zone euro.

Déjà, Christine Lagarde avait mis en garde..

 Souvenons-nous qu'il n'y a encore pas si longtemps de cela, en 2012 pour être plus précis, que le FMI, par la voix de sa directrice, Christine Lagarde, avait déjà sommé la Grèce de remettre de l'ordre quant au maintien d'austérité, faute de quoi le pays se verrait obligé de sortir de la Zone.

 La même année, l'ancien premier ministre grec, Lucas Papademos estimait dans l'édition du Wall Street Journal du mercredi 23 mai 2012, qu'il n'était pas exclu de planifier un abandon par la Grèce de la monnaie commune. "Bien qu'un tel scénario soit peu probable et qu'il n'est souhaitable ni pour la Grèce ni pour d'autres pays, on ne peut exclure que des préparatifs soient en cours pour contenir les conséquences potentielles d'une sortie grecque de la zone euro".

Une sortie de l'euro aurait des effets économiques "catastrophiques", estimait cependant l'ancien numéro deux de la Banque centrale européenne, qui s'exprimait pour la première fois depuis qu'il avait laissé son fauteuil de premier ministre. "Le risque que la Grèce sorte de l'euro est réel" et cela dépend du soutien ou non des Grecs à "l'application continue du programme économique" dicté par l'UE, le FMI et la BCE, soulignait Lucas Papademos. La sortie de la Grèce n'est donc, une nouvelle fois, plus taboue.

Une appartenance à l'euro irrévocable... théoriquement

 Les remous provoqués par la simple idée d'un départ de la Grèce de la zone euro ont forcé plusieurs institutions et gouvernements (dont ... l'Allemagne) à formuler des démentis et de nouvelles affirmations. La Commission européenne a affirmé que l'appartenance d'un pays à la zone euro était irrévocable, en réponse à une question sur une possible sortie de la Grèce de la monnaie unique. L'appartenance à l'euro est irrévocable. La Commission a aussi précisé que cette règle était inscrite dans le traité de Lisbonne, article 140, paragraphe 3 (qui fait référence à l'adhésion d'un Etat membre de l'Union européenne à l'euro et non à sa ...sortie !). C'est cependant sans compter sur le fameux article 50 du même Traité et certains autres cas de figures....

La possible sortie de l'Union européenne

 Etre indulgent avec un État qui refuse de tenir ses engagements établirait un cas de jurisprudence qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l'avenir de la zone euro. Si les textes européens interdisent l'exclusion d'un pays de la zone euro contre sa volonté (la révision des traités nécessiterait des procédures qui devraient être soumises à la ratification unanime des États membres et qui n'est donc pas adaptée à une situation d'urgence), il y a cependant certains cas de figures permettant de « contourner » les cadres juridiques actuels.

  • L'article 50

 En fonction du degré de coopération de la Grèce, si le pays accepte de quitter la zone euro, une possibilité serait qu'il demande de sortir de l'Union européenne selon l'article 50 du traité de Lisbonne (Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union). Une négociation avec les membres sera alors adoptée à majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. Le départ de l'Union européenne pourrait être une modalité d'un départ de la zone euro. La question serait de savoir par la suite si la sortie est définitive ou temporaire.

  • Le départ « forcé »

 En cas d'hostilité de la Grèce à quitter la zone euro, l'Union européenne pourrait avoir des moyens de pression assez efficaces. Tout d'abord, si Athènes (comme l'a promis le parti Syriza) décide après le 25 janvier de ne pas poursuivre ses efforts d'austérité, les Etats membres pourraient arrêter de verser des aides au pays. La BCE pourrait même arrêter de prêter aux banques grecques et ne plus accepter des bons grecs en collatéral (comme cela a déjà été le cas en 2012). La Grèce se retrouverait donc assez rapidement en manque de liquidité et ferait défaut sur sa dette tout en ne pouvant plus respecter ses obligations financières « domestiques » courantes (paiement des services publiques, des fonctionnaires, des retraites, ...) et serait forcée d'imprimer de la monnaie (la Drachme), sortant donc pratiquement et théoriquement de la zone euro.

  • Les étapes d'une sortie

 Si le pays devait quitter la zone euro, voici quelles en seraient les étapes du processus.

 Scénario :

  •  La réponse des urnes le 25 janvier 2015 est sans équivoque: le peuple ne veut plus d'austérité
  • Le nouveau gouvernement (dirigé par le parti Syriza) confirme aux dirigeants de la Zone-Euro que la Grèce ne se pliera pas à l'austérité imposée, demande un moratoire sur sa dette de cinq ans, propose le rétablissement d'un salaire minimum à 750 euros (dans le privé) et du treizième mois pour les retraites inférieures. Le pays ne veut cependant pas sortir de la zone euro
  • La Grèce ne peut présenter un nouveau plan d'économie d'euros sur 2015 et 2016 comme souhaité par la Troïka
  • Plus aucune tranche n'est allouée à la Grèce de la part de la Troïka.
  • La Grèce est officiellement en faillite car elle ne peut plus assurer ses dépenses courantes, obligeant le premier ministre grec à envoyer une note d'intention de sortie au Conseil européen
  • Les chefs d'Etat discutent des détails (libre circulation, conventions économiques,..) du retrait de l'UE (déjà abordé dans le traité de Lisbonne)
  • Rétablissement de la Drachme qui implique que tous les contrats libellés en euro seraient libellés en Drachme -> Dévaluation de la monnaie et explosion de la dette libellée en euro
  • Les tensions sociales s'intensifient, l'élasticité de l'acceptation cède et le pays rentre en hyperinflation

Les coûts estimés d'une telle opération

 Il n'y a pas d'estimation précise concernant les coûts de départ d'un pays de la zone euro puisqu'il n'y a pas de précédent. Cependant, en 2012, lorsqu'un potentiel « Grexit » faisait les gros titres des journaux, plusieurs chiffres avaient été avancés par certains instituts économiques et le FMI notamment.

On estimait en effet qu'entre les prêts bilatéraux, les engagements de la BCE, le financement via le FESF, les obligations souveraines, les prêts aux banques grecques et du reste du monde, les prêts aux entreprises non financières, l'impact sur les marchés, les effets de contagion et les dégâts pour l'économie le coût pourrait se situer entre 500 et ... 1.000 milliards d'euros. Ce chiffre approximatif ne tenant pas en compte des titres grecs que détiennent les banques ou les assurances dans leurs portefeuilles, ni des éventuels surcoûts liés à l'intervention du FMI en Grèce. Que penser aussi de l'impact d'effets collatéraux tels que la nette dégradation des bilans des membres de la Troïka (BCE, Union européenne et FMI) ?

40% à 50% de PIB en moins pour la Grèce

La sortie de la zone euro la première année pourrait coûter 40 à 50% du PIB à la Grèce (plus de 10'000 euros par habitant). Les années suivantes le montant évoluerait à environ 3.500 euros par habitant.

L'inflation de la Grèce pourrait monter de plus de 30% et la Drachme s'effondrer de plus de 40% (le FMI avait donné une estimation (trop) basse de 20%). En cas de dévaluation de plus de 50%, la dette publique grecque pourrait grimper à plus de ... 330% du PIB (aujourd'hui à 175%).

 Un risque limité pour les banques européennes

Finalement, les premières implications économiques pour les banques européennes commencent à voir le jour. L'on apprend, entre autres, que les banques allemandes seraient exposées à hauteur d'environ 23,5 milliards d'euros à la Grèce mais le risque systémique serait limité car les principales banques commerciales, Deutsche Bank et Commerzbank, ne détiennent qu'une petite part de ces créances, selon des données collectées par Reuters. L'établissement le plus exposé serait la banque publique de développement KfW, avec des prêts d'un montant total de 15 milliards d'euros à l'Etat grec.

 Au niveau européen, la banque Crédit Agricole serait la banque de détail la plus exposée à la Grèce. La banque française disait avoir 3,5 milliards de créances en Grèce fin 2013, mais aucune vis-à-vis d'organismes publics.

 Une sortie peu probable de la zone euro

 En guise de conclusion, si nous ne pensons pas que la Grèce devrait quitter le giron de la zone euro, il faut tout de même rappeler de tristes statistiques : aujourd'hui la dette grecque, malgré les différents plans de "soutien" octroyés en 2010 puis en 2012, s'élève désormais à 177 % de son PIB, alors qu'elle était de 129 % en 2009. La Grèce doit officiellement rembourser au moins 20 milliards d'euros en 2015. En terme de compétitivité, la Grèce est passée de la 67e place à la 81e place au cours des six dernières années, les investissements ont chuté de plus de 60% et 30% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

 Le sujet grec devrait donc nous accompagner au moins tout au long de l'année 2015 car il est loin d'être réglé....