La démocratie française et rien d'autre

Par Bernard Cohen-Hadad  |   |  1114  mots
Les mouvements citoyens montrent que la France reste profondément attachée aux valeurs de la République. Pourtant, même les moments de communion et de célébration massifs et rapides ne suffisent pas à nous rassurer pour demain. par Bernard Cohen-Hadad, Président du Think Tank Etienne Marcel

Les odieux attentats commis dans les locaux de Charlie Hebdo, dans la superette Casher, les sauvages assassinats à l'encontre de civils et des personnels de police, sont un choc indicible et une véritable peine. Et les mots pour exprimer, sans passion, ce que nous ressentons difficiles à venir. « La volonté d'espoir, quand il n'y a plus d'espoir s'appelle l'espérance » écrivait Jean-François Deniau. Les premières pensées sont pour les victimes et leurs familles. Dans un sursaut salutaire, tous les rassemblements du week-end ont su réunir l'Europe, la France, une partie du monde, en un hommage émouvant, sincère et réconfortant. L'immense majorité des hommes et des femmes de notre pays, quelles que soient leur origines, leur religion ou leur philosophie, quels que soient leurs engagements partisans ont voulu exprimer le refus des intégrismes destructeurs.

Une partie de notre société a perdu ses repères

 Les mouvements citoyens montrent que  la France reste profondément attachée aux valeurs de la République: la liberté, l'Egalité, la Fraternité et la Solidarité. Pourtant, même les moments de communion et de célébration massifs et rapides ne suffisent pas à nous rassurer pour demain. Nous devons désormais affirmer, avec force, avec vigueur, que nous ne voulons pas vivre pas vivre ensemble et en paix sans nous attacher à la laïcité, lutter contre l'antisémitisme et garantir durablement la sécurité de tous.

Nous ne sommes pas arrivés à un tel degré d'obscurantisme par hasard. Depuis des années une partie de notre société a perdu ses repères. Le monde est à l'envers. La notion de bien commun, le sentiment de l'intérêt général sont devenus suspects ou brocardés. Les partis politiques ont leur responsabilité. Le respect des valeurs religieuses, philosophiques ou morales ont été discrédités. Au nom de la tolérance, en réalité du laisser-faire, on assiste régulièrement à un effondrement de pans entiers de ce qui fait de la France une terre de paix et d'épanouissement. C'est-à-dire une société de progrès.

Les communautarismes dictent leurs règles moyenâgeuses

Dans la mondialisation des réseaux, les communautarismes dictent leurs règles moyenâgeuses du repli sur soi et du jugement d'un Dieu exterminateur sur la terre. Ils  grippent tous les niveaux de l'espace public, national ou territorial, mais aussi la vie associative et le monde de l'entreprise. Ce qui était, hier, cantonné au domaine intime ou privé est désormais exhibé ou revendiqué au nom du droit à la différence et de la liberté. La crise économique n'explique pas tout. La violence permanente des attitudes et des mots, la simplification extrême des enjeux, la disparition de la notion d'humanisme, le conservatisme de la pensée et la montée des violences physiques font que le principe de laïcité, fondement de notre vivre ensemble, est devenu une peau de chagrin voire une caricature. La France doit retrouver, dans son espace public, les conditions du respect par chacun d'une laïcité partagée, condition de l'égalité.

Le cancer de l'antisémitisme

La lutte contre l'antisémitisme est devenu une cause nationale. Le dire est, déjà, reconnaître un échec. Umberto Ecco avait cette belle formule « la limite de la tolérance est l'intolérable ». Depuis des siècles juifs et musulmans, les gens du Livre, ont su se comprendre. Comment en est-on arrivé là ? Au moindre grippage d'une situation, dans nos villes ou en dehors de nos frontières, le cancer de l'antisémitisme ressurgit au grand jour ou de manière rampante. Sur nos familles, nos enfants, dans les rues, dans les échanges commerciaux, même dans la reconnaissance de ce que nous faisons pour justifier promotions, mérites ou les bloquer.

Comment peut-on encore accepter, en France, la délocalisation permanente de conflits armés qui nous sont étrangers et qui se déroulent très loin de nous. Juifs pratiquants ou non, militants ou non, nous ne pouvons plus tolérer de voir remis en cause notre attachement à notre identité, à notre pays la France, à notre religion celle de nos pères. L'Islam n'a jamais enseigné de torturer un jeune homme dans une cave, tuer des enfants à la sortie d'une école, séquestrer une famille parce qu'ils sont juifs. Ces actions visent en réalité à ébranler nos principes démocratiques et enterrer l'esprit des Lumières. Les réponses adaptées existent. Elles  passent par le dialogue, l'éducation, l'instruction et la connaissance. Et elles ne peuvent pas faire l'impasse de la fermeté et d'une lutte efficace contre l'insécurité.

Quelle vie dans un pays soumis à la loi de groupuscules terroristes?

Les politiques de sécurité, périodiquement au centre du débat public, viennent de montrer leurs limites. Les politiques carcérales aussi. Tous les professionnels mettent en évidence que les prisons ne sont plus l'école du crime mais celle du fanatisme religieux. Au lieu de s'ouvrir, les esprits se radicalisent et se chargent de haine. « La liberté commence où l'ignorance finit » écrit Victor Hugo.

Personne ne souhaite vivre dans un Etat policier. Mais quelle vie peut-on avoir, en temps de paix, dans un pays soumis à la loi de groupuscules terroristes ? Non, tirer sur des civils, des gendarmes ou des policiers ne va pas de soi. C'est pourquoi, il faut d'abord valoriser l'action des personnels de Police et de Gendarmerie. En terme image, de formations, en moyens matériels, humains et financiers. Leur permettre d'exercer pleinement leur mission c'est faire respecter l'ordre républicain. Ces derniers jours leur action, comme leur sacrifice, ont été exemplaires, on ne l'a pas assez dit. D'autant qu'ils ont subi, ces derniers mois, des pertes dans la dignité et dans une indifférence quasi générale.

Nous ne lutterons pas seuls contre le terrorisme

Ensuite, nous ne lutterons pas seuls contre le terrorisme, qui cherche avant toute chose à détruire. C'est-à-dire sans renforcer urgemment les dispositifs d'informations et de renseignements avec nos partenaires européens. Et en multipliant nos échanges avec nos partenaires mondiaux. Enfin, quand arrêterons-nous de crier à la bavure, de souffler le chaud et le froid, à l'occasion de la moindre arrestation de ceux qui bafouent nos lois et règlements. La République ne doit pas devenir une coquille vide. Sans la confiance en nos institutions, tout combat est perdu d'avance. Nous ne retrouverons pas notre tranquillité en multipliant les lois de circonstances face à ceux qui veulent nous emmener sur le chemin de la terreur, mais en affirmant avec courage le seul choix qui vaille: la démocratie française.

Bernard COHEN-HADAD

Président du Think Tank Etienne Marcel