Un monstre républicain s'est levé, le monde a applaudi  !

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  973  mots
La terrible épreuve qu'ont vécue les Française et son épilogue exceptionnel ne pourront en rien fournir aux partis politiques un remède durable à leurs crédibilités déclinantes.Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, président de j c g a, Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

Un soulèvement démocratique, comme une urgence magnifique et spontanée. Une réponse citoyenne calme, recueillie, souriante, pleine de tristesse mais aussi d'espoir et surtout d'une certitude : ils ne nous vaincront pas ! La société française, dans sa majorité, celle qui avant hier encore, criait, comme depuis trop longtemps, en silence, est rentrée en résistance massive. Comme un formidable monstre républicain qui refait surface quand de l'essentiel il s'agit, elle montre le chemin. Elle n'a eu besoin ni des institutions de la République, encore moins des partis politiques. Seule, mais pour et avec les autres. Elle a soutenu François Hollande, son gouvernement et les forces de l'ordre dans leur action de crise réussie et a accueilli les représentants desdits partis politique comme les leaders européens et tous ceux venus du reste du monde pour lui apporter leurs soutiens et rendre hommage à la France, son histoire et donc à son Peuple.

Une expression sociétale et citoyenne sans précédent

C'était un événement au delà de l'événement. L'histoire se bâtissant en direct ! Une expression sociétale et citoyenne sans précédent depuis la fin de la seconde guerre mondiale. La preuve très concrète que la société française est bien vivante, que le peuple de France est bien vivant. Il est fort et il sait ce qu'il est et ce qu'il veut. On chantait la marseillaise à répétition hier ! La société française n'est pas déprimée, encore moins dépressive ... Très loin des représentations sondagières et médiatiques ! Celle que l'on dépeint tellement souvent malade et apeurée est peut être la seule société qui pouvait se lever collectivement en si grand nombre et exprimer si puissamment sa détermination au cœur du drame terrible. L'ensemble des élites de notre pays et en particulier les femmes et hommes politiques ‎devraient s'interroger sur la portée holistique du souffle incroyable de ces journées historiques.

Une déconstruction de l'Etat de droit

Et il ne faut pas se tromper, cette terrible épreuve et son épilogue exceptionnel ne pourront en rien fournir aux partis politiques français, en grande difficulté dans leur légitimité représentative, un remède durable à leurs crédibilités déclinantes.

Certes, comme le rappelait Daniel Cohn Bendit, la troupe de Charlie Hebdo n'aimait aucun parti politique, aucune religion mais où étaient-ils, nos partis politiques, lorsque les mêmes groupes terroristes menaçaient la vie des futures victimes de ce triste mercredi de janvier 2015 ? Où étaient-ils quand Charlie Hebdo cherchait de l'argent pour tenter de survivre aux conséquences des agressions à répétition ? Où étaient-ils ceux là même qui ont regardé, pendant 40 ans, se développer les conditions de ces terrifiantes émergences actuelles. Pourquoi certaines piscines furent-elles parfois réservées aux femmes ? Pourquoi abroger la circulaire Chatel ? Comme tant d'autres abandons sociétaux coupables, comme ne plus oser nommer le réel avec les mots du réel. Ne nous voilons plus la face, la déconstruction de notre Etat de droit est continue. Il doit être systématiquement préservé, parfois restauré, dans toutes les géographies de notre république, dans toutes les strates de notre système démocratique.

Un événement historique dans l'aventure en mouvement de la construction européenne

Matteo Renzi l'a dit : « Attaquer Paris c'était attaquer l'Europe et le Monde ! » Une France que depuis l'étranger on perçoit encore comme un phare émettant, au large, une lumière rassurante mais exigeante, dans le respect son message éternel : liberté, égalité, fraternité.

Et pour la première fois les leaders de l'Union et d'autres venus du reste du Monde étaient rassemblés non pas dans un palais, un bunker ou un centre de conférence, mais dans la rue avec le peuple de France qui faisait front, presque dans ses pas. Ensembles réunis pour célébrer la résistance des peuples libres de l'Union à la terrible menace qui pèse sur eux tous. Evénement historique dans l'aventure en mouvement de la construction de l'Union Européenne, ce symbole fort, magnifique, celui d'une résistance européenne unie,  l'Europe le doit donc à la France et à son Peuple. L'Europe qui est une vraie histoire, si elle veut être un avenir doit être un havre pour ses peuples, puissant, déterminé et fier de ses identités.

Faire revivre l'espoir et le souffle du 11 janvier 2015

Réjouissons nous encore et encore de ce moment exceptionnel et magnifique après ces 48 heures d'horreur. Il doit marquer une terrible prise de conscience‎ : nous sommes bien dans le réel d'un monde qui change. Nous devons affronter cette réalité. Nous devons nous projeter bien au delà de nos propres existences. Unissons-nous et nous ne serons pas condamnés à être faibles parce que civilisés.

Alors mesdames et messieurs les responsables politiques, ni discours creux, ni incantations, mais de la détermination et des actes pour faire vivre l'espoir, le souffle de civilisation de ce 11 janvier 2015.

André Malraux sur cette même Place de la République, le 4 septembre 1958 introduisant celui du général de Gaulle fixa l'enjeu d'hier qui résonne si précisément aujourd'hui encore : « C'était pour nous alors comme pour vous aujourd'hui, comme toujours pour la France, le souvenir de la Convention, la nostalgie de la ruée de tout un peuple vers son destin historique, la fraternité, mais la fraternité dans le combat et dans l'espoir ... Et vous ne vous laisserez arracher votre espoir ni par ceux qui ont intérêt à la faiblesse de la république, ni surtout par ceux qui crient là-bas parce qu'ils ont intérêt à la faiblesse de la France. »