L'inopportun retrait du texte sur le secret des affaires

Par Hervé Guyader  |   |  583  mots
Les amendements à la loi Macron sur le secret des affaires constituaient un premier pas, insuffisant mais essentiel. Leur retrait est scandaleux. Par Hervé Guyader, Avocat au Barreau de Paris, Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International

La sécurité économique est un sujet important qui touche aux intérêts stratégiques de la France et est traitée, à ce titre, par certains organismes publics parmi les plus sérieux.
Cette sécurité économique fait partie de l'intelligence économique, science qui se définit comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement, de distribution et de protection de l'information utile aux acteurs économiques et obtenue légalement. Sa finalité consiste à fournir aux décideurs au sein de l'entreprise ou de l'État les connaissances nécessaires à la compréhension de leur environnement et, donc, à l'ajustement de leur stratégie individuelle ou collective.

Une protection nécessaire

Il y a donc un aspect actif doublé d'une nécessité de protection.
La loi Macron et son projet d'amendement a offert, durant quelques jours, un cadre juridique au secret des affaires. Ce cadre nous semblait propice, étant considéré que l'office contrôlant du juge restait plus fondamental que jamais.
Très vite, journalistes et autres ONG se sont élevés avec vigueur pour un retrait de l'amendement jugé liberticide et autorisant une forme de censure. Certains ont prétendu qu'une telle loi aurait empêché de dévoiler certains des derniers retentissants scandales tels celui du Médiator ou de l'industrie tabacologique.

Le retrait de ce texte est scandaleux

Cette idée d'une loi attentatrice aux libertés fondamentales, orwellienne, eut justifié, sans équivoque, que l'avocat que je suis s'y oppose. Mais tel ne semblait pas être le cas.
Pourtant, vendredi 30 janvier, moins de cinq jours après le début des travaux parlementaires relatifs à la loi Macron, voilà annoncée la disparition de ce texte.
Ce retrait est absolument scandaleux et illustrant du manque d'idées comme de courage de notre gouvernement. Que le texte soit grossièrement rédigé et appelle quelques compléments et autres ajustements, soit ! Mais qu'il faille l'abandonner purement et simplement est juste dramatique.

Une véritable loi sur la sécurité économique est nécessaire


Les besoins de sécurité des entreprises françaises engagées dans des échanges commerciaux internationaux sont criants au point qu'il eut fallu, non ces quelques lignes, mais une véritable loi sur la sécurité économique forgeant un cadre de protection assorti des limites indispensables dans un Etat de droit tel que la France. Car il n'était pas question d'étouffer quelques lourds secrets embarrassants mais bien plutôt de protéger les secrets industriels, commerciaux, ceux qui font de la France un bouillon de création et d'intelligence économique.
Nous espérions, avec ce petit amendement, voir engagée cette dynamique que nous aurions voulue ambitieuse.


Force est de constater que cet espoir restera vain. La difficulté de la tâche rédactionnelle semble avoir justifié son abandon. Nul n'ignore plus à quel point la France se désintéresse du commerce international pour ne rien faire afin de doper nos exportations. Il apparaît désormais qu'en plus, elle se désintéresse complètement du sort de ses entreprises dans leur souci de protéger leurs créations, leur recherche, leur développement.
Une nouvelle fois, recherche de l'équilibre et confrontation à une tâche délicate se soldent par une triste reculade quand il eût fallu du panache.
La sécurité économique de la France et de ses entreprises en ressort affaiblie.

Hervé Guyader
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en droit
Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International