Sarkozy doit endosser les habits de candidat

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  1032  mots
L'enjeu immédiat pour Nicolas Sarkozy est de sortir de la transition entre union nationale et campagne pour les départementales, et de finir d'hésiter entre deux postures: celle de l'ex-président et celle du chef de l'opposition. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris-I La Sorbonne, président de j c g a*

Premier test électoral post-11 janvier 2015 sur le territoire des "Peugeot", et comme en 2012 sur cette circonscription, élimination au premier tour pour l'UMP, une première lors des législatives partielles depuis la victoire de François Hollande!

L'UMP de Nicolas Sarkozy qui veut se rêver, depuis son retour aux commandes, en unique véritable parti d'alternance, attendait impatiemment de vivre le premier épisode programmé de la série « seul vrai rempart anti FN ». Elle se retrouve reléguée dans les tribunes de l'élection à devoir choisir un camp, donner ou pas de la voix pour une autre équipe que la sienne.

Les fractures qui traversent l'UMP

Vicieuse, la défaite met au jour, politique et médiatique,  les lignes de fractures qui traversent le parti, même sous la nouvelle gouvernance de Nicolas Sarkozy. « Front Républicain » du Front de gauche à l'UMP ou « NI NI » laissant aux électeurs le choix de leur vote de second tour ... Lumière insupportable car elle révèle l'intenable ! Voter pour le PS, pour le candidat de François Hollande ? « UMPS ! » vont porter certains. Pas de consigne de vote et là : « complicité » hurleront d'autres. Complexe quand une partie importante de la base du parti, électeurs et sympathisants voire élus locaux milite pour des rapprochements conjoncturels avec le parti de Marine Le Pen. Complexe pour un mouvement aussi divisé sur l'Europe, de nombreuses problématiques sociétales, et parfois même sur les visions et stratégies économiques ...

Une élimination au premier tour qui est aussi un peu celle de Sarkozy

Triste lendemain de fête d'anniversaire pour celui qui est Président de l'UMP depuis novembre dernier. Cette élimination au premier tour est forcément un peu la sienne aussi. Pour célébrer son premier grand succès électoral en tant que nouveau chef de parti, Nicolas Sarkozy devra encore patienter.
La période est clairement celle d'un temps faible qui fait suite à une séquence d'installation beaucoup moins fluide et glorieuse que prévue. En attente d'un premier temps fort, Nicolas Sarkozy joue pour l'instant à la « small ball » comme on dit en Football Américain. Rencontres discrètes à Paris, interventions médiatiques comptées, premier déplacement en province jeudi dernier ... Cette législative partielle pouvait être la « Première » de la nouvelle UMP tant attendue. Il faudra patienter jusqu'au prochain scrutin départemental des 22 et 29 mars prochains et surtout compter sur le retour des mauvaises nouvelles de l'agenda économique.

Le nouveau président de l'UMP slalome entre deux statuts et deux narrations

Depuis sa prise de contrôle de l'UMP, et encore plus depuis le 11 janvier 2015, Nicolas Sarkozy slalome entre deux statuts et eux narrations très difficiles à équilibrer. Ancien président et/ou chef de l'opposition républicaine. « Union Nationale » et/ou campagne présidentielle de 2017. Comme anesthésié entre le devoir « d'unité nationale » et la nécessité de ne pas s'effacer totalement. Alternance de postures, de discours ... au risque de se rendre totalement illisible, pour les élus, les militants, les sympathisants de l'UMP mais aussi pour les autres Français.

Nicolas Sarkozy coincé entre les lignes et les ambitions des NKM, Wauquiez, Lemaire

Une difficulté de positionnement qui fait écho aux écarts internes du parti que nous citions plus haut. Une qualification au second tour ce dimanche aurait permis, sinon de soigner les plaies internes, au moins de les bander. Nicolas Sarkozy est coincé entre les lignes et les ambitions des NKM, Laurent Wauquiez, Bruno Lemaire, Alain Juppé, François Fillon, ... pour ne citer que certaines d'entre elles. Plus encore c'est un sentiment diffus de perte d'autorité qui intrigue.

La position officielle de l'UMP concernant le vote pour le second tour de la partielle sera connue suite à la réunion du bureau de l'UMP mardi matin et à travers un avis collectif. Une perte d'autorité qui dépasse le parti et ses ambitions individuelles pour se traduire jusqu'au sein des groupes parlementaires.

Une improvisation inquiétante

L'improvisation inquiète aussi. Manifestement cette élimination n'avait pas été anticipée, comme les progressions spectaculaires de François Hollande et Manuel Valls suite aux terribles journées de janvier. Surpris, sonné même Nicolas Sarkozy se retrouva, et son parti avec lui, relégué dans l'ombre d'un coin du ring « Je suis Charlie ». Silencieux obligés.
Lorsqu'il voulut en sortir, retrouver la lumière d'un journal de 20h, et alors même que Manuel Valls vice-président en lévitation dérapant sur l'Apartheid à la française, lui fournissait une occasion unique de relier enfin dans une seule et même personne l'ex président et le chef de l'opposition, Nicolas Sarkozy, qu'on attendait incisif, s'en est emparé mais trop mollement. Là où il aurait du proclamer clairement son indignation d'ancien chef de l'Etat et de leader de l'opposition face à de tels propos sur son pays, il manqua de fermeté et parla technique davantage que politique.

"Giflé" par le Premier ministre

Il se fit même gifler par le Premier ministre le lendemain sans réagir. Est-ce à la hauteur des attentes bien réelles des sympathisants, des militants, voire des élus qui espèrent l'affirmation forte d'une différence, s'inquiètent d'une forme de complaisance pour l'exécutif et menacent de départs vers d'autres territoires politiques. Il est clair que « l'Union nationale » ne fait pas bon ménage narratif avec la différenciation. C'est peu clivant comme disent les sondeurs !

Nicolas Sarkozy et l'UMP sont un peu perdus au cœur d'une séquence de transition qui dure après l'élection interne, celle maintenant de « l'Union nationale » et la véritable prochaine période électorale, celle des départementales.

L'enjeu immédiat pour Nicolas Sarkozy est de vite sortir de la transition et d'en finir avec les deux narrations et les deux personnages, délivrées en alternance façon Docteur Jekyll et Mister Hyde, celles de l'ex président et celle du chef de l'opposition, et de les relier en une seule, celle d'un candidat déterminé, d'une ligne politique assumée et d'une autorité retrouvée, puis celle d'un projet à partager ... s'il veut vraiment aller au bout.

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*Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals