Quand le CNRS fait la course en tête...ou presque

Par François Garçon  |   |  649  mots
Le CNRS arrive en tête d'un nouveau classement scientifique mondial. De quoi être fier? Il faut voir de plus près. par François Garçon, enseignant chercheur, Paris 1

Enfin une bonne nouvelle pour Geneviève Fioraso, son ministère, les collègues, l'Elysée et Paris Match : « Le CNRS arrive en tête du nouveau classement scientifique mondial "Nature Index"[1 et 2]. Sacrée gifle pour tous ceux qui, hier encore, ricanaient au spectacle d'un organisme bourré de chercheurs fonctionnaires, exemptés à vie d'enseignement, ne se coltinant donc ni amphithéâtres bourrés, ni corrections de copies, astreints à une évaluation rigolote se limitant à du déclaratif. Voici donc nos employés de bureau être aussi de solides chercheurs, au moins si l'on se fie aux données bibliométriques, hier encore dénoncées pour leur caractère lacunaire, leur servilité à l'égard des revues anglo-saxonnes qui tiennent le terrain et favorisant les positions des établissements supérieurs américains. Dont acte, le CNRS fait la course en tête, et il faut s'en féliciter. Parions qu'à la lecture de cette nouvelle, le ministère de l'Enseignement supérieur s'est fendu de félicitations à l'attention d'Alain Fuchs, président et directeur-général de l'établissement. A charge pour lui de répercuter les compliments dans la gigantesque machine dont il a charge.

 Fiers d'être Français et universitaires

Du coup, nous voilà très fiers d'être Français et universitaires ! Au fait, qui sont les établissements qui suivent ? Harvard, Cambridge, l'ETHZ, le Caltech ? Euh, non, pas vraiment. En deuxième position, on découvre avec surprise un drôle de truc nommé l'Académie des sciences de Chine ! Kézako ? Suit ensuite le Max Planck Institute. Là, on connaît mieux. L'institut allemand est tentaculaire et, à la différence du CNRS, 80% de ceux qui y font des séjours post-docs partent ensuite enseigner dans les universités allemandes.

Harvard à la quatrième place

Quant à la prestigieuse Harvard, qui domine généralement le pack des universités mondiales toutes catégories confondues, elle se contente de la 4ème place, le MIT de la 7ème, Cambridge de la 8ème. Le CNRS renvoie dans les choux Berkeley (12ème) ou encore le Caltech (13ème, avec seulement 1196 publications). Et là, on tique quand même : comment comprendre qu'avec ses 33 prix Nobel, cet établissement que le Times Higher Education hisse en pôle position mondiale incontestée depuis quatre ans, lambine ici à la 13ème place ?

Un calcul fondé sur le nombre total de publications

Forgeant une méthodologie assez peu subtile, Nature fonde ses calculs sur le nombre d'articles publiés émanant de chacun des établissements. Se pourrait-il alors que le nombre de chercheurs impacte le classement? Beaucoup de chercheurs, généralement, publient davantage que peu de chercheurs. Dès lors, si l'on rapporte le volume des publications aux effectifs de chercheurs titulaires dans chacun de ces établissements, qu'obtient-on ? Minuscule de taille, le Caltech compte à peine 300 professeurs à plein temps. Avec 1196 publications, chaque titulaire a donc publié 3,9 articles dans l'année. Harvard, classé 4ème, compte 1084 professeurs titulaires qui, chacun, a signé 2,4 articles sur la même période.

Au fait, le CNRS ça donne quoi ? L'organisme public français compte 11 204 chercheurs à plein temps (je ne compte pas les vacataires et autre chercheurs non titulaires). A eux tous, ils ont publié 4894 articles, soit .... 0,43 article chacun. Vous avez bien lu. Nos chercheurs fonctionnaires à plein temps, exemptés d'enseignement qui plus est, ce qui n'est pas le cas des confrères à Cambridge, à Boston ou à Zurich, publient donc 5,5 fois moins que les collègues d'Harvard, 9 fois moins que ceux du Caltech. C'est là aussi un critère pour lire la statistique que fournit Nature. Là, on revient sur terre, on touche le dur. Au CNRS, on rebouche le champagne, on se contente d'un léger cidre.

François Garçon

 [1] https://www.natureindex.com/institution-outputs?region=global&subject=543ddf38140ba05a167e14bb&sort_by=n_article&generate=Generate

[2] https://www.aef.info/abonne/depeche/495560, lettre de l'AEF, 13 février 2015.