Trop tard pour lutter contre les inégalités !

Par Michel Santi  |   |  663  mots
La déflation est le fruit d'une politique menée contre le monde du travail, qui a engendré une explosion des inégalités. Elle risque de toucher bientôt les Etats-Unis. Par Michel Santi, économiste*

Ne soyez pas dupe de la déflation. C'est la baisse généralisée des salaires orchestrée depuis des décennies qui conduit fatalement au tassement des prix à la consommation. En définitive, les prix à la consommation ne font effectivement que s'ajuster à la dégradation de notre niveau de vie. La déflation n'est donc que la conséquence naturelle et mécanique du matraquage de nos rémunérations et de l'amputation de notre pouvoir d'achat. Car les prix à la consommation ne s'affaissent-ils que pour une raison évidente: nous n'avons plus les moyens de vivre décemment. Dit autrement: la déflation est l'aboutissement logique de l'intense pression subie par nos salaires et revenus depuis l'ère Reagan-Thatcher.

Privilégier le capital

Voilà quarante ans en effet que nos dirigeants ont choisi clairement leur camp, qui consistait à privilégier ostensiblement et massivement le capital au détriment du travail. Si ce n'est que la créature est sur le point d'échapper à ses géniteurs, voire de se retourner contre eux pour les détruire. Le grand capital se résigne en effet à réduire ses marges bénéficiaires en baissant ses prix, faute de quoi il serait dans l'impossibilité d'écouler ses produits à une armée de réserve des citoyens qui n'en a plus les moyens.

Les Etats-Unis contaminés par la déflation

Voilà également l'ultime refuge - les Etats-Unis - sur le point d'être contaminé par la déflation à la faveur de la courroie de transmission du marché des changes qui propulse sa monnaie vers des sommets. Aujourd'hui, la question n'est donc plus tant de savoir si mais plutôt quand ils en seront atteints car l'envolée du dollar - hautement nuisible à leurs exportations et donc facteur de ralentissement économique - se conjugue à un autre force dévastatrice, à savoir la chute des prix pétroliers, qui sonne le dernier acte de cette déflation globalisée. Cette industrie du pétrole de schiste - qui s'était développée et qui avait prospéré grâce à l'argent facile mis à disposition par la Fed - se révèle aujourd'hui être une arme de destruction massive pour l'économie US du fait de la spirale déflationniste généralisée qu'elle y induit, par effondrement des prix énergétiques interposé.

La hausse des inégalités provoque la baisse des prix

La boucle est aujourd'hui bien bouclée depuis l'époque des infâmes Reagan-Thatcher, et la créature se retourne bel et bien contre ses géniteurs. On ne peut - impunément - réduire le niveau de vie des citoyens et procéder à des transferts de richesses d'une telle ampleur depuis les classes moyennes en direction des plus riches et des entreprises à taille de mastodonte, sans provoquer des réajustements majeurs des prix à la baisse et sans susciter, à terme, le mal absolu de la déflation. Il fut certes possible de faire un temps illusion en anesthésiant la population avec du crédit facile, mais celle-ci est aujourd'hui de moins en moins dupe.

La déflation, en outre, ne viendra pas seule: elle sera accompagnée par la dislocation de nos économies, par des faillites en masse et par la banqueroute des créanciers, faisant du même coup passer à la trappe les apprentis-sorciers et autres parasites du système. La fin de l'Histoire approche en effet, et cette histoire ne sera elle même pas dénuée d'une certaine morale.

 Michel Santi est directeur financier et directeur des marchés financiers chez Cristal Capital S.A. à Genève. Il a conseillé plusieurs banques centrales, après avoir été trader sur les marchés financiers. Il est l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique".

Vient de publier "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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