Les vraies réformes passent au 49-3 ; c'est même à ça qu'on les reconnaît

Par Guillaume Hannezo  |   |  899  mots
Qu'on cesse de tomber sur Manuel Valls. La moindre réforme suscite l'opposition de la minorité s'estimant lésée, qui trouve des relais dans les partis. Voilà pourquoi les vraies réformes ont souvent dû passer par la procédure du 49-3. par Guillaume Hannezo, Banquier d'investissement, ancien conseiller économique de François Mitterrand et de Pierre Bérégovoy @ghannezo

Il y a des outils démocratiques qui ne s'usent que si on ne s'en sert pas.
La question de confiance par exemple. Dans la plupart des Constitutions parlementaires, le Gouvernement peut la poser : quand un projet est vraiment important pour son action, il a le droit et l'usage de demander au Parlement de choisir: le voter, ou le renverser et retourner devant les électeurs. « Put up, or shut up », comme on dit en droit boursier. Matteo Renzi l'a fait presque chaque mois depuis son arrivée au pouvoir. Ce n'est que le jeu de la démocratie, qui est l'exercice du pouvoir par la majorité et non son blocage par l'addition des minorités.

La démocratie ne consiste pas à voter sur des questions dans le désordre comme à la Star academy

Une majorité relative suffit: la question n'est pas de savoir s'il y a une majorité contre ceux qui gouvernent, mais une majorité pour les remplacer par d'autres, eux-mêmes d'accord sur un autre programme. Car la démocratie ne consiste pas à voter sur des questions dans le désordre comme à la Star academy: si vous approuvez Mélenchon d'augmenter les salaires, tapez 1...Si on fait comme ça, on ne vote que des lois bavardes, ou démagogiques. La démocratie, c'est d'élire des gens à meme d'engager une politique, avec ses avantages et ses inconvénients, ses gagnants et ses perdants; bref, ses choix .

La quasi désuétude du 49-3

C'est donc une curiosité que la quasi désuétude dans laquelle l'usage de la question de confiance sur un texte (article 49/3) menaçait de tomber : deux utilisations seulement en douze ans dans la période 1999/2011-période pendant laquelle les déficits budgétaires et extérieurs se sont creusés continument et les parts de marché de la France réduites- contre cinquante-quatre dans les quatorze années précédentes 1984/1998-période où les déficits publics sont restés à peu près dans les critères de Maastricht, où la compétitivité cout s'est constamment améliorée et les comptes extérieurs étaient excédentaires.  Aucun rapport ? Voire.
Car ce n'est pas facile de mener une politique économique sérieuse, respectueuse des équilibres et soucieuse du long terme. Si encore il y avait une seule politique responsable, et un seul parti des gens sérieux, il suffirait que ce seul parti de gouvernement obtienne la majorité. C'est pour cela que l'alternative au fonctionnement de la cinquième République, ce serait un gouvernement de troisième force: l'alliance de tous les gens responsables, en gommant leurs différences, avec comme seule alternative les forces du chaos. La question grecque à chaque rendez-vous électoral. Est-ce vraiment souhaitable ?

Plusieurs manières d'être sérieux

Pour l'instant, notre démocratie ne marche pas comme cela: il y a plusieurs manières d'être sérieux, plusieurs politiques responsables possibles, donc plusieurs partis de gouvernement, et dans chacun d'eux de grosses minorités qui sont sensibles au populisme, à la procrastination, à la distribution de revenus prélevés sur les générations suivantes, à l'électoralisme de court terme . Ceux-là, il faut pouvoir leur dire : « put up, or shut up ».

Les forces bruyantes de la résistance

Et ce besoin est encore plus net quand le problème, comme aujourd'hui, est moins d'imposer une politique de rigueur que de faire des « réformes de structure ». Le point commun des réformes de structure que nous devons engager (lutte contre les rentes, marché du travail, millefeuille administratif), c'est que, pour un bilan global positif, elles font des perdants bruyants et très identifiés et des gagnants diffus et silencieux. On entendra toujours plus les moniteurs d'auto-école que les jeunes qui pourront enfin passer leurs permis; les notaires en place que les clercs qui s'installent; les employés des collectivités locales fusionnées que les contribuables locaux ; les salariés en place qui devront réduire leurs protections que les jeunes qui ne demandent qu'à les challenger. Et ces forces bruyantes de la résistance trouveront des relais dans tous les partis, et dans toutes les majorités, de sorte qu'aucune réforme ne sera jamais votée si s'ajoutent aux voix de l'opposition les forces d'immobilisme des majorités.

 Les vraies réformes votées grâce au 49-3

C'est pour cela que les vraies réformes qui ont réussi -les privatisations des gouvernements de droite, la CSG sous Michel Rocard, la loi Macron aujourd'hui-, et d'ailleurs aussi celles qui ont échoué parce que l'opinion n'était pas mûre -le CPE- ont été votées sous le régime du 49-3. On peut prendre le pari qu'il en sera de même, que la majorité soit de gauche ou de droite, quand il faudra restructurer nettement le bloc communal ou réformer le code du travail. Même si l'on ne peut plus voter ainsi, après les textes Sarkozy, qu'une réforme par session, ce sera mieux qu'aucune en vingt ans.
La question de confiance posée par le Gouvernement Valls n'est pas seulement démocratiquement légitime. Elle n'est pas seulement une épreuve de vérité qui montre ce que pèsent les communistes et les frondeurs: respectivement, un appoint au vote conservateur, et rien. Elle est surtout une première hirondelle qui annonce le printemps des réformes.