La stratégie de regain des pays avancés

Par Alexandre Mirlicourtois, Xerfi  |   |  600  mots
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi./ DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la stratégie de regain des pays avancés

La cote des pays avancés remonte. En face les émergents semblent avoir mangé leur pain blanc. Schématiquement, selon les prévisions du FMI, les premiers accélèrent mais à partir d'un bas niveau. Quant aux seconds, ils décélèrent mais en partant de plus haut. Et ce n'est pas un simple déphasage conjoncturel, mais bien la consécration d'une reprise en main du leadership mondial des pays avancés sous la houlette des Etats-Unis.

Reprise en main monétaire

Depuis, la conférence de Jackson Hole de la fin août 2014 la BCE et la FED se sont engagées dans une stratégie concertée de dépréciation de l'euro ; la Banque du Japon a embrayé le pas avec le consentement US. Une « mansuétude » dictée par la volonté de la Banque Fédérale Américaine, d'éradiquer le poison de la déflation là où il est le plus virulent : en Europe et au Japon.

Les Etats-Unis cherchant ainsi à lever ce qu'ils considèrent comme la principale menace sur leur propre reprise. Une mansuétude intéressée donc, qui débouche aujourd'hui sur un glissement de 18% de l'euro et de 13% du yen depuis leur point haut de 2014. Un nouvel équilibre qui crée aussi des frictions et des tensions régionales périphériques. Car le coup est rude pour les pays fortement dépendants du cours des matières premières, la hausse de la devise américaine ayant comme souvent pour corollaire une baisse des cours mal contrôlée.

Les Etats-Unis ont un peu forcé les choses

Leurs choix radicaux en matière d'énergie non-conventionnelle ont fait exploser l'offre de pétrole de près de 58% entre 2008 et 2014, si bien que la production américaine dépasse celle de l'Arabie Saoudite ! Dans un contexte de croissance mondiale ralentie, cela a précipité la baisse des cours. Evolution des changes et prix des matières premières redonnent ainsi une chance à une diffusion positive de la croissance au sein des pays avancés. Et c'est bien le but recherché.

Mais ce n'est pas tout. Il faut ajouter deux éléments supplémentaires. D'abord, un mouvement de reflux des capitaux du Sud vers le Nord est en marche maintenant que les anticipations de croissances s'améliorent dans le monde développé. Tout passe évidemment une fois de plus par les Etats-Unis. Etats-Unis, qui ont toujours été une formidable machine à transformer le capital mondial : important des liquidités et investissant dans le reste du monde sous-forme d'actions et d'obligations corporate.

L'Europe est bon marché

Elle redevient la cible privilégiée des investisseurs américains. Un recentrage sur les régions développées qui s'inscrit dans un mouvement plus profond de raccourcissement des chaines de valeur de la part des grands groupes multinationaux.

Au-delà du quelques cas surmédiatisés comme Apple, des cabinets comme PWC communiquent abondamment sur le mouvement de reshoring qui sous-tendrait la renaissance industrielle américaine. La bascule de croissance entre pays avancés et émergents est bien en marche, et toutes les conditions d'une diffusion de la reprise au sein du monde développé sont maintenant réunies.

Une tendance qui confirme ce que nous énoncions il y a déjà un an et demi : le fossé de croissance, qui n'a cessé de se creuser depuis vingt ans entre pays avancés et émergents, apparaît bien comme une tendance moins inexorable et univoque qu'annoncé.

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