Quand les illusions comptables alimentent le french bashing

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  751  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, quand les illusions comptables alimentent le french bashing

Combien d'illusions comptables derrières les prouesses de nos partenaires. Dans l'écart abyssale qui nous sépare des autres et qui alimente chaque jour le bashing, devenu fonds de commerce des économistes de média. On croirait parfois que nos options institutionnelles et comptables n'ont été conçues que pour faciliter leurs effets de manche. Dès que l'on creuse pourtant les chiffres, il est frappant de constater à quel point notre portrait à charge est outré.

Une vision comptable trop « éthnocentrée »

On se dit alors que nos ministres et nos institutionnels, le patron de l'INSEE Jean-Luc Tavernier au premier chef devraient s'emparer du sujet. Notre comptabilité n'est-elle pas conçue de façon trop « éthnocentrée ». Se préoccupe-t-elle suffisamment des messages qu'elle émet au plan international ? Je ne dis pas de piper nos comptes, mais de livrer les clés de lecture et de favoriser les options institutionnelles qui nous permettraient de ramener les choses à leur juste proportion.  Je prends quelques exemples éloquents.

Pour qui veut démontrer que la France est une terre hostile, où l'entreprise se meure, ployant sous les charges... rien de plus facile. Comparons les taux de marges, ce qui reste aux entreprises après charges d'exploitation. Non seulement le taux de marge s'est dégradé avec la crise, mais la France est lanterne rouge en l'Europe... avec un taux inférieur de 12 points à celui de l'Allemagne ou de l'Espagne. La messe est dite...

A cela près, que nombre de pays continuent à servir du revenu aux ménages en aval du compte d'exploitation. A travers l'épargne retraite, salariale, ou l'intéressement...

C'est le cas de l'Allemagne notamment qui a baissé la voilure de son pilier de retraite par répartition à partir de 2002 pour encourager la retraite par capitalisation, modéré les salaires pour les troquer contre des formules d'épargne salariale... résultat, la redistribution des bénéfices représentes 19% de la valeur ajoute de l'autre côté du Rhin, contre 5 % en France en 2013. Une autre forme de prélèvement, mais un prélèvement tout de même. In fine, la France fournit un effort d'investissement supérieur à la moyenne de ses concurrents... peut-être aussi parce qu'elle pas seulement la terre hostile et de sous-rentabilité que tant d'économistes se complaisent à décrire.

La France comme terre de gabegie publique record

Une délégation canadienne, m'avait dit, il y a quelques années que l'art de réduire la sphère publique c'était celui de déneiger son champ en balançant la neige dans le champ du voisin. La charge ne disparaît pas. Depuis je cherche toujours le tas de neige, dans les fameux pays qui ont miraculeusement diminué la taille de leur Etat... et je le trouve toujours. Si je veux démontrer la charge prohibitive de notre fonctionnement public. Il suffit de ramener la rémunération de nos agents publics au PIB... preuve irréfutable d'un Etat ankylosé.

Sauf que quand un État ne fait pas, il fait faire. Il sous-traite. Il faut aussi regarder les consommations intermédiaires. L'exception française devient déjà un peu moins manifeste. Le cas allemand continue néanmoins à intriguer. Il ne faut pas chercher longtemps pour voir que le financement de certains services de santé et d'éducation passent par le truchement d'associations, et se retrouve dans des lignes de transferts en nature record en Europe. ... l'art de débudgétiser.

Combien d'autres exemples encore. Notre faible taux emploi,  notamment celui des jeunes, sur lequel se bâtit tout un discours sur l'impossible insertion des jeunes, quand tous les pays sont confrontés à la même difficulté et que le gros de l'écart se construit sur des petits jobs étudiant en cumul d'étude.  Que dire de notre impôt sur les sociétés record qui nous place au sommet des classements et plombe notre attractivité...

A cela près que son assiette est une des plus étroite d'Europe et que les niches du crédit impôt recherche et maintenant du CICE en diminuent la portée. Que dire aussi du traitement même du CICE ? Si j'en crois les comptes de l'INSEE, rien ne s'est produit... de quoi étayer le discours de ceux qui clament que tout cela est pipeau. Bref, on aimerait que nos intentionnels se préoccupent un peu de notre relooking.

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