On sait baisser le chômage sans croissance : méthodes et conséquences

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  727  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, on sait baisser le chômage sans croissance, cela s'est fait notamment en Allemagne, mais cela implique une dégradation de la qualité des emplois

Il y a ce fameux alignement des astres qui à court terme nous promet un regain de croissance au-dessus des fatidiques 1,5%. Un rythme de croissance qui en théorie nous permettrait d'inverser au moins transitoirement la courbe du chômage. Mais les cycles de reprises ne durent que ce que durent les cycles... l'espace de quelques années. Et au-delà, c'est une croissance zéro qu'entrevoient nombre d'économistes, pour des raisons sur lesquels je ne reviens pas ici, d'abord d'ordre démographique.

Peut-être cette idée fera-t-elle sourire a posteriori. Mais pour l'heure, c'est une hypothèse qu'il faut prendre au sérieux. Cette hypothèse nous condamne-elle pour autant à un chômage de masse persistant ? Ou peut-on réduire le chômage même dans un contexte de croissance zéro ?

Peut-on sortir du chômage de masse ?

Il faut pour répondre à cette question prendre en compte notre situation démographique spécifique. Un début de stabilisation de la population en âge de travailler après 2015, mais une hausse probable de la population active de l'ordre de 0,2% l'an, compte tenu de l'allongement de la durée de cotisation des seniors. Durant la crise cette hausse était de 0,4 % l'an. Autrement dit, il aurait fallu une hausse de l'emploi de 0,4% pour stabiliser le chômage.

L'emploi a en fait baissé de 0,1 % l'an, sur fond de croissance quasi-zéro sur 7 ans (0,2% pour être plus précis). Compte tenu de la donne démographique, il faudra donc à minima une hausse de 0,2% de l'emploi pour stabiliser le chômage à l'avenir. En Allemagne, compte tenu du recul de la population en âge de travailler, une baisse de l'ordre de 0,4 ou 0,5% de l'emploi suffirait à stabiliser le chômage.

La question se pose donc en France dans les termes suivant : peut-on augmenter l'emploi de 0,2% sur fond de croissance-zéro ? A priori, non. Une telle liaison entre croissance et emploi défit les régularités historiques et impliquerait un recul tendanciel de la productivité.

Mais il faut aussi noter que certains pays y sont parvenus dans la crise, une période qui nous permet d'expérimenter un contexte de croissance zéro ou proche de zéro à taille réelle.

Des pays de référence en exemple de réussite ?

  • L'Allemagne qui avec un rythme moyen de croissance de 0,5% l'an depuis le début de 2008 est parvenu à accroître son emploi au rythme de 0,7% l'an.
  • L'Autriche qui avec 0,5% de croissance tendancielle a connu une hausse de 0,8% l'an de l'emploi.
  • Le Royaume-Uni enfin, avec 0,4% de croissance tendancielle du PIB et 0,6% de progression annuelle de l'emploi.
  • La Suède n'est pas loin de l'objectif avec 0,8% de progression annuelle du PIB et 0,6% pour l'emploi.

Des performances qui défient les régularités que j'ai mentionnées plus haut.

Dégradation du travail

Si l'on s'appesantit néanmoins sur les exceptions Allemande et Autrichienne, il ne faut pas longtemps pour repérer que la durée du travail par personne employée a reculé au rythme de 0,7% par an pour le premier pays et de 1,1% pour le second. Le partage du travail a fait son œuvre. La référence est moins exemplaire qu'il n'y paraît, et le fractionnement de l'emploi sur les mini-jobs sont la clé explicative principale de leur trajectoire atypique.

Côté britannique, on connaît aussi le levier qui a permis d'enrichir le contenu en emplois de la faible croissance : depuis 2008, l'Office national des statistiques (ONS) estime que deux tiers des emplois créés l'ont été sous le statut d'auto-entrepreneur, avec un revenu médian qui a chuté de 27% depuis le début de la crise. Une proportion croissante de cols blancs a basculé sous ce statut avec des durées de travail accrues et des rémunérations moindres.

Partage du travail, minijobs sous-rémunérés, dégradation des compétences et de la productivité. Les pays de référence n'offre malheureusement pas d'autre issue que de jouer la mobilisation de la main d'œuvre peu qualifiée en jouant sur la diminution des bas salaires.

In fine, nos économies savent inverser la courbe du chômage à contre-courant des mouvements spontanés, mais elles ne savent pas le faire sans dégrader les perspectives de productivité à long terme.

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