AirBnB : appartement à louer avec avantage fiscal à la clé ?

Par Emmanuel du Douët et Mehdi Battikh  |   |  623  mots
A Paris, la mairie a conclu un accord avec Airbnb pourqu'il reverse la taxe de séjour (Crédits : Reuters)
Le Sénat suggère de clarifier la fiscalité applicable aux revenus issus des plateformes elles que Airbnb, Blablacar ou Drivy, en accordant une franchise de 5000 euros. Mieux vaudrait tout simplement que l'impôt soit prélevé à la source par ces plateformes, dès le premier euro. Par Emmanuel du Douët, avocat associé, et Mehdi Battikh, avocat, cabinet Bignon Lebray

Les plateformes participatives sont omniprésentes et concurrencent des services traditionnels comme le train ou encore l'hôtel. Comme tout nouvel outil économique, ces plateformes donnent naissance à des interrogations en droit fiscal auxquelles le contribuable doit trouver les réponses car en cas de contrôle de l'administration fiscale, il aura intérêt à avoir fait les bons choix.

Une franchise de 5 000 euros en contrepartie d'une implication des plateformes

Ces plateformes sont de réelles sources de revenus. Or, dans la plupart des cas, les particuliers ne déclarent pas leurs revenus liés à ces services. Cela peut donner lieu à une rectification qui serait accompagnée au minimum de l'application d'intérêts de retard, voire de sanctions pour omission de déclaration qui peuvent atteindre 80% en cas d'activité non déclarée.

Le Sénat propose d'instaurer une franchise de 5 000 euros sur les revenus tirés par les particuliers de leurs activités sur des plateformes en ligne. Cela signifie qu'en dessous de cette limite, les revenus ne sont pas imposés et n'ont pas à être déclarés. En revanche, les revenus supérieurs à 5 000 euros sont donc soumis à l'impôt sur le revenu.

Une tolérance légale

La philosophie de la mesure est d'instaurer une tolérance légale permettant de ne pas soumettre à l'impôt les activités occasionnelles, qui en tout état de cause sont bien trop difficiles à appréhender pour les services fiscaux.

Il est prévu que le bénéfice de la franchise de 5 000 euros ne s'applique qu'en contrepartie d'une collaboration des plateformes qui devront s'investir dans le processus déclaratif des revenus. L'objectif est double : servir de preuve pour l'administration et confronter le contribuable à la réalité de son activité, donc à ses obligations fiscales.

Une proposition très discutable du point de vue juridique et pratique

Le Conseil constitutionnel pourrait censurer la mesure proposée en considérant la franchise de 5 000 euros contraire au principe de l'égalité devant l'impôt. En effet, un propriétaire qui loue son appartement en direct ou via une agence est imposable dès le premier euro, alors qu'il bénéficierait d'une franchise de 5 000 euros en passant par Airbnb. Cette différence de traitement ne semble pas justifiée selon nous, d'autant que le montant de 5 000 euros est significatif.

Du point de vue pratique, les plateformes en ligne s'inquiètent des obligations auxquelles elles pourront être soumises et du surcoût lié à leurs nouvelles obligations déclaratives. Le projet actuel est muet sur ce point, les modalités d'application devant être précisées par décret. Pourtant ce point est crucial et aurait mérité un débat public au Sénat.

De plus, le projet du Sénat semble venir court-circuiter les travaux du Gouvernement afin de déceler les contribuables les moins diligents. Un décret du mois d'août 2015 a notamment donné le pouvoir à l'administration fiscale de demander certaines informations aux plateformes. Pascal Terrasse, Député de l'Ardèche, a par ailleurs été chargé par le Gouvernement de rendre un rapport sur la question de l'économie collaborative avant la fin de l'année 2015.

Les plateformes devraient prélever l'impôt à la source

Il nous semble surtout qu'une solution pourrait être trouvée dans le cadre des travaux sur le projet de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Les plateformes en ligne, comme tous les autres organismes payeurs, devraient prélever l'impôt à la source. Pourquoi créer des particularités difficilement justifiables juridiquement alors qu'une réforme globale de notre fiscalité est en cours ? Espérons que la recherche du « buzz » ne dépasse pas les frontières de l'Internet pour s'immiscer dans le processus législatif.