Alexis Tsipras le prestidigitateur ou la mise en faillite d'un pays

Par Marc Guyot et Radu Vranceanu  |   |  811  mots
La sortie de la Grèce va être scrutée de près par les souverainistes de tout bord en ce qu'elle constitue un test de faisabilité d'une sortie de l'euro. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l'ESSEC

Alexis Tsipras est arrivé au pouvoir en Janvier 2015, en promettant aux Grec la fin de l'austérité tout en maintenant la Grèce dans la Zone euro. Il a gagné le referendum de dimanche en réussissant à faire passer le même message. Il apparaît cependant objectivement évident, indépendamment du bien fondé de chacune de ces deux propositions, qu'il n'est pas possible de tenir les deux promesses à la fois.

Tsipras refuse les réformes

A tort ou à raison, l'aide européenne est conditionnée à l'obligation pour la Grèce à dégager un surplus du budget public primaire, signifiant qu'au fil des années l'aide sera remboursée, ne serait-ce que partiellement. Or pour la Grèce, réaliser un surplus primaire nécessite ad minima l'alignement de la TVA sur celle des autres pays européens, une réforme radicale de la fonction publique et un alignement de la durée du travail avant la retraite sur ce qui se pratique en moyenne en Europe. A ce jour, encore une fois à tort ou à raison, Tsipras refuse ces trois réformes donc rend impossible le maintien des plans d'aide européens.

Une Banque Centrale grecque indépendante pourrait financer le déficit public

Sans l'aide européenne, les investisseurs privés boudant la dette grecque, le seul moyen pour la Grèce de financer son déficit public c'est de le monétiser, c'est-à-dire de faire acheter la dette nouvelle par la Banque Centrale. Indépendamment du bien fondé de ce financement, on retombe alors sur une situation d'impossibilité. En effet, il n'est pas possible à la BCE de procéder de la sorte étant donnés sa constitution et ses missions. En revanche, une Banque Centrale grecque indépendante pourrait financer le déficit public en imprimant une monnaie nationale. Techniquement, le maintien de la fonction publique grecque et du système actuel de retraites revient à financer le déficit public qu'il génère par l'émission d'une monnaie nationale.

Un transfert de ressources du reste de la zone euro vers la Grèce?

Enfin, le maintien des dépenses publiques grecques à leur niveau actuel, tel que le veut la forte majorité du peuple grec, signifierait un transfert de ressources du reste de la zone euro vers la Grèce. Il est peu probable que la majorité des citoyens des pays de la zone euro souhaite un tel transfert.
S'il est exact de penser qu'en termes économiques, la gestion de l'affaire grecque semble manquer de professionnalisme, il ne faut pas oublier qu'il s'agit avant tout d'un dossier politique qui a des coûts économiques et non l'inverse. La position souverainiste selon laquelle une sortie précoce de l'euro, suivie d'une dévaluation, aurait permis aux grecs d'éviter une austérité longue et douloureuse n'est pas inexacte. En effet, c'est bien le choix politique du maintien de la Grèce dans l'euro qui a imposé de mener un programme d'austérité dans lequel la dévaluation de la monnaie est remplacée par une dévaluation « interne » prenant la forme d'une baisse des salaires.

L'essentiel de l'ajustement supporté par les travailleurs

La baisse des salaires et la forte montée (temporaire) du chômage fait que l'essentiel de l'ajustement est supporté par les travailleurs et non par les grecs les plus aisés détenteurs d'actifs.
Le referendum grec a le mérite de rappeler que, même si on considère que Tsipras trompe son peuple et le conduit vers la catastrophe, la majorité de son peuple le soutient et a résolument pris la route du défaut sur la dette publique, devenant le premier pays riche à se trouver dans ce cas de figure. Les dirigeants des pays de la Zone euro sont au pied du mur et n'ont d'autres choix que de prendre acte du rejet de l'austérité par les Grecs et de préparer une sortie de la Grèce de la Zone euro alors même que les Grecs veulent et croient qu'ils vont pouvoir rester dans l'euro. Le referendum ayant déjà eu lieu, il semble trop tard pour faire aux Grecs de la pédagogie sur l'aspect irréalisable de leur choix et de leur donner encore un bref moment de réflexion.

Un test de faisabilité d'une sortie de l'euro

La sortie de la Grèce va être scrutée de près par les souverainistes de tout bord en ce qu'elle constitue un test de faisabilité d'une sortie de l'euro et d'un retour aux bonnes vieilles politiques keynésiennes de soutien de la demande. Elle va également être suivie par les pro-européens qui, certains de la catastrophe vers laquelle vogue la Grèce, s'apprêtent tristement à faire le compte des dégâts et à préparer l'aide humanitaire pour ce pays qui s'est démocratiquement auto-déclassé.