Amérique latine et Caraïbes : les nouveaux défis de l'intégration régionale

Ancrée dans l'idéal latino-américain, l'intégration régionale façonne, depuis plus d'un demi-siècle, le paysage de l'Amérique latine et Caraïbes avec des succès variables. Dans un contexte en mutation, la région fait face aujourd'hui à de nouveaux défis qui appellent des réponses innovantes.

Si l'intégration régionale a occupé tôt une place centrale dans l'idéal latino-américain, à l'image de la Lettre de Jamaïque de Bolivar en 1815, elle a pris forme surtout à partir des années 1960. Depuis, le paysage latino-américain n'a eu de cesse de se densifier et complexifier avec une série d'initiatives multiformes, des regroupements sous-régionaux et accords bilatéraux intra-zone, aux accords de libre-échange avec les Etats-Unis, en passant par ceux transcontinentaux, avec l'UE et l'Asie notamment.

 De ce spaghetti bowl, phénomène de superposition et d'enchevêtrement des initiatives commerciales, ressort aujourd'hui un bilan contrasté. Si des progrès réels ont été accomplis par la région en termes d'accès aux marchés, d'accroissement des échanges commerciaux et des flux d'investissements, certains objectifs n'ont, toutefois, pas été atteints comme le reflètent la part modeste du commerce intra-zone dans les échanges totaux latino-américains (17% d'après la Banque mondiale), des asymétries et inégalités encore importantes ou la dynamique d'intégration variable par sous-région.

 Dans le même temps, de nouvelles tendances du commerce international se font jour, à l'image de l'importance croissante des chaînes de valeur mondiales, la place grandissante des technologies et l'essor d'accords commerciaux méga-régionaux, comme le Partenariat Transpacifique.

 Nouveaux défis

 Dans ce cadre, l'Amérique latine et Caraïbes font face aujourd'hui à plusieurs défis. D'abord, la participation de leurs entreprises aux chaînes de valeur mondiales est limitée. Ainsi, la part des intrants étrangers dans les exportations de la région n'est-elle que de 20%, alors que l'Asie et l'UE affichent des ratios bien supérieurs (35% et 40%) d'après la Banque interaméricaine de développement. Imputables à un déficit d'infrastructures, les coûts logistiques et de transports restent aussi élevés : ils constituent 18 à 35% de la valeur du produit dans la région contre 8% en moyenne au niveau de l'OCDE. Enfin, les accords commerciaux régionaux sont insuffisamment exploités et articulés entre eux.

 Devant ces enjeux, les pays de la région gagneraient à améliorer l'architecture du commerce régional, tout en s'orientant vers l'intégration du 21ème siècle. L'amélioration de l'architecture existante rend nécessaire, en premier lieu, une meilleure connectivité entre les accords commerciaux via la modernisation du cadre réglementaire (software) et le développement des infrastructures (hardware).

 Améliorer l'architecture du commerce régional

 Rénover le software de l'intégration passe, d'une part, par un soutien à la facilitation des échanges, à la coopération douanière et à la convergence réglementaire à travers par exemple à un guichet unique du commerce extérieur, une reconnaissance mutuelle des programmes d'opérateurs économiques agréés ou encore l'harmonisation progressive des règles d'origine. A cet égard, les efforts de coordination des pays de l'Alliance du Pacifique et du MERCOSUR sont à saluer.

 Renforcer le hardware implique, d'autre part, le développement de l'intégration physique et des capacités logistiques. D'après l'OCDE, une diminution de 10% des coûts logistiques de la région entraînerait une hausse de 60% de ses importations interrégionales. Là aussi, l'IIRSA et le Projet Mésoamérique montrent la voie à suivre en soutenant des projets infrastructurels de transports, énergétiques et de télécommunications, tels que le Système d'interconnexion électrique pour l'Amérique centrale ou l'Autoroute mésoaméricaine de l'information qui favorise l'accès aux TIC.

 S'orienter vers l'intégration du 21ème siècle

S'acheminer vers l'intégration du 21ème siècle nécessite, en second lieu, des solutions innovantes pour promouvoir des thèmes porteurs et des partenariats modernisés ou nouveaux. La promotion de chapitres de nouvelle génération comme l'internationalisation des PME et le commerce électronique s'avère nécessaire au vu de leur potentiel sous-exploité. Alors que les PME constituent 95% des entreprises latino-américaines, seulement 13% d'entre elles sont exportatrices. De même, la part de la région dans les ventes mondiales du e-commerce atteint à peine 4% selon la BID. Pionnière, l'Alliance du Pacifique a consacré ces deux disciplines prometteuses dans son Protocole commercial.

 Bâtir des alliances modernisées ou nouvelles constitue aussi un levier de développement de la région. Animés par des objectifs communs, quatre pays latino-américains (Mexique, Colombie, Pérou, Chili) ont fondé l'Alliance du Pacifique, processus sous-régional inédit, mêlant une intégration profonde (libéralisation de biens, services, capitaux et personnes) et des mécanismes d'articulation politique, économique et de coopération, associant de multiples parties prenantes, comme les secteurs privé et académique, la société civile, des organisations internationales et 42 observateurs dont la France.

 Percée de la Chine

Au niveau extrarégional, trois Etats de l'Alliance (Mexique, Pérou, Chili) prennent part au Partenariat Transpacifique qui leur sert à rénover et à diversifier leurs liens commerciaux avec l'Asie-Pacifique et l'Amérique du Nord, ainsi qu'à accroître leur participation dans ces chaînes de valeur régionales. Deuxième partenaire commercial, l'UE mène aussi des discussions en vue de moderniser (Mexique) et peut-être compléter (MERCOSUR) ses accords de libre-échange en Amérique latine et Caraïbes.

 Enfin, la Chine connaît une percée commerciale dans la région. Malgré seulement 3 accords de libre-échange, son commerce avec l'Amérique latine et Caraïbes a été multiplié par 14 entre 2000 et 2014 d'après l'OCDE. Mais, cette relation commerciale connaît des limites : des économies sud-américaines subissent actuellement la baisse combinée de la croissance chinoise et du cours des matières premières, leurs principales recettes d'exportations. C'est pourquoi la région devra aussi repenser ses liens commerciaux avec la Chine et diversifier sa production en misant sur davantage de valeur ajoutée.

Jérémie None

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