APL, HLM : pourquoi Macron s'en prend aux bailleurs sociaux

Par Alexandre Mirlicourtois, Xerfi  |   |  632  mots
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, pourquoi Macron s'en prend aux bailleurs sociaux

 Emmanuel Macron et les organismes HLM sont en conflit ouvert. Et pour cause, la pilule de la loi de finances est dure à avaler : pour 2018, est prévue une baisse générale des APL de 1,7 milliard d'euros, uniquement concentrée sur les 2,2 millions des ménages du parc social qui la perçoivent. Et pour que ces locataires ne subissent aucune perte, le gouvernement a décidé, manu militari, de contraindre les bailleurs sociaux à compenser en intégralité cette baisse par une réduction équivalente du loyer.

C'est, en moyenne, une ponction de 8% environ de leurs revenus. Le monde HLM est-il à ce point riche qu'il puisse supporter un tel prélèvement sans sourciller ? Le Président le pense et d'insister : "Dans le monde HLM il y a des organismes qui ont de l'argent et qui ne le dépensent plus, qui ont construit une forme de rente".

Le trésor caché des HLM

C'est en fait un vieux serpent de mer, et l'allusion aux "dodus dormants" est explicite. Le président vise certains organismes HLM qui, grâce à leur patrimoine déjà amorti, produisent de l'argent sans le réinvestir dans des programmes de construction ou de réhabilitation. Il y aurait donc un trésor caché à aller chercher.

Si l'on en croit la Cour des comptes, ce trésor existe bel et bien. Le secteur HLM réalise un chiffre d'affaires de 21,4 milliards d'euros, pour des bénéfices de 3,3 milliards d'euros. Le taux de résultat net par rapport au chiffre d'affaires est de 15,4%, de quoi laisser pantoises nombre d'entreprises. Il faut dire que les HLM ne paient pas l'impôt sur les sociétés. Un sacré avantage fiscal que les  Sages de la rue Cambon ont chiffré à 1 milliard d'euros !

Ce n'est d'ailleurs pas le seul coup de pouce fiscal dont bénéficient les organismes HLM : exonération des taxes foncières sur les propriétés bâties (0,7 milliard d'euros), taux de TVA réduit (2 milliards d'euros)... L'enveloppe globale atteindrait 3,7 milliards d'euros. Dans un référé de septembre 2017, la Cour soulignait que les organismes avaient accumulé des "réserves" supérieures à 30 milliards d'euros, qui correspondent à la différence entre leurs fonds propres (161 milliards) et leurs encours d'emprunt (128 milliards). Ce dernier chiffre est plus discutable car la Cour des comptes met dans les 161 milliards, le capital social de certaines sociétés HLM, notamment la valeur des immeubles. A défaut de vendre massivement le parc social, les organismes HLM ne disposent donc pas de cette somme.

Méthode brutale et fragilisation du système pour plaire à Bruxelles

Autre chiffre mis en avant, moins discutable, la trésorerie : 8 milliards d'euros. 8 milliards de trésorerie, et un résultat net proche de 3,3 milliards d'euros : à défaut d'être riche, le secteur HLM se porte bien dans son ensemble et c'est pourquoi le gouvernement le met au régime sec.

Mais le fond du problème n'est pas là. La méthode est brutale, et le chemin choisi douteux, car plus un organisme HLM fait du social, plus il y a d'allocataires d'APL, plus il sera ponctionné au risque d'être fragilisé. Si l'objectif était d'améliorer le fonctionnement du secteur HLM, c'est-à-dire faire mieux avec les mêmes moyens, d'autres voies étaient possibles. Par exemple, renforcer la mutualisation des fonds entre organismes riches et moins riches : en 2018, ce sont 350 millions d'euros qui seront mutualisés et redistribués à ceux qui investissent, en d'autres termes qui construisent. Ce n'est pas assez.

Le seul et unique objectif poursuivi par le gouvernement est de faire des économies pour rentrer dans les clous bruxellois. C'est une vision courte de la politique du logement.

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