Après un premier quinquennat un peu maigre, que pouvons-nous attendre d'un second quinquennat Macron  ?

Par Marc Guyot et Radu Vranceanu  |   |  1219  mots
Marc Guyot et Radu Vranceanu. (Crédits : Reuters)
OPINION. La facture des sur-dépenses du Covid-19, de la mise à l'arrêt de l'économie en 2020 et du peu de réformes du quinquennat écoulé vont conduire à une double envolée des taux d'intérêt et de l'inflation. Pour les cinq années à venir, Emmanuel Macron doit relancer la machine à réformes, en s'attaquant aux points faibles de l'économie française. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l'Essec.

L'élection présidentielle s'est terminée sans surprise, avec le remake lassant de Marine Le Pen perdant en finale contre Emmanuel Macron, candidat annoncé du progrès, élu pour un nouveau mandat. Le concours de beauté, destiné à séduire les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, a tourné en course aux promesses les plus absurdes au nom de la sauvegarde du pouvoir d'achat. S'ils ont tous deux évoqué divers sujets de société, les réformes économiques, elles, ont été les grandes absentes du débat, si ce n'est la réforme des retraites.

Puisque c'est le candidat présenté comme « libéral » qui a gagné, c'est à cette lumière qu'il serait cohérent d'évaluer les réformes du premier quinquennat. En réalité, il n'y a pas eu de grande réforme mais plutôt une myriade de petites réformes. Le statut de la SNCF a été réformé, en conformité avec les exigences de l'Union européenne (UE), mais avec le maintien de l'ensemble des garanties des employés. Il n'y a pas eu de réforme du CDI à la française mais une réduction marginale de la protection juridique offerte. Il n'y a pas eu de réforme des normes de la négociation collective, pas plus qu'il n'y a eu de réforme des 35 heures, ou du SMIC unique non modulable en fonction de l'âge ou du secteur professionnel. En revanche, il y a eu une réforme bienvenue du calcul des indemnités de chômage et une revalorisation de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Il est trop tôt pour dire si la réforme de l'enseignement secondaire permettra une meilleur adéquation entre les formations dispensées et les besoins des entreprises et de la société. Heureusement, Emmanuel Macron s'est engagé à revenir sur la suppression des mathématiques du tronc commun alors même que le pays manque généralement d'ingénieurs et plus singulièrement de filles dans les filières scientifiques.

Situation absurde

La gestion économique de la crise sanitaire avec comme point d'orgue la mise à l'arrêt de l'économie au printemps 2020 est largement critiquable. De ce point de vue, le gouvernement a bien fait de ne pas réitérer et de n'avoir pas fermé les écoles lors de la troisième vague de la pandémie. Emmanuel Macron s'est targué d'avoir nationalisé les salaires, à hauteur de 27 milliards d'euros en 2020. En réalité, il a plongé le pays dans cette situation absurde où la production s'est effondrée de 8% en 2020 tandis que le revenu des ménages augmentait légèrement.

Sans surprise la dette publique de la France est passée de 97,6% du PIB en 2019 à 113% en 2021. Pour les adeptes de la dette, tant que des investisseurs privés acceptent cette dette, il n'y a aucun souci. L'affirmation est vraie, mais en l'espèce ce n'est pas ce qui s'est passé. L'essentiel de la nouvelle dette a été absorbée par la BCE au travers de ses 1.850 milliards d'achats d'actifs entre mars 2020 et mars 2022. Outre cette explosion de ces achats de titres, la BCE a également baissé les taux longs et nourri les excès des emprunteurs « professionnels » à grands coups de prêts à 4 ans à intérêt négatif.

Après les réformes non menées, notre inventaire passe par les faiblesses non traitées et donc non résolues de l'économie française. La première en termes de gravité nous semble être le déficit commercial chronique du pays qui s'est aggravé sous le quinquennat. Nos exportations souffrent depuis longtemps d'un handicap de compétitivité, induit par des couts cachés dans les réglementations du marché du travail comme l'avait bien diagnostiqué François Hollande en son temps et induit par un coin fiscal parmi les plus élevés des pays de l'OCDE.

La seconde faiblesse de l'économie française est la désindustrialisation. Certes, tous les pays de l'OCDE ont connu un fort mouvement de désindustrialisation mais c'est en France que ce mouvement est le plus fort. En 2020, l'industrie française ne contribue plus qu'à hauteur de 9,4% de la valeur ajoutée contre 18% en Allemagne et 14,9% en Italie (Banque Mondiale). La désindustrialisation est la conséquence de la difficulté générale des firmes françaises à embaucher, se financer et plus généralement à naviguer dans le labyrinthe règlementaire national. L'électricité d'origine nucléaire est certes un atout pour notre industrie. Le gouvernement a bien fait de profiter de la relance budgétaire post Covid-19 pour passer en douce une réduction des impôts territoriaux sur les entreprises dont le montant était excessif. Il lui reste à agir sur la simplification administrative et à réduire et rendre cohérentes la myriade de normes, règles et réglementations dans tous les domaines.

Élection présidentielle oblige, avec le retour de l'inflation dans la zone euro, Emmanuel Macron a tiré parti du système centralisé de fixation des prix de l'énergie pour bloquer le prix du gaz pour les ménages et freiner la monté du prix de l'électricité. Cette mesure électoraliste a bien sûr limité la hausse des prix et donc de l'inflation mais à court terme et en trompe l'œil. Directement ou indirectement, l'Etat a dû subventionner les pertes ou garantir des éventuelles pertes d'exploitation de EDF et GDF. Après les élections, il faudra payer également cette ardoise là et revenir aux mesures orientées vers les économies d'énergie.

Rendre le marché du travail plus flexible?

Emmanuel Macron a promis un retour au plein emploi pour la fin de son second mandat mais sans en préciser les modalités d'action. Il ne lui sera toutefois pas possible de suivre l'exemple du président américain Joe Biden, qui a pu faire chuter rapidement le taux de chômage par des dépenses incommensurables autant qu'inconsidérées entrainant un taux d'inflation historiquement élevé. La France n'est pas l'Amérique. Notre compréhension est qu'il compte, sans toutefois pouvoir encore le dire, rendre le marché du travail plus flexible. C'est pour nous la seule voie possible et nous formons des vœux de succès pour cette entreprise.

La facture des sur-dépenses du Covid-19, de la mise à l'arrêt de l'économie en 2020 et du peu de réformes du quinquennat va d'abord se présenter sous la forme de la double envolée des taux d'intérêt et de l'inflation. La guerre en Ukraine n'a fait qu'aggraver l'envolée de l'inflation sans en être la cause première.

Nous ne remettons pas en cause la direction dans laquelle vont les multiples petites mesures d'Emmanuel Macron et peut être que sa stratégie « d'emmerdement limité » est la méthode la plus pragmatique pour réformer notre pays. La guerre en Ukraine va ralentir l'économie mais ne devrait pas la plonger dans la récession. Emmanuel Macron a donc une fenêtre de tir pour relancer la machine à réformes d'autant plus que la hausse des taux d'intérêt va le priver de la tentation des largesses budgétaires. Le temps de la discipline budgétaire arrive. Nous souhaitons bon vent au futur gouvernement s'il a à cœur de réformer.