Au delà de la vétusté de Fessenheim, le déclin de l'industrie française

Par Jean-Pierre Maures  |   |  617  mots
Le débat sur la vétusté de la centrale de Fessenheim ne doit masquer que c'est toute l'industrie française qui vieillit. par Jean-Pierre Maures, responsable du développement marchés Energie-Défense, Dekra

Fessenheim va au-delà du problème du nucléaire en tant que tel, en mettant l'accent sur le vieillissement des installations industrielles en France.
Le récent arrêt de la centrale de Fessenheim a été considéré par beaucoup comme une
raison de plus de fermer le site alsacien et d'amorcer un plus vaste processus de dénucléarisation du pays. Il n'en demeure pas moins que l'incident survenu début mars concernait un défaut d'étanchéité sur une tuyauterie située en aval du condenseur, dans la salle des machines... hors zone nucléaire ! Pour être le plus objectif possible, il
convient donc de prendre du recul et de dépasser le simple cadre de la dangerosité potentielle de nos installations nucléaires - qui d'ailleurs, depuis Fukushima, font l'objet d'un dispositif de prévention renforcé - pour se poser plus largement la question sur l'état de conservation de nos outils industriels en France.

 Une industrie déclinante

En 30 ans, la part de la valeur ajoutée industrielle en France a diminué de 52% (de 20,6 % à 10%). Entre 2001 et 2014, ce taux a diminué de plus de 30% alors qu'il a augmenté de 3% environ en Allemagne. En 2012, la France est, avec Chypre, le pays de l'Union
européenne où la part de l'industrie dans l'économie est la plus faible (12,5%) contre, par exemple, 14,6% au Royaume-Uni, 26% en Allemagne, 31% en République Tchèque, 24,8% en Pologne ... Entre 1998 et 2013, le nombre de machines outils récentes (moins de 15 ans) a augmenté de 17% en Allemagne alors qu'il a diminué de 6% en France. Un vieillissement de notre tissu industriel qui pénalise la productivité, la rentabilité et fait peser des risques plus importants en matière de sécurité.

Des exigences renforcées depuis Fukushima

Conscient de cette problématique, les pouvoirs publics ont lancé, fin 2008, un plan de modernisation des installations industrielles (PM2I). Son périmètre réduit (canalisations de transport, génie civil, stockages atmosphériques ... ) n'a cependant pas permis d'apporter une réponse exhaustive à la maitrise du vieillissement de l'ensemble des équipements. Construites majoritairement entre 1945 et 1975, les installations industrielles françaises sont, pour la plupart, encore exploitées et n'ont, malgré tout, que trop rarement bénéficié d'un programme de rénovation d'ampleur.
Si des progrès dans le domaine de la sécurité et de la prévention peuvent toujours être accomplis, le secteur du nucléaire n'est pas, loin s'en faut, le plus à la traîne dans ce domaine.

Une vigilance accrue des pouvoirs publics

La sensibilité au risque y est beaucoup plus développée que dans de nombreux autres
secteurs et la catastrophe de Fukushima a encore renforcé la vigilance des pouvoirs publics qui, à la suite d'une recommandation de l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), ont publié le 8 février 2012 un arrêté relatif aux installations nucléaires de base renforçant notamment la réglementation sur le traitement des non-conformités, la surveillance de la sous-traitance et intégrant d'éventuels cumuls d'agressions sur les installations.

Cet arrêté a également prescrit la prise en compte des risques d'incendie tout en laissant à des décisions réglementaires de l'ASN le soin de préciser les mesures précises à mettre en oeuvre. Des recommandations qui ont été validées par un arrêté le 20 mars 2014.
Voilà un constat qui, bien plus qu'une réflexion sur le devenir de nos installations nucléaires, doit nous amener à définir une stratégie plus globale sur la vétusté de nos équipements industriels, et les risques encourus aussi bien en termes de productivité que de prévention des risques. Le tout sans négliger de bâtir une politique énergétique cohérente avec l'accroissement de la population.