Ayons le courage de la réindustrialisation  !

Par Guillaume Cairou  |   |  704  mots
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OPINION. Malgré le volontarisme des entrepreneurs et les efforts des pouvoirs publics, le climat général du pays n'est pas encore pleinement favorable à la réindustrialisation. La Semaine de l'industrie, du 27 novembre au 3 décembre, doit aussi être une occasion de défendre le retour de la France productive face à ses détracteurs. Par Guillaume Cairou, président de la Chambre de Commerce et d'Industrie des Yvelines et du Club des Entrepreneurs.

Depuis plusieurs années, notre pays reprend enfin le chemin de l'industrie. Et jusqu'ici nous avons de quoi être optimistes. Le plan France 2030, la récente loi Industrie verte, la création de 183 nouveaux

Territoires d'industrie ou encore la stabilisation à venir du prix de l'électricité nucléaire sont autant de bonnes nouvelles pour un secteur en compétition avec le monde entier. Certes, le report à 2027 de la suppression de la CVAE, le plus injuste des impôts de production, a quelque peu écorné l'image de pouvoirs publics résolument tournés vers la réindustrialisation. Mais tâchons de voir le verre à moitié plein à l'occasion de la Semaine de l'industrie.

D'autant que nous partons de loin ! En vingt années, la France a perdu pas moins de la moitié de ses usines, le secteur productif ne représentant plus que 17 % du PIB contre 23 % en moyenne chez nos partenaires européens. Les importations massives de biens fabriqués à l'étranger ont porté notre déficit commercial à 164 milliards d'euros en 2022, un triste record.

Le chemin est encore long, et le chantier immense. Pourtant, force est de constater que l'enjeu de la réindustrialisation ne fait pas partout consensus. L'actualité récente démontre une intensification de l'« effet NIMBY » chez les Français : des projets industriels créateurs d'emplois et d'activité économique sont régulièrement abandonnés du fait d'opposants locaux qui ne les souhaitent pas près de chez eux, « pas dans leur arrière-cour » (« Not In My BackYard »). Le meilleur exemple reste le projet d'usine Bridor en Bretagne, assailli de recours juridiques pendant six ans et finalement déménagé au Portugal. On voudrait favoriser généreusement la réindustrialisation des pays voisins que l'on ne s'y prendrait pas autrement !

En plus des problèmes traditionnels que sont la faible compétitivité, les difficultés d'approvisionnement et le manque de formations, il faut désormais davantage prendre en compte ces réticences locales à l'implantation d'activités industrielles, véritables freins à toute ambition nationale en la matière.

Assumons et défendons le nouvel élan productif

Ces multiples points de contestation locale font émerger un constat général, celui d'une lente, mais certaine habituation à consommer des biens importés, souvent de moins bonne qualité, mais aussi souvent moins chers. Alors que la France n'a pas à rougir de ses esprits éminents et techniciens brillants, l'image de l'industrie souffre encore de préjugés du siècle dernier. Soit ceux à l'origine même de notre désindustrialisation !

La transition écologique ne se fera pourtant qu'avec la technique, et les entreprises ne sont pas le problème, mais la solution. Nous devons au contraire développer un attachement particulier à nos forces productives, à l'instar de l'Allemagne prête aujourd'hui à défier l'Europe sur les aides d'État pour préserver son tissu industriel.

N'ayons pas peur d'ériger la réindustrialisation en grande cause nationale : assumons et défendons pour cela le nouvel élan productif né de l'après-Covid. Le soutien à l'industrie face à ses détracteurs devient crucial, tant une absence de traitement du mal à sa racine risque d'entraver tout projet futur dans nos territoires. Oui à la décarbonation, non à la désindustrialisation !

Une solution juridique existe déjà, elle est appliquée au secteur émergent de l'éolien offshore depuis 2021. Désormais, les recours intentés contre les autorisations d'installations de ces éoliennes sont traités en premier et dernier ressort par le Conseil d'État, épargnant ainsi aux entrepreneurs plusieurs années de contentieux souvent abusif devant les tribunaux inférieurs.

Nous pourrions généraliser cette simplification administrative à tous les projets d'activité industrielle, et pas uniquement aux « projets d'intérêt national », car nous aurons besoin de toutes les initiatives entrepreneuriales pour reconquérir une souveraineté digne de ce nom. Il n'est plus acceptable de laisser les recours sans fondement s'accumuler, parfois pendant des décennies, au moment même où l'Allemagne, les États-Unis et l'Asie accélèrent en matière d'industrie du futur !

Une action forte garantissant un réel raccourcissement des délais d'implantation d'infrastructures et d'usines, par une rationalisation des recours contentieux, voilà ce qui manque aujourd'hui à la France pour rendre crédible son ambition industrielle retrouvée.