Brexit, une chance pour l'Union européenne et la France

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  940  mots
Il faut dire non à l'Europe à la mode britannique et clarifier le projet européen. Bref, aller de l'avant. Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, CEO de ZENON7 et Président de j c g a*

Bye bye Britannia et bon vent ! Certes pour la première fois l'Union Européenne rétrécit, mais regardons sereinement ce moment, justement commenté comme historique : s'il s'agit d'une catastrophe pour la Grande Bretagne, c'est une chance inattendue pour l'Union et pour la France si, très vite, nous saisissons ce moment, cessons d'entretenir le brouillard mensonger, reprenons nos responsabilités et notre leadership et agissons pour retrouver la voie de l'Europe puissance économique, politique et géopolitique. Nous allons analyser pendant les prochains mois ce chemin de reconquête, prenons ce matin juste le temps d'en marquer les enjeux immédiats.

A Bruxelles, pour ceux et celles qui vivent réellement les institutions européennes, l'ensemble européen ressemble et fonctionne davantage comme Washington DC et Londres que comme Paris et Berlin. Les britanniques sont les plus nombreux lobbyistes, groupes de pression, influenceurs ... les plus actifs aussi. Sous leur impulsion, Bruxelles est devenue une gigantesque place de marché ouverte pour tout et pour tous, européens ou non. Depuis son adhésion à l'Europe en 1973, la Grande-Bretagne minoritaire en Europe, par son activisme et sa volonté de contrôler les avancées de l'Union en profondeur, n'a cessé de tenter de réguler à sa main l'Europe de l'intérieur : oui au grand marché unique, non à l'Europe politique intégrée. Oui à l'élargissement, non à l'approfondissement.

Dire NON à une Europe à la mode britannique

Ce moment est historique car le potentiel d'initiative qui résulte du Brexit est beaucoup plus puissant que celui d'un continuum d'une Europe à plusieurs vitesses à la mode britannique, celle du marché contre celle du politique, celle de la technocratie contre celle des peuples.

Les britanniques n'ont eu de cesse de se tailler une Europe à la carte. Mais, soyons honnêtes, ils ne l'ont fait que par l'acceptation répétée et complice des autres élites politiques et économiques européennes, notamment françaises et en particulier de nos propres chefs de gouvernement au sein du Conseil Européen ou de nos représentants au Parlement européen. Le Brexit donne désormais les moyens aux autres européens de dire NON au chantage permanent de ceux qui veulent une Europe à la mode britannique. Ce que les élites européennes avaient oublié de faire depuis trop longtemps. Soyons en certains : même en France, qui est de loin la championne des peuples eurosceptiques, les peuples se sentent moins éloignés de l'Europe que de leurs élites nationales qui ont lâchement abandonné l'Europe et sa construction, seulement devenue le bouc émissaire de leurs propres insuffisances, voire de leurs médiocrités partagées.

Vis à vis des Anglais, ne pas tergiverser

Dans ce moment historique, il y a un aspect agenda immédiat. Nous attendons les élites politiques européennes sur leur capacité à agir vite et fermement. Pour marquer la confiance et sa détermination, tuer l'incertitude, elle aussi mortifère, l'Union Européenne et ses membres doivent désormais détricoter immédiatement et radicalement les liens avec la Grande Bretagne. Pas de tergiversation pour éviter la contagion. Plus de présidence tournante en 2017, exit les députés européens, plus d'avantage financiers ... plus de lobbyistes dirigeants les fédérations européennes ... pas de participation au négociations du Traité Transatlantique ...

Demain la Grande Bretagne sera une autre Suisse ou Norvège, ce qu'elle est déjà avec une place financière libre, une monnaie souveraine et des paradis fiscaux intégrés. C'est la Grande Bretagne, pas l'Europe qui est dans l'impasse ce matin. N'en déplaise aux 51,9% de Britanniques qui ont souhaité sortir, le Royaume-Uni a beaucoup plus à perdre que l'Europe. Il va devoir négocier des accords commerciaux pour éviter son effondrement économique et financier. L'Union devra poser fermement ses propres conditions. Et la Grande Bretagne est fracturée, l'Écosse, l'Irlande du nord ont voté pour le maintien, le Pays de Galles et l'Angleterre pour la sortie, les villes pour le in, les campagnes pour le out, les jeunes sont pro-européens, les ainés contre ...

Merci Cameron!

Ce moment historique ouvre le chemin d'une clarification du projet européen. Il faut remercier David Cameron: le Brexit ne concerne pas les seuls britanniques, car il demande en fait qu'on se prononce enfin sur la vraie nature du projet. En fait c'est toujours le conflit entre Europe puissance et l'Europe espace qui domine la question.

Pour répondre il faut regarder nos propres responsabilités nationales, celles de nos gouvernants nationaux qui ne travaillent pas leur sujet européen, ni dans les capitales, ni à Bruxelles. Celles et ceux qui avaient cédés à l'intense chantage de la Cameron en février dernier et un accord insensé qui portait en lui la mort programmée de l'Europe par diffusion à de nombreux pays qui étaient en train de préparer une participation européenne à la carte.

Pour l'Europe et la zone euro en particulier, il n'y a d'autre choix que d'aller de l'avant. L'Europe a commencé sans la Grande-Bretagne et elle continuera sans elle. La France et l'Allemagne, plus encore que les autres pays membres, doivent être à la hauteur de ce moment historique pour relancer l'Union. L'UE doit transformer sa richesse de marché en puissance économique et en influence géopolitique, Ce que ne voulaient pas les britanniques. L'Europe doit intégrer les nouvelles frontières que les crises récentes lui ont révélées. Il faut cesser de ne penser que marché, il faut pousser l'Europe politique et l'intégration sur des bases fermes et claires. Et chez nous : éviter le Franxit !

*Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals