"Contre le réchauffement, aller bien plus vite" (de Perthuis)

Le dispositif issu de la COP 21 ne commencera à être opérationnel que vers 2025, et il limitera au mieux à trois degrés la hausse des températures. Face au réchauffement climatique, il faut aller bien plus vite. En donnant un prix au carbone, ce que peuvent désormais faire des groupes de pays. Par Christian de Perthuis, professeur associé à Paris Dauphine, fondateur de la chaire économie climat.
Christian de Perthuis, professeur associé à Paris Dauphine, fondateur de la chaire économie climat.

L'accord issu de la réunion de la COP21 a été qualifié "d'historique". Mérite-t-il ce qualificatif?

 Christian de Perthuis- Il peut le devenir, mais rien n'est joué. Le principal apport de cet accord, c'est la fin du système de Kyoto, qui rangeait d'un côté les anciens pays industriels, à l'origine de la pollution atmosphère, et d'un autre côté les pays en développement, considérés comme non responsables. Une approche de moins en moins conforme à la réalité: depuis 25 ans, la totalité de l'accroissement des gaz à effet de serre, vient des pays émergents, dont bien sûr la Chine, au premier chef. Aujourd'hui, la Chine émet autant de Co2 que l'Europe et les Etats-Unis réunis!

En intégrant tous les pays du monde dans la lutte contre le réchauffement climatique, on sort de cette dichotomie pays riches/pays pauvres, on change réellement de paradigme. C'est un apport fondamental de cette COP21. Elle ouvre donc des possibilités importantes.

Mais qu'en est-il de l'objectif mis fréquemment en avant, à savoir la limitation à moins de 2 degrés de la hausse des températures?

 De ce point de vue, on est loin du compte, effectivement. D'après les calculs du GIEC, si tous les pays tenaient leurs promesses de réduction d'émissions -ce qui est loin d'être acquis-, la hausse des températures serait de l'ordre de 3 degrés.

Pour se limiter à 2 degrés d'augmentation des températures, il faudrait réduire de 40% à 70% nos émissions d'ici 2050, et rien ne dit que cet effort est acquis. C'est simple, les scientifiques considèrent que nous avons un stock d'émissions possibles équivalent à 3 gigatonnes de carbone, si nous voulons nous limiter à +2 degrés. A ce jour, nous avons déjà émis 2 gigatonnes. Et,  au rythme actuel, la dernière gigatonne "disponible" aura été épuisée dans 25 ans. Bref, il faudrait aller vite, dans la réduction des émissions.

On est loin de cette trajectoire, actuellement...

 De fait, le dispositif prévu, qui ne repose que sur la bonne volonté des pays, commencera à être opérationnel vers 2025. Pour rendre l'accord véritablement "historique", il faudrait aller bien plus vite,  en utilisant les dispositions très générales de son article 6 sur la collaboration entre parties. Cela permettrait de faire des pas décisifs en matière de tarification du carbone.

 Que prévoit cet article 6?

Il permet à des groupes de pays d'avancer plus vite s'agissant de la tarification, sans que cela remette en cause l'équilibre international. Il est évidemment essentiel, tous les économistes le soulignent, de donner un prix au carbone. Tendre vers un réchauffement de moins de 2°C (a fortiori de 1,5°C) implique de basculer vers des sources d'énergie non carbonées en renonçant à l'extraction d'une grande partie du charbon, du pétrole et, dans une moindre mesure, du gaz naturel. Mission impossible dans un monde où l'usage de l'atmosphère est gratuit et où abondent les subventions aux fossiles. Si des groupes de pays mettaient en place des marchés de droits à polluer interconnectés, on mettrait fin à cette gratuité, l'incitation à économiser le carbone serait enfin réelle.

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Commentaires 5
à écrit le 21/12/2015 à 13:11
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Il faut taxer l'énergie. Utiliser cette taxe pour réduire le cout du travail. Atteindre un équilibre progressivement. M. de Perthuis a tous les éléments pour appliquer cette mesure. (réforme de la fiscalité de Coe-Rexecode, note n°6 du CAE...)

à écrit le 19/12/2015 à 7:55
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suite: car, en plus, la taxe sur l'énergie serait favorable au climat. C'est notre prix Nobel d'économie qui dit cela!

à écrit le 19/12/2015 à 7:47
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La solution consiste à financer les retraites par une taxe sur l'énergie. Vous n'en voulez pas? Alors, acceptez le chomage et la décroissance.

à écrit le 15/12/2015 à 6:00
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"Mission impossible dans un monde où l'usage de l'atmosphère est gratuit"... tout est dit. Un véritable cri du coeur... Vous comptez nous donner nos permis de vivre quand?

à écrit le 15/12/2015 à 1:53
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"Mission impossible dans un monde où l'usage de l'atmosphère est gratuit"... cri du coeur s'il en est... A vous lire, on se prend à rêver de pouvoir taxer les mots.

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