Cinq leviers pour retenir un salarié qui envisage de partir de l'entreprise

Par Maxime Cariou  |   |  1586  mots
(Crédits : DR)
OPINION. Alors que les entreprises, quasiment tous domaines confondus, peinent à recruter, elles cherchent actuellement, par-dessus tout, à fidéliser leurs talents. Nombreuses sont celles désormais qui s'engagent pour améliorer la qualité de vie au travail, qui tentent de parfaire l'expérience collaborateur, qui soignent leur marque employeur. Certaines même investissent dans des outils technologiques poussés basés sur la réalité augmentée, l'IA ou même le Métaverse pour répondre à ces enjeux... Mais finalement, si le turn-over est trop important à court ou moyen terme, tous ces investissements ont-ils réellement un sens ? et une utilité ? Par Maxime Cariou, CEO de Team Opportunity Prediction

Ces derniers mois, j'ai eu l'occasion d'échanger avec de nombreux DRH et Responsables RH sur ce sujet : qu'est-ce qui pousse, selon eux, les salariés à quitter l'entreprise. Leurs réponses, paradoxales, risquent de vous surprendre : souvent, les collaborateurs qui quittent l'entreprise en sont satisfaits !

Si même les collaborateurs satisfaits veulent partir, comment faire face à ce turn-over, quels sont les leviers concrets et tangibles qui permettent de les retenir dans un contexte de plus en plus complexe ?

Un système de feedback oui... mais en continu et pris en compte !

La culture du feedback, qui aura mis un certain temps à s'installer en France, va dans le bon sens. L'entreprise peut en dégager des bénéfices visibles :

  • Le Feedback permet aux collaborateurs de se sentir considérés, pris en compte dans les décisions prises par l'équipe dirigeante. A noter au passage qu'en règle générale, les collaborateurs ne remontent pas tous leurs ressentis et feedbacks pendant leur vie dans l'entreprise.
  • Le Feedback permet parfois d'identifier les problèmes avant qu'ils n'apparaissent, avant qu'ils ne soient perçus par la direction ou avant qu'ils ne soient portés à l'attention des supérieurs par une voie plus officielle (entretiens spontanés ou entretiens annuels).

Malgré tout, il faut savoir l'exploiter de la manière la plus efficace possible. Par exemple, on remarque que les enquêtes annuelles, réitérées chaque année, à la même période , sous le même format, peinent à engager les collaborateurs. Il est essentiel, si l'on utilise ce levier, qu'il soit activé tout au long de l'année et sur des thèmes variés : il peut s'agir de sollicitations sur les choix stratégiques de l'entreprise, ou sur des questions organisationnelles (rythmes de travail par exemple) en passant par des questions sur les événements de cohésion d'équipe ou bien encore de sujets sociétaux (inclusion, diversité, égalité femme-homme...). Bref, il doit s'agir d'un canal de communication continu pour les employés. Au-delà de ces enquêtes / sondages, peu importe le nom que l'on peut leur attribuer, il existe également désormais des chatbots RH disponibles 24/24 et 7J/7 permettant aux employés de fournir un retour d'information quand ils le souhaitent.

Enfin, derniers éléments à prendre en compte dans l'outil sélectionné, l'anonymat des réponses et la restitution des résultats sont essentiels pour inciter les salariés à témoigner. Grâce à cela, l'entreprise a accès à des feedbacks plus nombreux, plus francs et elle peut, en les analysant, déterminer les sujets sur lesquels s'investir davantage pour fidéliser ses employés.

Adopter une vraie politique de reconnaissance et de récompenses

D'après une enquête de 2016 menée par L'Agence Nationale pour l'amélioration des conditions de travail, plus d'un employé sur deux en France affirment ne pas se sentir reconnus ou récompensés au sein de son entreprise. Nous parlons ici de rétributions financières (primes, augmentations...), rétributions symboliques (cadeaux, médailles...) ou bien encore de reconnaissance managériale (plus d'autonomie et de responsabilités)...

Et à tous ceux qui misent sur les entretiens annuels comme point d'orgue pour féliciter leurs collaborateurs pour le travail accompli, je leur dis que cela ne suffit pas ! La reconnaissance se démontre au quotidien et au bon moment. Certaines entreprises ont, pour cela, mis en place des plateformes spécifiques à destination de leurs équipes : elles proposent par exemple des systèmes de récompenses par points que les salariés peuvent accumuler et dépenser pour accéder à tel ou tel avantage, ou bien encore un système de messagerie via lequel un manager peut remercier instantanément ses équipes, qu'elles soient sur place ou à distance.

Soigner l'onboarding de vos collaborateurs

On ne le répétera jamais assez : le processus d'intégration a un rôle clé dans l'engagement de vos collaborateurs. Sa réussite déterminera souvent la nature et la qualité du lien entre le nouveau collaborateur et l'entreprise, tout au long de sa carrière au sein de l'entreprise.

Simple rappel : l'onboarding commence avant l'arrivée du nouveau talent au sein de vos équipes et peut durer jusqu'à un ou deux ans pour atteindre le niveau de productivité souhaité. Il est donc essentiel de préparer son arrivée (cela paraît anodin mais il faut que le jour J, le matériel et les accès informatiques soient prêts par exemple) et de lui fournir les ressources nécessaires pour accomplir son travail et atteindre ses objectifs. Prévenez vos équipes de l'arrivée de la nouvelle recrue, mettez en place un processus d'accueil structuré et bienveillant, pourquoi pas un système de mentoring afin qu'il se sente attendu et qu'il puisse prendre ses marques rapidement au sein de l'organisation.

Les managers ont, eux, un rôle clé à jouer à ce moment précis. Il est nécessaire qu'ils soient formés et régulièrement challengés sur ce sujet. Le manager a pour rôle d'encadrer le nouvel arrivant, il faut donc qu'il puisse dégager du temps pour apprendre à le connaître et cerner au mieux ses besoins et ses attentes. Des réunions hebdomadaires en one-to-one peuvent être une bonne option pour créer du lien, rassurer et faciliter son adaptation au sein de l'entreprise.

Accompagner les managers et les faire monter en compétences sur la gestion des situations de management complexes

Nous évoquions à l'instant la place décisive du manager qui est devenu le premier critère de rétention des collaborateurs ou en d'autres termes le premier générateur de risque de démission avant même le salaire qui arrive souvent en rang 5 ou 6 parmi les facteurs les plus prégnants relatifs au désengagement des équipes. Je reste convaincu qu'il est le pivot de toute organisation qui fonctionne. Et pourtant la place du manager a été, ces dernières années, très critiquée. Ils ont dû faire face à une telle pression que certains en ont même perdu l'envie de mener des équipes vers le succès. Nous observons un désengagement brutal du niveau mid-management qui doit être beaucoup plus supporté par l'organisation dans son quotidien.

Avec des situations de management de plus en plus complexes à gérer, l'entreprise a pour mission de mieux former ses managers à la gestion des RPS, à la prévention du stress au travail. Avec 3,2 millions de collaborateurs qui déclarent avoir été victimes d'épuisement professionnel (Source : Cabinet Technologia), le burn-out est devenu  un sujet important en France et se développe à une vitesse alarmante. Les managers doivent donc être préparés à gérer ces situations et à repérer les signes d'épuisement professionnel.

En adoptant les bonnes postures, les bons process, le manager, avec l'aide de sa direction,  peut stopper l'épuisement professionnel dans son élan. Cela passe par un management intelligent et éclairé : par exemple la définition d'objectifs clairs, quantifiables et réalisables, par plus de flexibilité dans les horaires de travail, par un respect des temps de congés, par du team-building. Organisez des défis physiques, un webcast sur la valeur du sommeil, ou encore une discussion avec un diététicien sur les bonnes pratiques alimentaires ! Bref, sortez du cadre strict de l'activité de l'entreprise pour créer du lien social au sein des équipes et entretenir une ambiance de travail sereine et conviviale.

Créer une culture d'entreprise forte qui attire et fidélise les talents

Enfin, dernier levier et non des moindres : l'importance de la culture d'entreprise pour attirer et conserver des personnes de qualité. Selon Glassdoor, 77 % des chercheurs d'emploi examinent la culture d'une entreprise avant de postuler, de l'autre côté, Associated Press affirme que près de la moitié des employés quitteraient leur poste actuel pour un poste moins rémunéré dans une entreprise ayant une meilleure culture. Il est donc sûr et certain qu'une culture d'entreprise forte renforcera les relations actuelles entre employés, dynamisera les équipes et attirera les meilleurs talents.

Mais attention, les principes qui fondent la culture d'entreprise doivent être importants aux yeux de chaque employé, exprimés régulièrement par la direction et appliqués continuellement au sein de l'entreprise. Reliez constamment vos objectifs à vos produits et/ou services, expliquez sans cesse comment la mission de l'entreprise influence la façon dont vos employés interagissent avec les partenaires et les clients. Si vous tentez d'établir un meilleur alignement organisationnel, n'hésitez pas à solliciter l'aide de votre personnel. Après tout, vos collaborateurs vivent la culture de votre entreprise au quotidien, ils sont les mieux placés finalement pour véhiculer vos valeurs.

On aura pu voir ici que si la rémunération demeure un facteur important dans le choix de postuler ou de quitter un poste, elle n'est pas non plus centrale. Il existe une multitude de leviers à actionner pour limiter le turn-over au sein des équipes et inciter les salariés à rester et à s'engager. Si je me risquais, sans être trop long, j'ajouterais un dernier conseil : ne cessez jamais de challenger vos collaborateurs ! Surtout si vos équipes sont jeunes, elles ont besoin d'être stimulées pour se projeter sur le long terme, au sein de l'entreprise. Il n'y a pas de secret, les collaborateurs auront envie de rester et de se dépasser tant qu'ils garderont des perspectives construites et un horizon comprenant aussi des inconnues (à méditer) !