Comment chasser du marché immobilier français les investisseurs étrangers ?

Par Dorothée Traverse  |   |  685  mots
Les investisseurs non-européens continueront de payer les prélèvements sociaux sur leur patrimoine immobilier en France. Avec des taux d'imposition globale atteignant 50%, c'est le meilleur moyen de les faire fuir. Par Dorothée Traverse, avocat associée du cabinet MBA

Fin 2012, dans la loi de finances rectificative, le gouvernement a fait voter une mesure qui vise à soumettre aux contributions sociales, notamment les CSG/CRDS, aux taux cumulés de 15,5%, les revenus immobiliers de source française perçus par des personnes physiques résidentes hors de France. Les sommes ainsi récoltées sont affectées au financement de régime obligatoire de la Sécurité sociale français. Cette mesure aboutit, par conséquent, à faire financer par des non-résidents le régime de sécurité sociale français dont ils ne peuvent bénéficier.

L'Europe a donné raison aux contribuables

Compte tenu de l'alourdissement considérable de la charge d'impôt française que cette mesure entraine pour les non-résidents, un recours a été déposé au motif que des personnes qui ne bénéficient pas du régime de sécurité sociale français ne peuvent y abonder. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a donné raison aux contribuables dans un arrêt Ruyter en date du 26 février 2015, confirmé par le Conseil d'Etat le 27 juillet 2015. On pensait l'affaire close, que tous les non-résidents pourraient obtenir le remboursement de ces contributions sociales acquittées à tort.

 Un risque de double imposition

Or, l'administration, dans un communiqué en date du 20 octobre 2015, a informé qu'elle n'entendait rembourser que les contribuables résidents d'un pays de l'UE (autre que la France) ou de l'EEE ou de la Suisse et affiliés à un régime de sécurité sociale d'un de ces pays. L'administration indique également que le prélèvement de solidarité de 2%, dans la mesure où il ne finance pas des branches de la sécurité sociale, n'est pas concerné par la décision de la CJUE. Il ne fera donc pas l'objet d'une restitution. Le remboursement serait donc de 13,5% et non de 15,5%.

Ainsi, on comprend que les personnes affiliées dans un pays hors EU, EEE ou Suisse, les États-Unis par exemple, se verront opposer un refus à leur demande de remboursement et devront contester cette décision devant les tribunaux. Ce faisant, l'administration crée, d'une part, un risque de double imposition et, d'autre part, bafoue les règles liées à la libre circulation des capitaux

50% d'impôt

Prenons l'exemple d'une personne physique résidente américaine ayant acheté en France des biens immobiliers afin de les louer. En l'état actuel de la doctrine administrative, les loyers perçus seront soumis non seulement à l'impôt sur le revenu dont le taux marginal peut être de 45% mais aussi aux prélèvements sociaux au taux de 15.5%. Ainsi, si une personne a acheté un bien d'une valeur de trois millions d'euros, le loyer perçu sera de l'ordre de 100.000 euros. En général, le rendement de ce type d'investissement n'excède guère 3% net.

Dans cette hypothèse, la charge d'impôt globale sera d'environ 42.000 euros, soit 26.500 euros d'impôt sur le revenu et 15.500 euros de contributions sociales. A cela s'ajoute les taxes foncières payées de l'ordre de 5.000 euros et l'ISF de l'ordre de 3.000 euros. La charge d'impôt française cumulée s'élève, dans cette hypothèse, à 50% du revenu net perçu.

La note est bien lourde d'autant que seule la quote-part correspondant à l'impôt sur le revenu sera déductible des impôts payés aux Etats-Unis (soit 26.500 euros dans notre exemple).

Chasser les acheteurs étrangers?

Si l'on tient compte des difficultés et coûts liées à la gestion du patrimoine immobilier, des locataires, des impayés, aux coûts d'entretien et aux nouvelles lois qui ne cessent de venir contraindre le marché, la solution qu'envisage nombre d'investisseurs privés est de vendre afin d'investir dans des biens plus faciles à gérer et plus liquides.

Certes, sortir de France coutera 34,5% de la plus-value nette imposable. Un dernier effort est donc demandé à l'investisseur avant de pouvoir choisir un autre pays d'accueil.

Si l'objectif est de chasser les investisseurs étrangers du marché de l'immobilier français, la solution est toute trouvée.

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Par Dorothée Traverse, avocat associée du cabinet MBA