Comment éviter la "malédiction" des ressources naturelles ?

De nombreux pays à fortes ressources naturelles -pétrole, notamment- affichent des croissances économiques plus faibles que les autres. Cette « malédiction des ressources naturelles » tient notamment au fait que la rente pétrolière détourne les talents des activités productives. Par Rachid Laajaj, chercheur à l'Ecole d'Economie de Paris et à l'INRA, Christian Ebeke, économiste au Fonds Monétaire International et Luc Désiré Omgba, maître de conférences en sciences économiques à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense

Depuis les années 1990, de nombreux travaux d'économistes ont mis en lumière que les pays à forte dotation en ressources naturelles ont en moyenne une croissance de long terme plus faible que les pays qui n'en disposent pas. Les chercheurs se réfèrent souvent à ce paradoxe sous le vocable de « malédiction des ressources naturelles ». Le débat sur l'existence et les causes de ce paradoxe apparent reste très animé et les conséquences sont importantes quant aux politiques à mettre en place dans les pays richement dotés en ressources naturelles. Dans une récente publication, de nouveaux éléments de compréhension de la « malédiction des ressources naturelles » sont proposés par Christian Ebeke, Luc Désiré Omgba et Rachid Laajaj, respectivement chercheurs au Fond Monétaire International, à l'Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, et à l'Ecole d'Economie de Paris.

Une bonne gouvernance?

L'étude démontre que dans les pays qui ont initialement une bonne gouvernance, une augmentation de la rente pétrolière tend à accroître la proportion d'élèves en études supérieures qui optent pour des carrières d'ingénieurs. Par contre lorsque les institutions sont fragiles, une augmentation de la rente pétrolière accroît la proportion d'étudiants qui optent pour des carrières qui donnent lieu à un meilleur accès à la rente pétrolière telles que des formations de juriste, de gestionnaire ou d'économiste.

En quelque sorte la rente augmente la taille du gâteau, et la mauvaise qualité de la gouvernance permet à certaines professions de se servir directement de larges parts de ce gâteau. Tout pays a besoin de juristes, de gestionnaires ou d'économistes, le problème apparaît lorsque ces professions sont surreprésentées par rapport aux autres du fait que ces métiers fournissent un meilleur accès à la rente publique, soit de manière illégale par la corruption ou de manière légale par l'augmentation de salaires résultant du boom de ressources.

Un impact du pétrole variable selon les économies

Les résultats de l'étude « Oil, Governance and the (Mis)Allocation of Talent in Developing Countries » permettent de mieux appréhender les performances des pays richement dotés en ressources pétrolières. En effet, l'impact du pétrole sur l'économie varie considérablement selon les pays. Par exemple le pétrole peut être apprécié comme une « bénédiction » pour la Norvège, mais comme une « malédiction » pour le Nigéria. La qualité initiale des institutions semble être un élément clef de la façon dont ces ressources profitent à certains pays et nuisent à d'autres. L'étude montre que ce phénomène s'explique par l'allocation des personnes les plus qualifiées du pays. Le capital humain est un facteur fondamental dans le développement économique, mais encore faut-il que les personnes les plus compétentes soient celles auxquelles sont confiées les plus grandes responsabilités. Or en l'absence d'une règle de droit, les ressources pétrolières détournent les talents des activités les plus productives vers les activités de capture de la rente, ce qui nuit au développement du pays.

Accorder une attention particulière à la spécialisation des étudiants

D'un point de vue politique, les résultats de l'étude indiquent que les gouvernements des pays richement dotés en pétrole doivent accorder une attention particulière à la spécialisation des étudiants universitaires et à leurs orientations futures. Ces pays ont besoin de préserver une part raisonnable d'étudiants dans les formations menant aux métiers d'ingénieurs et aux spécialisations connexes qui contribuent à la croissance mais n'ont pas facilement accès à la rente publique. À court terme, cet objectif peut être atteint grâce à la création de bourses, potentiellement financées par des revenus pétroliers, dont une part importante serait allouée aux formations d'ingénieurs et des métiers associés. Les gouvernements devraient s'assurer que cette allocation des bourses s'effectue sur la base du mérite et est en ligne avec la productivité attendue. À long terme, les gouvernements doivent s'attaquer à la racine du problème en créant ou en renforçant les institutions qui limitent au maximum les possibilités pour toute profession de se saisir légalement ou illégalement des rentes liées à l'exploitation du pétrole.

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Article de référence :
Ebeke, C., Omgba, L. D., & Laajaj, R. (2015). Oil, Governance and the (Mis)Allocation of Talent in Developing Countries. Journal of Development Economics.

Rachid Laajaj est chercheur à l'Ecole d'Economie de Paris et à l'INRA
Christian Ebeke est économiste au Fonds Monétaire International
Luc Désiré Omgba est maître de conférences en sciences économiques à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense, et chercheur au laboratoire EconomiX (CNRS UMR 7235).

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Commentaires 5
à écrit le 11/03/2015 à 18:10
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En détournant nos ingénieurs vers la finance, onnfait pareil sans s'encombrer de pétrole.

à écrit le 11/03/2015 à 14:17
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Et bien si les musulmans savaient qu'après l'ère du petrole DIEU,0 leurs a prévu l'ère du sable pour faire du verre des tubes de transports grace en volcan gratuit magma thermo-restitution utile moulage fonderie monococ auto camion avion maintenus en...

à écrit le 11/03/2015 à 14:07
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A ce moment, on réduirait le chomage et nous aurions de meilleures retraites; ce serait pas une calamité!

à écrit le 11/03/2015 à 13:57
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Pour pouvoir bénéficier de cette rente, il faudrait basculer la fiscalité du travail (les cotisations de retraites) sur la fiscalité énergétique.

à écrit le 11/03/2015 à 13:53
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Nous aussi nous disposons d'une rente, la rente nucléaire, et nous refusons de l'utiliser. Pourquoi?

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