Comment financer les PME à l'heure du crédit rationné ?

Les taux d'intérêt baissent, mais, sous contrainte prudentielle, les banques hésitent à prêter aux PME. L'heure est au financement direct, désintermédié, via notamment le marché obligataire. Mais comment les PME peuvent-elles y avoir accès? par Stéphanie Villers, économiste en chef, Humanis

Pour relancer l'investissement en zone euro, le crédit doit être stimulé. Pour autant, les contraintes réglementaires imposées aux banques européennes depuis la crise (Bâle III) ont contraint leur rôle de bras financier de l'économie et ont réorienté les entreprises vers le financement obligataire. La résolution de la crise menée par Mario Draghi a entraîné la baisse progressive des taux d'intérêt de marché. Les grandes entreprises ont pu profiter de l'attractivité des taux obligataires. En un an, les émissions privées sont ainsi passées de 150 milliards à 257 milliards d'euros. Mais alors que de plus en plus d'entreprises de taille moyenne peuvent emprunter directement sur le marché, les PME doivent recourir quasi-exclusivement aux crédits bancaires. Globalement, les prêts bancaires représentent encore près de 70% de l'endettement des entreprises en zone euro alors qu'ils n'atteignent que 30% aux Etats-Unis.

Les taux d'intérêt, un facteur parmi d'autres

Or, la politique monétaire de la BCE est restée bloquée en particulier dans les pays périphériques. Ces derniers n'ont pas répercuté la baisse de taux de marché sur l'économie réelle. L'absence de courroies de transmission entre la sphère financière et la sphère réelle a fini par inquiéter la BCE qui a décidé en janvier dernier de jouer son va-tout en inondant les marchés de liquidités (lancement du Quantitative Easing en mars 2015). Lorsque l'argent coule à flots, la confiance renaît. Les banques pourraient ainsi se remettre à prêter davantage en abaissant leurs conditions de financement.

Toutefois, au regard de l'évolution du crédit bancaire en France, on voit bien que ce n'est pas qu'une histoire de niveau de taux. Le manque de visibilité au niveau fiscal et les piètres perspectives en termes d'activité ont pesé durablement à la fois sur l'offre et la demande de crédit. Les PME, face à une croissance atone depuis 3 ans, avaient jusqu'à présent davantage besoin de crédits de trésorerie que de crédits à l'investissement. Mais, les banques sont restées frileuses et ont continué de durcir l'accès au crédit.

Un environnement plus optimiste

Aujourd'hui, l'environnement économique s'améliore et avec lui les conditions de financement. Selon la Banque de France, la baisse observée depuis le second trimestre 2014 des taux d'intérêt moyens des crédits nouveaux se poursuit. Pour les crédits de montants supérieurs à un million d'euros (1,57 % en janvier, après 1,70 % en décembre) comme pour ceux de montants inférieurs (2,33 %, après 2,40 %). La production de crédits nouveaux progresse quelque peu pour les montants inférieurs à un million d'euros (5,7 milliards d'euros après 5,4 milliards) et davantage pour les montants supérieurs (12,7 milliards d'euros après 10,7 milliards).

Les crédit bancaire devrait reprendre des couleurs...

Avec la reprise qui s'installe en zone euro, le crédit bancaire devrait petit à petit reprendre des couleurs. Les derniers chiffres montrent une amélioration graduelle de l'évolution des prêts au secteur privé. Ainsi, le taux de croissance annuel des prêts aux sociétés non financières a été moins négatif, ressortant à -1,2% en janvier contre -1.4% le mois précédents. L'assouplissement monétaire de la BCE devrait continuer de maintenir les taux d'intérêt de marché à un niveau bas pour un horizon assez long (jusqu'à septembre 2016) et inciter les banques à offrir des taux d'emprunt plus attractifs.

... mais il est contré par les règles prudentielles

Reste que le durcissement des règles prudentielles est bel et bien là et freine les perspectives de réel assouplissement à l'octroi de crédit. Les banques européennes sont incitées par Bâle III à favoriser la détention de dettes souveraines considérées comme une réserve de liquidité et de se détourner du crédit bancaire au secteur privé, très exigeant en fonds propres. D'autant que le Quantitative Easing (QE) mené par la BCE va durablement peser sur les taux d'intérêt et va réduire de facto la rentabilité de l'intermédiation bancaire.

Par conséquent, les nouvelles mesures prudentielles devraient entraîner la poursuite de la désintermédiation bancaire de la zone euro. Les entreprises vont ainsi davantage faire appel au marché obligataire pour se financer, à l'instar du modèle américain. En pratique, comment cela fonctionne ? Le risque dans un financement « intermédié » est partagé et porté par les investisseurs en direct. Mais, la transparence est de rigueur. Ceux qui acceptent de prêter, souhaitent des garanties sur la qualité de l'emprunteur mais aussi sur la liquidité des titres émis. En d'autres termes, les investisseurs veulent pouvoir revendre facilement les créances qu'ils détiennent. Et c'est là toute la difficulté. Si les grandes entreprises ont aujourd'hui facilement accès au marché, et disposent de tout un arsenal pour convaincre les investisseurs, les sociétés plus petites n'en ont ni les moyens ni même la capacité.

L'émergence d'un marché de la dette privée

Pour pallier à ces contraintes, se développent depuis quelques années, les placements dits « privés » où, dans ce cas, les sociétés placent leurs dettes auprès d'investisseurs ciblés. Ce marché émerge en douceur en France et enregistre un encours global de 3,3 milliards en 2014. Il lui reste à marquer des points sur le plus long terme pour damer le pion aux craintes liées à la nouveauté et l'incertitude prévalant sur la qualité de l'émetteur.

Un nouveau produit reste toujours moins attractif pour les investisseurs par manque de liquidité, de profondeur du marché, de transparence ou de garanties. Pour autant, si les régulateurs ont souhaité renforcer la sécurité bancaire au détriment du financement de l'économie réelle, il leur faut en contrepartie offrir aux entreprises de nouveaux modes d'accès à l'emprunt pour financer leurs projets d'investissement. Le QE de la BCE ne pourra résoudre seul le manque de crédits. La désintermédiation bancaire semble être la voie choisie par les régulateurs pour le financement de l'économie, reste aujourd'hui à garantir son développement auprès des plus petites entreprises tout en assurant un maximum de prudence et de garanties pour les investisseurs.

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Commentaires 3
à écrit le 27/04/2015 à 8:18
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Les obligations d'entreprises que l'on place auprès de quelques investisseurs, c'est très club et très chic. En plus, on peut les faire coter, même s'il n'y a pas de marché : smart ! Merci l'AMF ! Bref : il serait peut-être temps qu'on refasse un v...

à écrit le 04/04/2015 à 8:54
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Où sont passés les 1 000 milliards d'€ prêtés par la BCE aux banques ?

à écrit le 26/03/2015 à 12:46
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preter a 0.5% sur 10 ans a des pme pas tres rentables et tres fragiles, faut pas s'etonner que les prets soient distribues ' avec parcimonie' inonder le marche de liquidites c'est pas forcement la solution vu que quand vous perdez, vous etes obliges...

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