Conclure le grand débat : de la cacophonie au fiasco ?

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  704  mots
(Crédits : DR)
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, de la cacophonie au fiasco pour le Grand débat ?

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Fonder le second temps de son quinquennat sur la ressource du grand débat, tout en restant fidèle à la ligne réformatrice engagée, c'est le pari et, l'on pourrait dire, l'injonction paradoxale adressée à Emmanuel Macron.

Par nature le matériau du grand débat est protéiforme : 1,4 millions de contributions internet, des cahiers de doléance relayés par les mairies, des conférences dédiées aux corps intermédiaires....  Trier, analyser, arbitrer au plan politique ce moment de démocratie directe relève, c'est un euphémisme, de l'exercice à haut risque, tant le matériau est éclaté. Et tant l'ampleur des champs concernés Fiscalité, transition écologique démocratie, services publics crée une attente considérable de réforme systémique, de refondation du pacte social français. Sauf qu'aucune des conditions préalables à l'accouchement de ce grand plan ne sont réunies. Ce genre de processus « bottom up », ne fait catalyse, que si, existe un terreau intellectuel préalable, un travail de structuration des esprits.... si la sphère intellectuelle a déjà produit un discours, sur les lumières, muri au fil des années, en phase avec la résolution des nouvelles contradictions qui traversent la société. Or rien de tel aujourd'hui. Aucune tête pensante n'émerge, aucun discours structurant, aucune idéologie aboutie ne rallie les esprits.

Le gouvernement entretient donc l'illusion que de la cacophonie sortira l'harmonie de la grande synthèse, sans médiation des élites pensantes, avec à son chevet, des instituts de sondage.... Des algorithmes d'intelligence artificiels et des cabinets de conseil privés.  Bref, des communicants, des professionnels de l'emballage des idées bonnes ou mauvaises et des technologies qui n'ont d'intelligent que le nom prétendent combler des années de vacance intellectuelle et produire la grande refondation. Et tout cela dans des délais très courts, puisque les premières décisions sont attendues mi-avril. Autant dire, que le fiasco est quasi-annoncé.

A cela, il faut ajouter le contexte. Et le contexte, c'est un ralentissement européen, notamment des pays du noyau dur, qui est en passe de se diffuser à l'ensemble de l'UE et de se transformer en véritable récession. Cela veut dire que l'équation budgétaire du gouvernement est plus que compliquée. Sa programmation à moyen terme avait été bâtie sur l'hypothèse d'une croissance de 1,7% en 2019 et pour les années suivantes. On  n'y est pas.  Et presque un demi-point de croissance en moins, c'est de l'ordre de 0,2 à 0,3 point de déficit conjoncturel supplémentaire. Cela veut dire, qu'en dépit de l'allègement de l'enveloppe du CICE en 2020, (de l'ordre de 0,8 point de PIB) le gouvernement continuera à flirter avec les 3% de déficit budgétaire. Cela veut dire que la réponse au grand débat doit se faire à coût quasi nul. C'est un vrai problème qui interdit les réponses simples de type chèques sociaux en réponse aux problèmes de pouvoir d'achat.

Dans ce contexte, le gouvernement devra inévitablement marquer les esprits dans la sphère du fonctionnement démocratique. Le président a promis une nouvelle forme de démocratie, moins coupée de la population. Les questions du vote blanc et celle du référendum d'initiative citoyenne apparaissent comme des incontournables. Elles devront cependant être bordées et sécurisées, suscitant des déceptions dans leur mise en œuvre. Mais le gouvernement dispose de beaucoup d'autres pistes, pour créer le sentiment que le processus du grand débat s'institutionnalise. Il est fort à parier qu'il ne manquera pas d'imagination concernant les instances de dialogue au plan local et sur la toile,  pour impulser une démocratie 2.0... ou concernant les expérimentations à petite échelle.

Dire en revanche qu'un nouveau triangle de compatibilité entre soutenabilité sociale, environnementale et soutenabilité des finances publiques émergera du processus paraît hors de portée. Et il faudra beaucoup de géni politique à Emmanuel Macon pour convaincre l'électorat que le second temps de son quinquennat est régénéré par un processus collaboratif.

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