COP21 : un Traité, mais à quel prix ?

Par Bjorn Lomborg  |   |  801  mots
Bjorn Lomborg au Bourget, où se tenait la COP21
Pour une baisse des températures très limitée, le traité fera 1000 à 2000 milliards de dollars de PIB en 2030. Par Bjorn Lomborg, directeur du Copenhagen Consensus Center et professeur adjoint au Copenhagen Business School. Bjorn Lomborg commente chaque jour l'actualité de la COP21 pour La Tribune

Après deux semaines, une quantité innombrable de rhétorique politique, et beaucoup de négociations à huis clos, nous avons un traité. Bien que les activistes se réjouissent aujourd'hui de l'aboutissement de ce sommet, le Traité de Paris n'aura que très peu d'impact sur la hausse des températures moyennes de la planète.

Le Traité de Paris promet une limitation de la hausse des températures à 2°C. Cependant, les promesses engagées actuellement sont très loin de permettre la réalisation d'un tel objectif. Il est largement admis que pour maintenir la hausse des températures en dessous de 2°C, nous devons réduire nos émissions de CO₂ de 6000 gigatonnes (Gt).

 Selon les estimations du secrétariat de la CCNUCC, si chaque pays réalise ses promesses de réduction entre 2016 et 2030 dans la mesure possible et qu'il n'y ait aucune « fuite de carbone », les émissions de CO₂ seront réduites de 56 gigatonnes en 2030.

L'équation est simple : en se cantonnant à un scénario invraisemblablement optimiste, le Traité de Paris élude 99% du problème.

 Dire que ce traité nous mènera à ces 2°C relève au mieux d'un effet de manche cynique, qui s'appuie sur un vœu pieu. C'est comme si on s'engageait un régime amincissant, et qu'on déclarait la victoire après la première salade.

 Extraordinairement coûteux

Le Traité de Paris sera extraordinairement coûteux. C'est probablement le traité le plus coûteux de l'histoire de l'humanité.

A la lumière des meilleurs modèles économiques individuels et collectifs, approuvés par des comités de lecture, le coût total de ce traité - qui se traduira par un ralentissement de la croissance du PIB due à une hausse des coûts énergétiques - atteindra 1000 à 2000 milliards de dollars par an à partir de 2030.

Un fonds pour l'innovation, la meilleure chose

 Nous sommes bien plus redevables à la planète - que ce soit en termes d'amélioration des solutions pour tacler le changement climatique, ou en termes d'amélioration de la pertinence de l'utilisation des ressources de la planète. La meilleure chose que soit ressortie de cette conférence de Paris a été l'annonce de la création d'un fonds pour l'innovation des énergies vertes initié par Bill Gates en association avec des investisseurs privés et des gouvernements, incluant l'Australie, les États-Unis, le Brésil, le Canada, la Chili, la Chine, le Danemark, l'Allemagne, la France, l'Arabie Saoudite, la Suède, la Corée du Sud, et les Émirats Arabes Unis. C'est une excellente initiative. J'ai plaidé en faveur d'un plus grand financement de la R&D verte depuis près de 10 ans. Et bien que la R&D verte nécessite encore bien de plus de financement, ce fond représente ce qui va réellement nous permettre de faire la différence pour le climat.

 Rendre l'énergie verte compétitive

Tant qu'il n'y aura aucune avancée capable de rendre l'énergie verte compétitive en soi, il est fort improbable que nous puissions réduire massivement nos émissions de carbone.

Au regard des technologies actuelles, l'idée selon laquelle la réduction des émissions de carbone ne génèrera aucun coût, ou pourra même générer une hausse de la croissance économique, ne tient pas la route. Tous les modèles économiques ont démontré la présence réelle de coûts. Si réduire les émissions de gaz à effet de serre n'impliquait aucun coût, nous n'aurions pas besoin du Traité de Paris : chaque pays se serait rué volontairement vers la réduction des émissions de carbone et se serait enrichi.

 Une aide climatique mal ciblée

Autrement, l'accord sur le financement de l'aide climatique à hauteur de 100 milliards de dollars constitue un bien piètre moyen pour aider les pays en voie de développement. Les citoyens de ces pays ont clairement fait entendre que c'était la priorité politique qui leur importait le moins. Et l'aide climatique apportée par la distribution de panneaux solaires offre de maigres bénéfices comparée à des aides plus pertinentes et moins coûteuses, comme le financement de la vaccination, de l'éducation des filles et du planning familial. Dans un contexte où des milliards d'individus manquent de nourriture, de soins de santé, d'eau et d'éducation, leur distribuer des panneaux solaires serait tout simplement immoral.

L'initiative de Bill Gates pour l'innovation est une bonne nouvelle, et la seule voie qui nous permettrait de commencer réellement à nous attaquer aux 99% du problème climatique délaissés par la COP21.

Après Paris, je plaiderai en faveur d'un plus grand financement de la R&D verte. Le financement nécessaire s'élève à environ 100 milliards de dollars par an.