CSG sur les revenus du patrimoine : des pans entiers de nos lois non conformes

Par Olivier Charpentier-Stoloff  |   |  639  mots
Olivier Charpentier-Stoloff, avocat.
La Cour de justice de l'Union européenne a désavoué Bercy sur les prélèvements sociaux frappant le patrimoine. Un arrêt aux lourdes conséquences. Par Olivier Charpentier-Stoloff, avocat(*).

La Cour de justice de l'Union européenne, saisie d'une question préjudicielle par le Conseil d'État, vient de rendre un arrêt important : les prélèvements sociaux appliqués aux revenus du patrimoine (CSG, CRDS, prélèvement social, etc.) ont la nature de cotisations sociales au regard du droit de l'Union européenne (CJUE, 1re ch., 26 févr. 2015, aff. C-623/13, Min. c/ de Ruyter).
Ces prélèvements relèvent du règlement CEE n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, ce dernier prévoyant la règle d'unicité de prélèvement des cotisations sociales et d'interdiction de double cotisation. Les conséquences sont importantes, surtout pour les comptes publics.

Pour les affiliés à un régime étranger, la fin des prélèvements sociaux sur le patrimoine

A ce titre, la France ne peut plus réclamer les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine des personnes affiliées à un régime de protection sociale étranger.
Cette situation n'est pas sans rappeler celle tranchée par la même Cour en 2000 et qui concernait la situation de travailleurs résidents en France mais exerçant une activité dans un autre État. La Cour de justice des Communautés européennes avait jugé que la France n'était effectivement pas en droit d'appliquer la CSG et la CRDS aux revenus d'activité et de remplacement à ces salariés.

Une situation qui n'est pas rare

Dans un communiqué du 26 février 2015, le Gouvernement a pris acte de l'arrêt de Ruyter. Il souhaite toutefois attendre la décision finale du Conseil d'Etat pour tirer toutes les conséquences de la jurisprudence européenne.
Dans l'immédiat, plusieurs enseignements importants peuvent être tirés de la situation actuelle.
Premièrement, l'arrêt de Ruyter peut selon nous permettre aux non-résidents comme aux résidents de ne plus acquitter des prélèvements sociaux dès lors que les intéressés relèvent d'un système de protection sociale étranger. La situation n'est pas rare et c'était le cas de l'affaire M. de Ruyter qui, bien que résident français, cotisait à un régime de sécurité sociale néerlandais au titre d'une activité professionnelle.

Il est possible de demander une restitution de la taxation antérieure

Deuxièmement, l'arrêt de la Cour de justice autorise dès maintenant les personnes concernées à déposer des demandes de dégrèvements auprès de l'administration fiscale. Elles peuvent légitimement demander la restitution les prélèvements sociaux ayant été acquittés à tort.
Ils disposent d'un délai de deux ans qui n'est autre que le délai général de réclamation (art. R-196-1 du LPF).
Pour les revenus du patrimoine (revenus fonciers, rentes, etc.), la réclamation peut donc porter sur les prélèvements sociaux mis en recouvrement de 2013 à 2015 concernant les revenus encaissés entre 2012 à 2014.

Des pans entiers de notre législation ne sont plus conformes

La démarche est désormais juridiquement fondée. Sans attendre le feu vert des autorités françaises, nous invitons tous les contribuables concernés à présenter des demandes de remboursement. Des pans entiers de notre législation ne sont plus conformes aux règlements européens. On rappellera d'ailleurs que ces règlements n'ont pas vocation à se substituer aux législations nationales. Leur objet est de coordonner ces législations en vue d'une application harmonieuse du droit au sein de l'Union européenne.
A nouveau condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne, la France est juridiquement tenue de s'incliner et devra rembourser les contribuables.

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(*) Olivier CHARPENTIER-STOLOFF
Avocat associé
SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF & ASSOCIES