La mesure de la richesse des Européens est une question compliquée, car soit le curseur est placé du côté des flux, c'est-à-dire des revenus, soit du côté des stocks, c'est-à-dire des patrimoines.

Les Luxembourgeois, les plus riches en termes de revenus

Côté revenus, c'est le Luxembourg qui arrive en tête en termes de PIB par habitant exprimé en standard de pouvoir d'achat, une unité monétaire artificielle qui élimine les différences de prix entre les pays. La richesse du Grand-Duché est même insolente, près de trois fois supérieure à la moyenne de l'UE à 28. Le chiffre est néanmoins flatteur, car beaucoup de travailleurs transfrontaliers participent à la création de richesse luxembourgeoise sans être comptabilisés dans la population puisqu'ils vivent en France, en Belgique ou en Allemagne.

La place de l'Irlande, en seconde position, paraît plus surprenante. Pour un pays sauvé par l'UE et le FMI, c'est même choquant. Le problème c'est que les chiffres irlandais ne restituent pas fidèlement l'économie irlandaise. Ils illustrent le caractère systématique du dumping fiscal et donc le fait que les entreprises facturent depuis l'Irlande des flux qui n'y ont pas été produits.

La place de la Suisse, en troisième position, est en revanche plus crédible, tout comme celle des économies qui suivent, de taille modeste et au Nord de l'Europe. Seule grande économie à intégrer le top 10 : l'Allemagne. Le Royaume-Uni est relégué en 13ème position et devance juste la France, l'Italie et l'Espagne en 17ème position. Si le Royaume-Uni et la France font mieux que la moyenne de l'UE à 28, l'Italie est juste à la moyenne et l'Espagne en dessous, comme tous les autres pays d'Europe du Sud.

Les Belges, les plus riches en termes de patrimoine

En bonne logique économique, on s'attend à ce que les habitants disposant des plus hauts revenus soient ceux aux patrimoines les plus élevés. C'est là que certains classements étonnent. Celui de la BCE place la France juste devant l'Allemagne en termes de richesse nette par ménage, mais place aussi l'Espagne et l'Italie devant la France et l'Allemagne. Et la différence est finalement limitée entre des pays comme la Grèce et le Portugal, et la Finlande et les Pays bas.

Ces chiffres, déconcertants, s'expliquent notamment par la propension des habitants des pays du Sud à posséder leur habitation : 83 % des Espagnols sont propriétaires, contre 44% des Allemands. Or la résidence principale forme l'essentiel du patrimoine, introduisant un biais important en faveur des pays du Sud.

D'autres éléments comme la taille des ménages ou la non-comptabilisation des plans retraite brouillent la lecture. Il faut aussi souligner que dans certains pays comme l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas ou la Finlande, une grande part de la richesse nationale est constituée d'un stock de capital détenu par les entreprises et le gouvernement, pas par les ménages. Le Mittelstand allemand incarne parfaitement cette imbrication entre patrimoine privé et patrimoine de l'entreprise.

Les Français, au-dessus de la moyenne de la zone euro sur les deux critères

C'est pourquoi plutôt que d'opposer flux et stocks, il faudrait les regrouper dans une même matrice et positionner les pays en fonction de la moyenne de la zone euro. Sur l'axe horizontal, le PIB par habitant en standard de pouvoir d'achat, sur l'axe vertical le patrimoine des ménages. En haut à droite : les mieux lotis, c'est-à-dire les pays où un PIB par habitant supérieur à la moyenne de la zone euro est associé un patrimoine par ménage en moyenne plus élevé aussi. En bas à gauche : les perdants, Portugal et Grèce. Ensuite, c'est la fracture entre les pays du Sud où le patrimoine est élevé mais où les flux de revenus sont réduits, et les pays du Nord où c'est l'inverse.

Et force est de constater que parmi les cinq économies majeures de la zone euro, ce sont les Français qui s'en sortent le mieux.

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