De la démondialisation à la désintégration européenne

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  646  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, de la démondialisation à la désintégration européenne.

L'Europe des égoïsmes nationaux. Comment qualifier autrement cette union qui n'a plus rien de politique et qui face au défi de la dette, ou face à celui des migrants, voit les États qui la composent privilégier à chaque fois la stratégie de l'endiguement. Autrement dit la pression entre pairs, pour que la gestion des problèmes soit bien circonscrite au sein des pays les plus exposés, en évitant au maximum d'en mutualiser le coût. Une solidarité réduite à minima donc, avec pour seule exception néanmoins, l'union bancaire, qui accrédite parmi les citoyens que l'Europe ne retrouve sa raison que pour le lobby qui lui dicte sa conduite.

Et en attendant, l'Europe fait du surplace sur tout ce qui pourrait atténuer les forces de divergence qui menacent son intégrité : ni véritables plan d'investissement coordonné, profitant des taux bas pour remettre en mouvement la croissance (au-delà de l'effet de vitrine du plan Juncker). Ni la moindre avancée concernant la concurrence fiscale... et je n'ose même pas évoquer les serpents de mer d'un budget européen ou de l'Europe sociale. Et en bout de chaîne, l'activisme de la BCE qui pallie la dérobade des États.

Derrière cette paralysie politique faut-il voir les traces d'un mouvement plus profond de  ce que l'on pourrait qualifier par néologisme de « déseuropénisation » de l'Europe. Autrement dit, ce que l'on observe au niveau du monde, une sorte de désimbrication Nord-Sud, que certains qualifient de démondialisation, trouverait-il un prolongement à échelle européenne ? L'interdépendance commerciale croissante des différents pays, serait-elle finalement une tendance moins inexorable que ce que l'on imaginait jusqu'ici. Ou bien au contraire, la démondialisation observable à échelle mondiale a-t-elle pour pendant une intensification compensatoire des échanges croisés au sein des espaces régionaux et notamment de l'Europe ?

Si je prends la zone euro dans son ensemble, la réponse est en apparence non. Autant, le commerce mondial est-il en repli relatif. Autant en moyenne, les pays de zone euro continuent-ils à s'ouvrir. Les exportations de biens et services rapportées au PIB progressent sur le long terme, et continuent à progresser tendanciellement. Ce n'est pas vrai pour le taux d'importation, mais dans un contexte d'affaissement des demandes intérieures du sud, qui expliquent le phénomène.

 La zone euro ne s'intègre plus via le commerce intra-zone

Néanmoins, au cours des années 2000, jusqu'à la crise, l'internationalisation européenne a d'abord été allemande. Elle s'est opérée de façon très inégale.  Le taux d'exportation du reste de la zone euro faisant du sur-place.  Les chiffres récents indiquent certes un petit  rééquilibrage... encore nous faut-il vérifier ce qui relève du commerce intra et extra-européen. Et c'est là que l'on voit que la moyenne recouvre des disparités particulièrement parlantes. Car la poursuite du mouvement d'internationalisation commerciale de l'Europe se fait entièrement sur les marchés extra-européens. Les exportation intra-européennes, elles, stagnent et régressent même depuis 3-4 ans en prorata du PIB de la zone. Avec l'Allemagne en proue du mouvement. Mais la cassure existe aussi pour le reste de zone.

Si je me focalise maintenant sur le degré d'ouverture européen extra-zone. Je vois que l'extra-zone est ce qui booste la hausse de la propension à exporter partout en Europe. La dépréciation de l'euro ayant amorti l'impact de la décélération du commerce mondial. Le diagnostic peut-certes être affiné par pays, mais le chacun pour soi non coopératif, a aussi pour prix une attrition du commerce intra-zone et une panne de l'intégration commerciale que l'on présentait jusqu'ici comme étant l'essence même du grand marché.

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