Déficit : la France peut-elle se faufiler encore longtemps ?

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  534  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui: déficit, la France peut-elle se faufiler encore longtemps ?

C'est un fait entendu. La France aura finalement réussi à se faufiler à travers le soit disant carcan bruxellois de la rigueur. Elle aura, par deux fois , repoussé l'échéance d'un retour à 3% de déficit. Une première fois en 2013, rappelons-le. Où le saint Graal des 3% fut reporté à 2015. Puis fin février 2015, à nouveau, où le gouvernement s'est gagné un nouveau sursis de deux ans, à 2017.

Le profil de réduction du déficit que la France a présenté dans le programme de stabilité français est donc validé dans ses grandes lignes. Dans ce cadre, la France s'est engagée partant d'un découvert de 4,4% du PIB en 2014, à diminuer d'un dixième de point son déficit pour 2015, puis à le ramener à 3,8% en 2016 et enfin à 2,8% en 2017.

L'exigence de l'objectif ?

Il faut d'abord regarder l'hypothèse de croissance du PIB et d'inflation qui sous-tend ce cheminement. A 1% de croissance en 2017, puis 1,7 puis 1,9. Autant dire que ce sentier paraît largement atteignable aujourd'hui. Imaginons un seul instant que la reprise épouse le profil de 1997-2000 et qu'elle propulse la croissance sur les rythmes voisins de 3%. Mettons 1,3, puis 2,5, puis 3%.

Ce scénario haut n'est pas improbable.

Et bien notre déficit public serait mécaniquement réduit de 1 point de PIB par rapport au scénario que retient le programme de stabilité. C'est ce que l'on appelle l'effet des stabilisateurs automatiques. Plus de croissance augmente l'assiette fiscale et diminue les dépenses sociales passives. On considère en général, qu'un point de croissance supplémentaire induit une baisse mécanique d'un demi-point du déficit.

Dans la séquence très optimiste que je viens de tracer, le PIB gagne plus de 2% en cumulé par rapport à la tendance précédentes. Et donc 1 point de diminution de la composante conjoncturelle du déficit. Cela signifie, que sans rien faire, le déficit atteint presque spontanément la cible des 3%.

Autrement-dit, dans le contexte astral exceptionnel que connaît l'Europe, c'est la première fois que la Commission  fixe un objectif à haut potentiel de réalisation, sans que cela induise une rigueur dommageable pour la croissance. Autrement-dit encore, il est clair que la Commission a entendu les injonctions discrètes de Mario Draghi, elle qu'elle n'entend pas répéter l'erreur de 2013-2014. Il s'agit d'un tournant.

La France s'est faufilée et c'est tant mieux

Briser la reprise actuelle comporterait des risques bien plus importants pour les entreprises que notre inefficacité budgétaire chronique. Mais elle n'a pas tout résolu pour autant. Un déficit de 3% en 2017, après 3 années de reprise la replacent dans le même contexte que d'habitude.

Un haut déficit en haut de cycle qui ne lui laisse aucune marge de manœuvre pour contrecarrer les récessions ensuite. Et l'on sait que cette absence de marges de manœuvre contra-cyclique est pénalisante pour la croissance à long terme. Cela veut dire qu'elle a tout intérêt à aller au-delà des exigences européennes si la conjoncture lui permet et à ne pas réitérer le triste épisode de la cagnotte de 1999.

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