Dette et investissement à Paris : pour en finir avec les idées reçues

Par Ariel Weil  |   |  837  mots
(Crédits : DR)
OPINION. Après des mois de campagne de fumée demandant la « mise sous tutelle financière » de la ville de Paris par le camp de Rachida Dati et des années de cris d'orfraie sur le niveau incroyablement élevé de la dette parisienne, la confirmation de la note de qualité du crédit de la ville assortie d'une perspective stable par l'agence Standard & Poors, à la veille du débat budgétaire du prochain Conseil de Paris, offre l'opportunité de remettre quelques pendules à l'heure. Par Ariel Weil, économiste et maire (PS) de Paris-Centre.

Pendant des mois, alors qu'il y aurait eu des pistes à proposer pour faire des économies, la stratégie de l'opposition parisienne a tenu en un diptyque : ne proposer pour l'essentiel que des dépenses supplémentaires et, en même temps, accuser la majorité de gabegie. Ce faisant, ils ont associé l'irresponsabilité à l'incompétence.

  • L'irresponsabilité, parce qu'ils ont nui à l'image de la ville, aurait pu lui nuire auprès de ses créanciers.
  • L'incompétence parce que, contrairement à ces investisseurs avisés, qui prêtent volontiers à une entité digne de la plus haute note de qualité de crédit en France, ils n'ont manifestement pas analysé les finances de la ville.

Les investisseurs, qui votent avec leur argent, en prêtant toujours volontiers à la ville, l'ont bien compris. Pour comprendre leur point de vue, il faut lire le rapport de l'agence S&P qui le représente. Déformation professionnelle oblige, je ne regarde jamais que la note et sa perspective mais aussi les commentaires. Ils sont lapidaires : « La perspective stable reflète nos attentes selon lesquelles des pratiques de gestion financière strictes et l'optimisation des recettes de gestion permettront de contenir les risques liés à la hausse des coûts » ou encore « Notre notation reflète l'économie prospère de la Ville de Paris et la résilience de ses perspectives budgétaires, soutenues par un contrôle strict des dépenses et l'augmentation des recettes. »

Un lent effondrement du soutien de l'Etat

Pour autant, les dépenses extraordinaires de la ville ont en effet éprouvé ses comptes et rendront inéluctable des choix difficiles lors des discussions budgétaires de fin d'année. J'espère que cette fois une opposition responsable sera au rendez-vous.

Car face à ces dépenses extraordinaires, la ville de Paris, comme d'ailleurs bien d'autres collectivités de France, se voient non seulement exclues de l'essentiel du plan de relance et du soutien de l'Etat mais pour Paris s'y ajoute une baisse spectaculaire, au point de s'inverser à présent, des transferts structurels de l'Etat. En seulement 10 ans, de 2012 à 2022, les dotations se sont effondrées de 60% (de 1M3 à 500 millions) tandis que les dépenses de péréquation (càd les reversements vers les autres communes mandatées par l'Etat) ont augmenté de plus de 200%. Effet net ? Un transfert négatif de près de 200 millions en 2022, au lieu d'un transfert positif de plus d'1 milliard encore en 2012.

Dans ce contexte, c'est à la fois de bonne gestion, et simplement d'équité, que, notre municipalité cherche à augmenter ses recettes de manière intelligente et responsable, en procédant à la valorisation des baux détenus par l'État dans des emprises dont elle est propriétaire, comme nous en avons voté le principe au dernier Conseil de Paris.

Une immense richesse conséquence d'une politique volontariste en matière de logement

Enfin, je ne cesserai jamais de m'étonner de voir toujours commenté le niveau de la dette de la Ville sans que jamais il soit comparé aux actifs qu'elle finance. Si vous avez un souscrit un emprunt auprès de la banque qui finance votre appartement dont la valeur est bien supérieure, il ne vous viendrait jamais à l'idée (ni d'ailleurs à votre banque) que vous êtes pauvres parce que vous devez de l'argent !

Si la santé de la ville n'a jamais été un sujet pour les agences et les investisseurs, c'est aussi parce que son bilan est remarquable. Le bilan, au sens politique et comptable même si c'est le second qui intéresse les investisseurs. Tout le monde ne parle jamais que de la dette (3,9 à 7,7 milliards soit un peu moins de 4 milliards d'augmentation entre 2014 et 2022) mais son augmentation est sans commune mesure avec celle des actifs de la ville qui pour la seule période de 2014 à 2020 est passée de moins de 25 Milliards à plus de 40 ! Une grande partie (30 Milliards environ) est constituée d'actifs immobiliers qui résultent de la politique volontariste de cette majorité de création de logements (par construction, achat, préemption...)

Et encore ces valeurs ne sont-elles pas des valeurs de marché mais des valeurs comptables qui ne comptent pour rien la valeur de base de biens pourtant inestimables (tels la Tour Eiffel, le musée Carnavalet, l'Hôtel Salé...) en ne valorisant que les travaux et investissements de rénovation, sans quoi le montant des actifs serait bien plus élevé ! Par un heureux développement, les projets de création de logements sociaux contre lesquels l'opposition parisienne a presque systématiquement voté ont en réalité prodigieusement enrichi la ville, et donc les Parisiennes et les Parisiens, au-delà de tous les bénéfices qu'ils tiraient de la mixité sociale. Gardons-le bien à l'esprit quand nous discuterons le budget d'investissement de la ville notamment en matière de transition climatique. Et continuons à investir aujourd'hui dans ce qui constitue la richesse de demain ! D'autant que contrairement à l'Etat, une collectivité territoriale ne peut emprunter que pour financer son budget d'investissement et pas ses dépenses de fonctionnement.