Enseignement supérieur : le retard français malgré les grandes écoles

Par Alexandre Mirlicourtois, Xerfi  |   |  695  mots
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, le retard français de l'enseignement supérieur

En 2015, la France a consacré un peu moins de 30 milliards d'euros à l'enseignement supérieur. Il s'agit ici de la « dépense intérieure d'éducation » soit toutes les dépenses engagées par l'État, mais aussi les collectivités territoriales, les ménages et les entreprises pour les activités d'éducation au sens large qui intègrent donc aussi toutes les dépenses extra-scolaires comme l'hébergement, la restauration, les fournitures, etc. 30 milliards d'euros, cela représente 20% des dépenses totales d'éducation et près de 1,4% du PIB.

Depuis 1980, ces dépenses se sont envolées de 156% en euros constants (soit une multiplication par 2,5 environ). C'est bien plus rapide que le PIB. En d'autres termes, l'effort financier consacré au supérieur s'est nettement intensifié au fil des ans. Et pour cause, le nombre d'inscrits dans le supérieur a plus que doublé sur la période et dépasse aujourd'hui 2,5 millions de personnes. À l'origine de cette explosion, l'allongement de la durée des études, l'arrivée d'étudiants étrangers, une plus grande diversification de l'offre dans le supérieur et bien entendu l'extraordinaire développement de l'accès au baccalauréat.

À partir de 1985, l'objectif d'amener 80% d'une classe d'âge au niveau du bac a fait exploser le nombre de bacheliers. D'autant plus que de nouvelles filières sont créées et que des réformes sont menées pour faciliter la poursuite des études. Comme 75% environ des bacheliers poursuivent leurs études, cela se répercute directement sur les inscriptions dans le supérieur. C'est très clair, la montée de la dépense intérieure d'éducation dans le supérieur de 1980 à 1995, est synchrone avec celle des effectifs. En clair, la plus grande partie de la hausse des dépenses est absorbée par l'augmentation du nombre d'étudiants. Dans ce contexte, la dépense par élève évolue peu, +0,9% en moyenne par an.

De 1995 à 2006, l'évolution de la DIE ralentit. Comme le coup de frein est encore plus marqué du côté des effectifs, la dépense par étudiant grimpe de 1,2% en moyenne par an, en nette accélération par rapport à la période précédente. Le mouvement s'accentue de 2006 à 2009, le plafonnement des effectifs se couplant à une forte augmentation de la dépense intérieure d'éducation, le coût moyen gagne 3,7% par an. Les raisons : une hausse significative du budget alloué à l'enseignement supérieur, mais aussi des transformations structurelles.

En 1980, plus des 2/3 des étudiants étaient inscrits dans les universités, 20 ans plus tard, ils ne sont plus que 56%. Cela a d'abord profité à la section des techniciens supérieurs (pour la préparation des BTS) dont les inscriptions ont explosé dans les années 90.

Des efforts financiers français suffisant pour l'enseignement ?

À partir des années 90 et surtout à partir des années 2000, l'augmentation vient des classes préparatoires aux grandes écoles et aux écoles de commerce et de gestion dont les effectifs s'envolent de 40%. Or, c'est le grand écart entre les filières : les dépenses d'éducation pour un étudiant en université étaient de 10.655 euros par an en 2010. Pour se préparer à un BTS, la note est de 14.326 euros, c'est 34% de plus.

Pour rejoindre une classe préparatoire aux grandes écoles, il faut compter 15.752 euros soit près de 48% de plus. Depuis 2009, la dépense intérieure d'éducation plafonne, alors que les effectifs augmentent à nouveau. Et cette fois nul effet de structure. Si la dépense moyenne baisse de 0,9% en moyenne par an, c'est parce qu'elle recule à tous les échelons. La France a fait un gros effort financier pour développer l'enseignement supérieur. Mais depuis la crise de 2008, c'est devenu l'une des variables d'ajustement, quitte à sacrifier l'avenir. Or la France a du retard. Avec 1,4% de son PIB consacré à l'enseignement supérieur, elle fait moins bien que la moyenne des pays de l'OCDE et a décroché par rapport au Canada, à la Corée et aux États-Unis, trois grandes nations qui font un effort financier pour l'enseignement supérieur près de deux fois supérieur au nôtre.

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