Et si l'économie corse se réveillait

Par Antoine Mondoloni  |   |  808  mots
Antoine Mondoloni, Président de la Chambre de Commerce de Corse (Crédits : DR)
Les jeunes peuvent contribuer à réveiller l'économie insulaire. Par Antoine Mondoloni, Président de la Chambre de Commerce de Corse

Dans une formule restée célèbre, Emmanuel Arène, député de Corse à la fin du XIXème Siècle soulignait les difficultés de l'économie de l'île de Beauté pénalisée par les surcoûts de l'insularité. Plus d'un siècle après, la Corse est toujours « entourée d'eau de toute part » et l'économie connaît toujours un retard chronique lié à des pesanteurs structurelles autant qu'à une situation politique sclérosante. On pourrait aisément résumer les choses par quelques chiffres qui traduisent une triste réalité : 22 000 chômeurs pour une population totale de 320 000 personnes, 20 % de cette population, soit 64 000 personnes, vivent sous le seuil de pauvreté (950 € / mois).

 Le nombre des aides tue la fonction même des aides

Dans ses prévisions, la Banque de France prévoyait un investissement des entreprises en très net recul en 2015 : - 45 % ! On comprend dès lors les inquiétudes des entrepreneurs insulaires. Bien évidemment, il existe des dispositifs d'aides que l'État ou les collectivités mettent en œuvre pour soutenir les chefs d'entreprise, aider les créateurs, favoriser la reprise d'activités. Il y en a plus de 60 ! Un célèbre adage économique dit que trop d'impôts tuent l'impôt. En Corse, la réalité oblige à dire que le nombre des aides tue la fonction même des aides. Ce constat est encore plus grave lorsque l'on regarde la composition du tissu entrepreneurial de l'île. Hors administrations publiques, il y avait près de 44 000 entreprises en activité fin 2012 : 74 % d'entre elles n'ont pas de salariés, et 25 % ont 1 à 19 salariés.

Celles qui ont plus de 20 salariés ne représentent que 1 % du total. Comment imaginer que la majorité de ces entreprises dispose du temps et des moyens humains pour se débrouiller dans ce maquis réglementaire ? Seules les plus grosses y parviennent alors qu'elles n'en ont pas toujours besoin. Toutes les autres se sentent et sont de fait abandonnées.

Rallumer les moteurs de la croissance insulaire

Pourtant des solutions existent au-delà de l'indispensable rationalisation et de la simplification du système d'aides. Il nous faut impulser une nouvelle action économique territorialisée en faisant des agents de la Collectivité de Corse les correspondants privilégiés des acteurs économiques en partenariat avec les Chambres consulaires. Il nous faut également rallumer les moteurs de la croissance insulaire que sont l'investissement public et le financement bancaire pour accompagner les projets de développement. La Corse pourtant sur administrée a été jusqu'ici sans gouvernail économique et ce n'est pas le Programme de développement et d'aménagement durable de la Corse de 3000 pages, plus long que le Nouveau testament, récemment adopté, avec ses quelques rares actions économiques qui y remédiera.

Retrouver des capacités d'investissement

Pour rallumer le premier moteur, les collectivités doivent d'abord s'engager dans une charte signée avec l'État, à réduire leurs dépenses de fonctionnement pour retrouver des capacités d'investissement. Le deuxième ne redémarrera que si nous sommes capables collectivement de réorienter prioritairement le système de financement bancaire vers les TPE et les PME. C'est pourquoi, je plaide pour des Assises du financement des entreprises.

Partenariat entre la Chambre de commerce et d'industrie et la Collectivité territoriale de Corse

Dans ces chantiers de relance, la Chambre de Commerce et d'industrie de Corse doit jouer un rôle majeur à condition qu'on lui en laisse les moyens dans une gouvernance simplifiée, efficace, pour le seul bénéfice du développement de l'économie insulaire. C'est la bonne manière de nouer un partenariat gagnant-gagnant avec la Collectivité Territoriale de Corse et ses agences et offices. La Corse a besoin de s'appuyer sur ces deux piliers forts ; l'un politique avec la Collectivité territoriale et l'autre économique avec une CCI de Corse.

Ne réinventons pas un nouveau Plan Exceptionnel d'Investissements. Les fonds, censés moderniser les infrastructures peinent toujours à être consommés et ne servent pas le développement des entreprises pour cause d'improvisation en matière d'ingénierie et de financement de projets. C'est la maîtrise de ces deux compétences qui permet aux entreprises de se créer et de se développer. A défaut, elles risquent de disparaître ou de quitter l'île pour aller s'installer ailleurs.

Mais heureusement, derrière cette réalité, il y a des jeunes qui ont envie de créer et d'entreprendre en Corse. Ils ne connaissent pas les mêmes contraintes que leurs ainés. Plus agiles, plus mobiles, plus ouverts, élevés au numérique, ils peuvent transformer l'économie insulaire parce qu'ils expérimentent, essayent, échouent, recommencent. Ils sont l'avenir de la Corse. A nous de les soutenir et de les accompagner.


Antoine Mondoloni
Président de la Chambre de Commerce de Corse