Et si les citoyens des villes de demain nous sauvaient du désastre écologique annoncé  ?

Par Armelle Weisman  |   |  704  mots
(Crédits : Stockpics - Fotolia.com)
Nous serons plus de 56 millions de français à vivre en ville en 2020, soit plus de 80% de notre population. Or, nos villes, placées devant la nécessité d'accueillir toujours plus de monde, doivent se préparer à relever des défis plus complexes et nombreux que jamais auparavant. Par Armelle Weisman, associée au sein du cabinet Deloitte Développement Durable, en charge de l'innovation et de l'accompagnement à la transition des organisations et des territoires.

Les défis sont d'ores et déjà tangibles dans nos réalités urbaines quotidiennes. L'intégration de populations à la fois vieillissantes, plus diverses dans leurs origines culturelles, leurs revenus et leurs aspirations est devenue une antienne politique qui achoppe sur l'autel de l'incivisme, du racisme ordinaire et de luttes générationnelles. L'étalement urbain met toujours plus à distance les terres agricoles, rendant l'approvisionnement en vivres de plus en plus compliqué.

L'artificialisation des sols engloutit ainsi l'équivalent d'un département tous les 5 ans en terres cultivables et développe des zones péri-urbaines laissées pour compte d'un développement économique erratique. Facteur de ségrégation sociale, ce déploiement spatial emporte sur son passage une biodiversité réduite à portion congrue et rend les villes plus vulnérables que jamais face au réchauffement climatique, à ses épiques températures et son lot de maladies endémiques, à ses phénomènes climatiques extrêmes, ses pollutions diverses. Si d'aucuns voient dans cet inventaire le fruit d'un complot de collapsologues chagrins, nombreux sont ceux qui ont pris conscience que face à ces enjeux d'un genre nouveaux, il fallait adapter nos modes de pensée et d'action.

Changer de paradigme

En effet, nous sommes nombreux à croire qu'il est encore possible de faire de la ville de demain non la vitrine de tous les maux post-contemporains, mais le cœur des solutions et des propositions nouvelles. Si elle concentre les enfers possibles, elle est aussi un creuset inégalé d'énergies et d'intelligences. Et s'il s'agissait de savoir mobiliser ses atouts pour dégager l'horizon ?

Il est essentiel de se garder de toute pensée réductrice qui opposerait les uns aux autres. Chaque citoyen est aujourd'hui tour à tour, consommateur, producteur, usager, fabricant. A ce titre, il est à la fois la source et la finalité. Et il en va de même pour chacun des acteurs de la ville, qu'il soit public, privé, gros ou petit. De plus, la complexité nous intime d'articuler des dimensions encore trop étrangères les unes aux autres : les écosystèmes naturels, les flux d'énergie, de matière, les évolutions du monde du travail, des transports, des déchets, l'évolution des familles, les politiques publiques, les migrations, l'évolution démographique, le poids des innovations, les nouvelles formes de solidarité, l'industrie du futur, les mouvements citoyens... En clair, il nous faut croiser connaissances, informations, expériences, réseaux, moyens pour les transformer en autant de projets concrets à fort impact, susceptibles d'être adoptés par un nombre significatif d'usagers, aussi différents soient-ils.

Le Hub SMART CITIZEN : une initiative expérimentale multi-partenariale

C'est dans cet esprit que le Hub SMART CITIZEN se crée. Nous avons placé au cœur de son ambition la préservation et la régénération durable de nos « biens communs » humains urbains, afin de redonner tout son sens au très galvaudé « vivre ensemble ». Espace de partages, d'échanges, de rencontres et d'expérimentations, nous avons souhaité réunir tous les « faiseurs » de ville : pouvoirs publics, opérateurs privés, syndicats mixtes, associations, ONG, riverains engagés, représentants des commerçants, start-up, éco-organismes, coopératives, medias... Des faiseurs de villes, qui n'ont, en règle générale, ni le temps, ni les espaces de dialogue, ni le contrat de confiance pour échanger.

Ce hub générique a vocation à être décliné en autant d'espaces, ancrés dans des territoires. Chacun de ces living lab s'autorisera des réflexions hors des sentiers battus pour faire émerger des expérimentations à la croisée d'intérêts partagés entre les contributeurs. Ces expérimentations, à « fabriquer » ensemble, temporaires ou pérennes, frugales ou ambitieuses, se verront donner à la fois le droit d'échouer et les moyens de réussir.

« L'avenir, ce n'est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire » (Henri Bergson).

Face à l'ampleur des défis, nous n'avons pas d'autre choix que de créer des alliances nouvelles. Plus que jamais, il est urgent d'apprendre à faire et à penser ensemble, en se laissant déranger dans nos certitudes ou nos habitudes, en osant inventer de nouveaux modes d'agir, de travailler, de construire, de consommer et de vivre.