Face au défi de l'innovation, la profession comptable doit s'ouvrir

Le tout numérique, ne doit pas s'affranchir des principes essentiels que porte la déontologie de la profession du chiffre. Pour faire face à cette déferlante numérique, il faut ouvrir les comités d'éthique de la profession comptable à des personnalités venues de tous horizons. Par Jean Bouquot, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Versailles, Stéphane Cohen, président de l'Ordre des experts-comptables de la région Paris Ile de France, et Jean-Luc Flabeau, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris.

La profession comptable francilienne a tenu a placer son université d'été (du 1er au 4 septembre) sur le thème de l'innovation. En effet, nos métiers de services doivent aussi innover en permanence tout en gardant leur identité et leur éthique : voilà leur défi pour les années à venir.
Et l'une des innovations fortes que nous proposons est d'ouvrir nos commissions et comités d'éthique à des personnalités venues de tous les horizons : philosophes, déontologues, experts du numériques, économistes, représentants de l'État et des entreprises. Les règles et leurs interprétations possibles doivent en effet être partagées par le plus grand nombre pour faire autorité.

Pourquoi ? Parce que l'innovation au 21eme siècle consiste à libérer l'être humain de tâches subalternes pour lui permettre de se consacrer à des fonctions ou loisirs toujours plus « intelligents » et créatifs. C'est un progrès pour l'humanité. Mais en contrepartie les emplois peu qualifiés, ou dont les tâches sont répétitives disparaitront à un rythme rapide puisqu'automatisables, comme le relève une étude de Roland Berger d'octobre 2014 sur le digital impact.

Pourrait-on se passer d'experts-comptables ou de commissaires aux comptes?

Les tâches préservées pour nos enfants seront donc celles qui nécessitent « de la créativité, du sens artistique, ou de l'intelligence sociale et du contact humain, qu'elles se rapportent à un métier manuel ou intellectuel, peu ou bien qualifié ».
Dans notre profession d'experts-comptables et de commissaires aux comptes la puissance des processeurs et la force des algorithmes transforment déjà profondément les processus de production de l'information comptable et financière. Les progiciels de comptabilité sont au cœur du système de production de l'information. La numérisation des données, des factures bientôt électroniques, réduisent peu à peu le champ d'intervention de l'homme. Alors pourrait-on se passer un jour d'experts-comptables ou de commissaires aux comptes ?
Sans doute pas, mais ils consacreront plutôt le temps et l'énergie disponible à mieux orienter les choix stratégiques des clients, à les accompagner vers plus de valeur ajoutée : contrôle interne, coaching, recherche des financements indispensables au développement, cybersécurité...


Car justement dans ce nouveau contexte, quelles seront les garanties d'une information financière fiable et sincère ? Le champ du numérique est un nouveau Far West... Une terra incognita à conquérir sans règle véritablement stable. Une nouvelle contrée non exempte de danger. Les récentes affaires de piratage informatique ou de rançonnage et de cybercriminalité en générale en sont les manifestations les plus retentissantes. Mais pas seulement. Car selon une étude PwC datant de 2014, 55 % des entreprises déclarent avoir été victimes de fraudes dans les 24 derniers mois.

Les principes doivent rester immuables


Or la confiance que le monde économique accorde à l'information comptable et financière est essentielle pour son développement. Sans états financiers fiables, sincères et transparents : plus de crédits, plus d'innovation... plus de croissance.
Le tout numérique, s'il est inéluctable voire souhaitable, ne peut pas, ne doit pas, s'affranchir des principes essentiels que porte la déontologie de la profession du chiffre. Et si le métier évolue dans ses modes de production, ses principes eux, adaptés à cette nouvelle réalité, doivent rester immuables. En somme, le rôle d'une profession comptable réglementée s'en trouve renforcé. Elle seule est à même d'assurer ce lien indispensable entre progrès et éthique.

L'automate ne peut pas être éthique car il n'a pas d'intuition

A la lumière de ce propos relever les seuils d'intervention du commissaire aux comptes dans les PME serait une erreur funeste.
De ce point de vue l'homme est irremplaçable. L'automate ne peut pas être éthique car il n'a pas d'intuition : ses capacités d'adaptation et d'interprétation face à des situations concrètes et humaines toujours différentes sont au mieux, limitées, au pire, aléatoires. C'est pourquoi pour assurer cette fonction essentielle, nous devons, au niveau des institutions régulatrices, renforcer le rôle de nos comités d'éthique en les ouvrant à des personnalités venant de tous horizons. Les règles et ses interprétations possibles doivent être partagées par le plus grand nombre pour faire autorité.
Voici les défis auxquels la profession comptable doit se confronter. Et pour cela, elle ne manque pas d'atouts. En somme, cette paraphrase de Rabelais n'aura jamais été aussi actuelle : « Innover sans conscience n'est que ruine de l'âme ».

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Commentaires 4
à écrit le 04/09/2015 à 16:51
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Mais qu'ils sont drôles sur l'innovation à la Shumpeter, après avoir vendu leur âme, en remplaçant la juste valeur par la valeur des casinos d'enchères ouverts à tous les vents !

à écrit le 04/09/2015 à 12:15
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Belle profession de foi ... qui pèche un peu sur la fin, la citation paraphrasée étant de Rabelais et non de Descartes : citer sans savoir n'est que ruine de la démonstration !

à écrit le 04/09/2015 à 9:37
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Tout cela est bel et bon, mais on peut toujours avoir du mal, déontologiquement parlant, avec la Juste Valeur des nouvelles normes comptables. Juste Valeur qui, si j'ai bien compris, peut se référer à n'importe quelle transaction sur n'importe quel m...

à écrit le 04/09/2015 à 7:45
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Hum... Rabelais, pas Descartes...

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