Faut-il se réjouir du solde extérieur record de la zone euro ?

Par Alexandre Mirlicourtois, Xerfi  |   |  565  mots
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi./ DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, faut-il se réjouir du solde extérieur record de la zone euro ?

Tel que c'est parti, les exportations la zone euro vont battre leur record cette année.

Sur les trois premiers mois de l'année, elles ont dépassé 500 milliards d'euros en données corrigées des variations saisonnières. Cela permet de faire un calcul très simple. Sur un an, au rythme actuel, la barre des deux milles milliards sera franchie.

Personne ne fait mieux, pas même la Chine

Bien entendu, ce chiffre est à rapporter aux importations, en hausse elles aussi. Mais leur progression est plus lente et elles ne devraient pas dépasser 1.760 milliards cette année, ce qui promet un excédent de plus de 260 milliards d'euros en 2015 soit 2,5% du PIB environ.

C'est du jamais vu depuis la création de la monnaie unique. Pour la zone euro, c'est une bonne nouvelle.

Vue d'ailleurs, et notamment des émergents, l'opinion est tout autre. La BCE, en dépréciant l'euro, à travers la mise en place d'un Quantitative Easing agressif, ne ferait que pallier le déficit de demande interne de la zone en siphonnant la croissance du reste du monde.

Et il est vrai qu'une politique de dépréciation du change paraît plus que paradoxale pour une région en excédent massif. Les interrogations qu'elle soulève sont donc légitimes. A cela près que les déséquilibres sont de nature structurelle et contraint à s'émanciper du cadre de raisonnement usuel.

L'euro a constamment été surévalué au cours des 12 dernières années

Si l'on considère que la monnaie unique était au moment de son introduction à un cours normal, le taux de change était en 2014, avant sa chute, surévalué de 15% à 20% environ. Or cette surévaluation chronique est bel et bien à l'origine de léthargie de la demande intérieure et de la déflation larvée qui sévit dans en Europe.

Il faut en effet relativiser les performances à l'extérieur de la zone euro : sa part de marché dans le commerce mondial a nettement reculé depuis 2003 passant de quasiment 22% en 2003 au moment où la monnaie européenne entrait dans sa phase de surévaluation à 17% en 2014.

Autrement dit, la zone a accru son excédent tout en perdant des positions sur ses marchés externes.

Il ne faut pas alors se tromper de diagnostic

La pression exercée au fil des ans par un euro surévalué a contraint les producteurs à constamment rogner leurs marges  en faisant pression sur leurs fournisseurs, sur le salaire de leurs employés pour rester compétitif et à différer les projets d'investissements.

Et cette érosion de la base fiscale a exacerbé la rigueur budgétaire ajoutant un frein public au frein de la demande privée. La surévaluation chronique de l'euro est donc bien l'une des causes majeures de la mise en panne de la demande domestique.

Sa faiblesse depuis 2008 est patente. Et sa remontée depuis début 2003 reste très poussive. Elle reste en retrait de 5% environ de son pic.

La baisse de l'euro est donc bel et bien le moyen de donnée une bouffée d'oxygène aux moteurs internes de croissance de la zone et corriger son décalage de demande intérieure avec le reste du monde et cela pour le bien de tous.

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