Fillon, les juges, les médias et le bouclier du peuple

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  757  mots
Ce n'est pas seulement François Fillon qui risque de chuter. Par Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a*

La France était déjà multi-fracturée, elle pourrait bien se lever si lui échappe son propre processus de choix. Le Peuple de France, oui il y a un, n'en déplaise à Emmanuel Macron, comme il y a une Histoire et une Culture française, le Peuple de France a déjà beaucoup nettoyé le paysage politique en quelques semaines : exit Sarkozy, Juppé, Valls, Montebourg, Hollande ... il a aussi qualifié, dans des primaires ouvertes, Fillon, Hamon, Jadot  ... et d'autres se sont imposés dans le casting tels Mélenchon, Macron, Le Pen. Cet ensemble aux légitimités variables semblait proposer une compétition claire, renouvelée, différenciée et positive.

C'était faire preuve d'une naïve crédulité démocratique et républicaine que de considérer que le choix appartient toujours au Peuple. C'était oublier l'incroyable climat de revanche et de vengeance qui habite les élites de ce pays.

Deux corporations attaquées

D'abord au cœur des 2 corporations les plus attaquées, trop souvent et injustement, depuis des mois, par les politiques et les citoyens : médias et justice. Même le Président de la République s'était lâché sur la « lâcheté » de juges et de procureurs qui « se planquent » et « jouent les vertueux ».

Nous découvrîmes l'affaire Fillon bientôt médiatiquement rebaptisée FillonGate. Bien sûr, la vitesse de la procédure interpelle, son caractère de parfaite série médiatique aussi, mais François Fillon, bien avant les juges et les médias, fut aussi le premier à oublier le droit et en particulier celui qui constitutionnel fixe la présomption d'innocence en cas de mise en examen. Et surtout il s'est lui même empêtré dans des filets grossièrement tendus entre impréparation amateur, gesticulations homériques inconsidérées et médiocrité professionnelle pour ne pas dire pire des équipes et en particulier celle pilotée par une « star » de la communication de crise hexagonale. Bien sur les hommes politiques, même en campagne électorale, ne sont pas au dessus de la loi, mais les juges et les médias non plus. Et ce trio devenu infernal n'est pas au dessus de la démocratie et de la volonté du Peuple.

Piège électoral

Car si l'on devine une alliance de circonstance entre juges et médias dans cette affaire qui apporte audience et contenu, la propre famille politique de Fillon plonge avec un entrain non dissimulé dans ce piège électoral.

Les Républicains n'ont jamais surmonté leurs profondes divisions. L'enchainement terrible de la défaite de Nicolas Sarkozy, de la bataille pathétique entre Copé et Fillon, du retour non souhaité de l'ex Président, puis de Bygmalion, la défaite municipale de Paris ... si vous ajoutez les ambitions démultipliées des nouveaux barons, la volonté de revanche d'Alain Juppé, la vengeance de Jean-François Copé ... tout cela fut synthétisé dans la chimie explosive de la Primaire d'où sortit un précipité inattendu : François Fillon. Inattendu et pas vraiment désiré ni jamais reconnu par les barons, encore moins par les battus et leurs écuries. Seul le peuple de droite l'avait choisi envers et contre tout un système politico-médiatique qui n'en croyait pas ses yeux le soir même du premier tour.

Fillon ne sera pas seul à chuter

François Fillon n'a jamais eu l'adhésion des ex juppéistes qu'il a pourtant naïvement bichonnés. Que dire de l'UDI ! Il avait presque obtenu, ça se confirme au cœur de la crise, la neutralité bienveillante de quelques sarkozystes. Une écurie qu'il avait, à tort encore une fois, choisis de battre plutôt froid.

Que toutes ces ambitions et autres vengeances ne se trompent pas : il ne s'agit déjà plus du seul sort de François Fillon. Dans sa chute, si elle intervient,  il emportera avec lui la totalité de l'espace politique qui il y a encore quelques semaines se partageait déjà Matignon et les ministères. Ce que François Bayrou et Emmanuel Macron et bien d'autres ont bien compris.

François Fillon le sait aussi. Délesté de ses « amis », il vient enfin devant le peuple de droite, celui qui en a fait son champion en novembre, pour y puiser l'énergie politique de survie et faire de ce socle électoral son bouclier politique, médiatique et peut-être même judiciaire. Dimanche au Trocadéro, il saura.

 *Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals