Fipronil et œufs contaminés : quels scandales ?

Par Pr Claude Huriet  |   |  626  mots
Pr Claude Huriet, Sénateur honoraire et Membre honoris causa de l’Académie de médecine
On doit, certes, déplorer et sanctionner l'ajout frauduleux de fipronil dans un antiparasitaire utilisé pour lutter contre le pou rouge dans un élevage de poules, et le signalement tardif de la présence de fipronil dans les œufs par les autorités des Pays-Bas. Mais si scandale il y a, le scandale est ailleurs ! Par le Pr Claude Huriet, Sénateur honoraire et Membre honoris causa de l’Académie de médecine

De cette histoire, on retiendra qu'il s'agit d'un double scandale : celui de l'abattage de millions de poules, faute de débouchés pour les œufs, la destruction de dizaines de millions d'œufs, de retraits du marché de produits courants, de pâtes, de pâtisserie, de biscuits...

Plus grave encore, l'instrumentalisation de l'opinion par des informations tendancieuses et incomplètes crée l'inquiétude et l'angoisse. Or, s'il est toxique pour les insectes et certains poissons, le fipronil est inoffensif chez les autres vertébrés, donc chez l'homme. La toxicité pour l'homme, fut-ce par ingestion directe accidentelle n'est pas démontrée. Le rapport publié récemment par l'ANSES n'a pas fait la UNE des journaux. C'est dommage ! On peut y lire : « Le risque d'apparition d'effets sanitaires apparaît très faible », ce que confirme l'OMS. Plus loin « la consommation d'œufs contaminés pouvant être consommés chaque jour sans s'exposer à un risque aigu est de moins de deux pour un enfant de moins de trois ans, et de plus de dix, équivalent à 500 g, chez l'adulte »

Des conséquences économiques
et psychologiques disproportionnées

Une fois encore la dramatisation d'une situation que rien, à ce jour, ne saurait justifier, entraîne des conséquences économiques disproportionnées, qui se répandent à travers le monde, et des conséquences psychologiques d'une médiatisation bâtie sur l'idéologie et non sur des faits avérés.

Un « accident sanitaire » peut entraîner des conséquences dramatiques. Mais tous ces drames ne sont pas des scandales, consécutifs à des fraudes ou au non-respect des lois et règlements.

« Le dossier » du fipronil et des œufs contaminés revêtant désormais une dimension planétaire, risque de créer un climat de défiance et de crainte des conséquences pour la santé. Le préjudice d'angoisse n'est pas loin, dont le consommateur est susceptible de demander au juge l'indemnisation ! Ce serait un comble...

Une situation cocasse, qui prêterait à rire
si les conséquences n'en étaient pas aussi graves

La situation est cocasse ! Le commerçant doit retirer ses produits de la vente, le client sachant par ailleurs qu'il pourrait le consommer « sans risque »

Il eût été plus efficace et plus cohérent, de sanctionner les auteurs de la fraude initiale, de revoir les normes actuelles très contraignantes (qui auraient été définies en référence au kilo... et non à l'œuf !)

On doit s'interroger sur les conditions dans lesquelles est géré « le dossier fipronil », et la liste de retraits des produits, à périodicité variable, par le ministère de l'Agriculture, et non par le ministère en charge de la santé. S'agit-il de prévenir toute mise en cause des pouvoirs publics en appliquant, fut-ce tardivement, le principe de précaution ? Ce serait une erreur grave et une faute. Par sa définition même, l'application de ce principe, fondée sur une analyse des risques et des bénéfices, n'a d'intérêt que pour une application préventive.

Les interrogations sur la cohérence des décisions administratives et les doutes sur leur efficacité trouvent réponse dans une déclaration récente de la DGAL (direction générale de l'alimentation) selon laquelle :

La substance (le fipronil) « est interdite parce qu'elle n'est pas autorisée.
Elle n'est pas interdite parce qu'elle est dangereuse
»

 Ceux qui ont bravé l'interdiction s'en tirent bien pour l'instant.

 Ceux  qui « paient cher les pots cassés », éleveurs, filière volaille, commerçants, sont d'autant plus gravement pénalisés qu'à ce jour, personne ne peut savoir dans quel délai et sur quels critères la liste de retrait du marché,  actualisée par le ministère de l'agriculture sera close.