Glyphosate  : désinformation et mensonge d'Etat

Par Gérard Kafadaroff, André Fougeroux, Jean-François Proust, Philippe Joudrier  |   |  1324  mots
(Crédits : Reuters)
OPINION. La façon dont a été traité le cas de cet herbicide sur les plans politique et médiatique illustre une dérive inquiétante quand au rapport de nos gouvernements à la science et à la vérité. Par Gérard Kafadaroff, André Fougeroux, Jean-François Proust, Ingénieurs agronomes, Philippe Joudrier, Directeur de recherche honoraire INRA, membres du Collectif Science-Technologies-Actions

« Le monde se nourrit d'un peu de vérité et de beaucoup de mensonges » Romain Rolland

Pendant près de 50 ans le glyphosate a été utilisé à la satisfaction des agriculteurs, des collectivités, des entreprises (SNCF notamment), des jardiniers amateurs, sans susciter le moindre problème sanitaire.

Les écologistes ont commencé à le dénigrer lorsque, en 1996, Monsanto a lancé des plantes génétiquement modifiées tolérant le glyphosate, les fameux OGM diabolisés en France alors qu'adoptés massivement dans la plupart des grands pays agricoles.
L'hostilité au glyphosate a monté d'un cran, en 2012, lors de la publication à grand fracas d'une étude de Gilles-Eric Séralini, scientifique militant, cherchant à prouver la dangerosité du maïs transgénique traité avec du glyphosate sur des rats de laboratoire. Une étude très bien orchestrée sur le plan médiatique mais discréditée par la suite sur le plan scientifique.
Enfin le classement du glyphosate « cancérogène probable » par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a achevé le travail de démolition du fameux désherbant. Les militants de l'écologisme politique, suivis par les décideurs politiques, se sont emparés de cette information et l'ont instrumentalisé sans vergogne, en occultant les avis favorables de toutes les agences sanitaires dans le monde, y compris ceux de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), maison-mère du CIRC, ou encore le classement de la viande rouge identique à celui du glyphosate.

Décision irréfléchie

Ainsi, pour séduire l'électorat écologiste et procéder à l'interdiction politique du glyphosate, le Président Emmanuel Macron s'est appuyé sur de fausses informations ! Un véritable scandale d'Etat ! Pire, cette décision irréfléchie a été prise contre l'avis des agences sanitaires compétentes (ANSES, EFSA, ECHA), sans une véritable analyse risques/bénéfices, sans véritable concertation avec les professionnels concernés et en l'absence de solutions alternatives.

Dans la lignée de Ségolène Royal et sous influence de Nicolas Hulot, tous deux hostiles au glyphosate, Emmanuel Macron a voulu afficher sa fibre verte, en se portant à la tête de la croisade contre le glyphosate lors du renouvellement de son autorisation proposée à l'origine pour 15 ans puis pour 10 ans par la Commission européenne. Après deux ans de discussions byzantines, une majorité qualifiée des Etats membres a tranché en novembre 2017 pour un renouvellement de l'autorisation limité à 5 ans, la France, vertueuse, optant pour une « sortie du glyphosate » en 3 ans, malgré son engagement de ne pas sur-transposer les décisions européennes. Un mois avant, Le Monde publiait une pétition de 54 députés de la majorité demandant l'interdiction du glyphosate « le plus rapidement possible »...

Hystérie collective

Il n'en fallait pas plus pour déclencher une hystérie collective sur le glyphosate alimentée par la surenchère des militants écologistes, des réseaux sociaux et d'une majorité des médias.
Une paranoïa sécuritaire marquée par le déferlement de déclarations démagogiques et alarmistes de dizaines d'experts auto-proclamés, de maniaques de l'interdiction, toutes marquées par l'ignorance de la réalité agronomique et de données scientifiques incontestables.
Une édifiante illustration de la démocratie d'émotion, du catéchisme de la pensée unique et de l'idéologie postmoderne en délicatesse avec la démarche scientifique.
Un inquiétant consensus quasi général reposant sur un mensonge d'Etat dans le pays de Descartes et Voltaire...

Graves conséquences pour les agriculteurs

Depuis la décision d'Emmanuel Macron, les responsables politiques découvrent peu à peu la réalité du glyphosate et les graves conséquences pour les agriculteurs d'une «sortie du glyphosate» qu'ils tentent de corriger à travers dérogations et reports de date d'interdiction. Quant aux alternatives promises, après deux ans de gesticulation et de fausses promesses, elles se résument pour l'essentiel à un retour au travail mécanique. C'est-à-dire, une augmentation des coûts de production, des émissions de CO2 et un coup d'arrêt aux techniques de conservation des sols (semis directs et couvert du sol permanent) qui constituent le meilleur modèle pour l'agroécologie en termes de fertilité des sols, de lutte contre l'érosion, de piégeage de CO2 dans le sol et d'amélioration de la biodiversité.
L'interdiction du glyphosate programmée pour fin 2020 va à l'encontre d'une agriculture agroécologique pourtant fortement promue, sans susciter la moindre interrogation des responsables politiques de tous bords et bénéficiant de l'étonnante passivité du milieu scientifique et de la tiédeur des organisations professionnelles agricoles pourtant directement concernées.

Cependant, il faut noter les critiques émises en novembre 2019 par la mission parlementaire « sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate», pointant les importants surcoûts et les difficultés engendrées pour les agriculteurs.
Autre preuve de l'incurie du pouvoir : l'annonce en juillet 2019 d'une nouvelle étude sur la cancérogénicité du glyphosate, demandée par les ministres de l'Agriculture, de la Santé, de la Recherche et de l'Ecologie, d'un coût de 1,2 million d'euros, dont les résultats seront disponibles dans 18 mois ! Un nouveau gaspillage d'argent public alors qu'il y a consensus scientifique international sur la non-dangerosité du glyphosate et que son sort semble déjà scellé en France.

Des médias s'éloignant du journalisme

A part quelques exceptions notables, les médias ont trop souvent dérogé à la déontologie du journalisme, privilégiant les informations anxiogènes sans en vérifier la véracité et en ignorant les avis des véritables experts scientifiques.
De façon surprenante, ce sont les journaux de gauche (Le Monde, L'Obs, Libération) historiquement plus ouverts au progrès qui se sont montrés les plus hostiles aux nouvelles technologies et ce sont les chaînes publiques de télévision (France 2 notamment) qui ont cédé le plus à la désinformation et au militantisme, oubliant le cahier des charges France Télévision sur « l'honnêteté et la pluralité de l'information ».
Ainsi les nombreux procès intentés à Monsanto aux Etats-Unis par des avocats prédateurs défendant des personnes attribuant soudainement leur maladie au glyphosate ont été relayés sans décryptage par les médias, alimentant la suspicion sur le désherbant.
Les révélations peu convaincantes des Monsanto Papers ont été instrumentalisées au lieu d'enquêter sur les graves manquements du CIRC à propos du classement du glyphosate. De pseudo-études scientifiques de chercheurs opportunistes à charge contre le glyphosate sont publiées régulièrement dans les médias sans s'assurer de leur crédibilité scientifique.

La victoire du militantisme écologiste

Le combat du militantisme écologiste technophobe a été efficace. Il a gagné les esprits de la population, influencé les juges de tribunaux et orienté les choix politiques.
Les marchands d'angoisse ont balayé les avis étayés s'appuyant sur la réalité ou la science.
Bien programmés et bien relayés, les coups médiatiques ont fait mouche : du « procès international citoyen » bidon accusant Monsanto de « crime contre l'humanité et écocide » à la pétition de l'incontournable Greenpeace ou aux plaintes de « pisseurs volontaires » déposées pour «mise en danger d'autrui».
Tâche facilitée par le dénigrement systématique des pesticides par les pouvoirs publics peu soucieux de l'indispensable protection sanitaire des cultures et de sa contribution à la sécurité et la souveraineté alimentaire de la France.

Le mensonge d'Etat sur le glyphosate va coûter cher à la France et à son agriculture à nouveau privée d'un outil contribuant à sa compétitivité. Plus grave, il marque l'abandon de la gestion rationnelle et éclairée du pays et le recours à la manipulation de l'opinion pour des bénéfices électoraux immédiats. Il est encore temps pour les politiques de prendre la seule bonne décision qui s'impose : s'en tenir à la réglementation européenne et autoriser le glyphosate.