Hamon ou Macron, qui est vraiment le plus moderne ?

Par Charles-Antoine Schwerrer  |   |  718  mots
Benoît Hamon semble incarner la vieille gauche alors qu'Emmanuel Macron serait l'égérie de la modernité. Qu'en est-il vraiment? Par Charles-Antoine Schwerrer, économiste, Asteres

Entre Benoît Hamon et Emmanuel Macron, le cœur de nombre d'élus socialistes balance. Le premier semble incarner la vieille gauche quand le second serait l'égérie de la modernité. Manuel Valls a pour sa part tranché et votera pour le candidat d'En Marche. Seulement, avant de choisir leur poulain, les élus socialistes devraient lire, si ce n'est déjà fait, l'ouvrage fondamental de Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme.

Les auteurs y décrivent, dès la fin des années 1990, le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui : la richesse tient à la mobilité des individus, les statuts ne sont plus garants de sécurité, l'exclusion gagne du terrain, les théories de l'exploitation deviennent inopérantes avec la fin des usines. Les dominants sont en mouvement quand les dominés se sentent bloqués. L'ouvrage tente alors de dessiner une première critique de ce nouveau capitalisme pour faire émerger un pacte social et des politiques publiques adaptées. Cette refonte politique, au cœur de l'avenir de la gauche, n'est pas forcément portée par le programme du plus moderne des candidats...

Macron le moderne, Hamon le dépassé?

Sur le papier et à l'écran, Emmanuel Macron incarne la modernité quand Benoît Hamon paraît à ses antipodes. La carrière professionnelle du candidat d'En Marche, de petite-main d'un philosophe à haut fonctionnaire, de banquier d'affaires à conseiller du Président puis de ministre de l'Économie à candidat hors parti à la présidentielle, est un condensé de mobilité. L'un de ses slogans fétiches, « renouveler les visages et les usages » et le nom de son mouvement, En Marche, érigent le changement en référence absolue.

À l'inverse, Benoît Hamon a fait toute sa carrière dans le Parti, des Jeunesses socialistes au classique ministère de l'Éducation nationale. Quand certains élus le quittent pour rejoindre son concurrent, il dénonce une « trahison ». L'élu des Yvelines ne parle pas d'innovation, mais de progrès. Comme si le mouvement ne devait pas bouger pour lui-même, mais avoir une direction. Il propose de créer des « statuts » pour l'artiste, pour l'actif ou pour les beaux-parents. Dans ses discours, son curriculum, sa pensée, le candidat du PS semble incarner l'Ancien Monde, fait de continuum, de fidélité, d'acquis.

En fait, l'innovation politique se situe dans le camp des has been

Derrière le spectacle opposant la moderne mobilité à la désuète continuité, la lecture attentive des programmes inverse les rôles : l'innovation politique se situe plutôt dans le camp des has been. Pour lutter contre l'exclusion, combat majeur pour la gauche postindustrielle, Benoît Hamon offre un outil central (mais par ailleurs fort critiquable) avec son revenu universel. En revendiquant la création d'un droit de l'actif, en reconnaissant le burn out comme maladie professionnelle, en invoquant la protection des données personnelles ou en espérant une démocratie numérique, le candidat du PS pose les premières pierres des potentielles politiques publiques du Nouveau Monde. Par-delà le contenu ou le calibrage de ces propositions, leur simple présence est notable.

À l'inverse, le programme d'Emmanuel Macron propose peu de nouveaux leviers d'action politique. Ses mesures usent des outils existants pour investir dans l'industrie, élargir l'indemnité chômage, réduire les cotisations, développer l'apprentissage ou imposer la parité. Le programme du candidat hors parti ne propose pas une refonte systémique, mais plutôt une mise en mouvement à partir des outils actuels.

Hamon plus novateur

Le dévoilement du programme d'Emmanuel Macron ne fut donc pas la « Révolution » annoncée par le titre de son livre, mais une continuité réformiste de teinte sociale-démocrate. Alors qu'une partie de la gauche se tourne vers le candidat d'En Marche, arguant la rénovation politique qu'il propose, force est de constater que le candidat issu des primaires, Benoît Hamon, porte un programme plus novateur.

Plus novateur oui, mais aussi beaucoup plus de gauche. À se demander si la popularité d'Emmanuel Macron chez certains socialistes ne tient pas moins à son caractère innovant et en rupture... qu'à son centrisme et à son réalisme. C'est ce qu'à sous-entendu Manuel Valls en justifiant son futur vote par « le danger du populisme » et non par le contenu du projet porté.