Il faut sauver le soldat Air France

Par Marc Rochet  |   |  849  mots
La compagnie nationale a beaucoup d'atouts. L'Etat doit jouer un rôle important dans son redressement. Par Marc Rochet, président Du Directoire d'Air Caraïbes

Le soldat Air France est blessé, sans doute gravement et si rien n'est fait il peut en mourir comme ses collègues déjà disparus. Les raisons de cette situation sont complexes, issues de l'histoire de la compagnie mais aussi liées aux terrains sur lesquelles se déroulent les opérations.
Le soldat Air France est, n'en doutons pas, plutôt bien qualifié, patriote, motivé et fier de servir son drapeau mais il n'a pas été préparé, ni physiquement ni psychologiquement au combat réel, celui de notre époque et de la concurrence. Il s'est même un peu endormi au gré de ses longues nuits de garde, lui laissant croire qu'il n'y avait pas danger ! Il ne peut non plus que dénoncer sans ambiguïté ceux qui le lundi 5 Octobre ont déshonoré l'uniforme de son unité.

Non, la situation n'est pas désespérée

Bien sûr on peut nier la notion de concurrence, et même déclamer qu'elle est nocive et qu'il faut s'en protéger par tous les moyens. Mais lorsque l'on a parcouru les escales du monde entier depuis des décennies, on n'a pas le droit non plus d'être aveugle sur ce qui se passe ailleurs que chez nous, qui se voit tous les jours et s'adapte, change à vive allure.
La situation médicale du soldat Air France est-elle pour autant désespérée ? Je ne le crois pas, car soldat Air France est né sous une bonne étoile : celle des atouts nombreux, ô combien nombreux de notre pays dans le domaine de l'aviation commerciale : notre capitale Paris 1ere ville visitée dans le monde, la France un barycentre géographique et économique, des infrastructures aéroportuaires de qualité mais qui restent encore à améliorer, le développement continu du transport aérien surtout dans ses composantes touristiques et voyages d'affaires, notre culture dans l'aérien, notre savoir-faire industriel, etc...
Autant d'armes puissantes qui doivent favoriser le développement, la croissance, l'innovation et l'audace.

Un diagnostic sérieux est nécessaire

Tout ceci n'est pour autant que peu efficace, insuffisant, voire trompeur, pour croire que cela suffira à le protéger comme une ligne Maginot digitale pour être de notre temps.
Je ne doute pas un seul instant que tous veulent sauver le soldat blessé, à terre, tellement faible d'impuissance devant ceux qui ont su s'adapter plus tôt, plus vite, et mieux, notamment certains compagnons d'arme, proches de lui, comme Iberia par exemple.
Il n'y a pas de solution miracle, encore mois de solutions dictées, imposées ou forcement contestées. Il n'y pas non plus de solutions où l'on s'enferme dans son bunker. En médecine, dans les cas graves, il n'y a pas de traitement efficace sans diagnostic fiable, expliqué et accepté en respectant le patient. A défaut le mauvais traitement, peut-être rejeté comme on l'a vu cette semaine, peut devenir un poison, et dans certain cas se révéler mortel.
Il faut, avant même toute solution et tout traitement, revenir d'urgence à la nécessité de poser un diagnostic sérieux, fait en équipe, à plusieurs, accepté par tous et impartial. La condition de survie du soldat passe par le partage et l'acceptation courageuse de ce diagnostic avec une information complète, respectueuse et précise

L'Etat doit faciliter le choses


Ensuite, mais ensuite seulement peut venir le temps des choix à mettre en œuvre. Il ne faut pas nier qu'ils peuvent être difficiles, nécessiter de l'aide extérieure, voire passer par une phase opératoire avec de la sueur et des larmes mais combien peut être belle la guérison.
Le soldat n'abandonnera pas ses camarades aux affres du chômage mais doit encore partager alors avec courage et lucidité la solidarité au sein de son escadron.
Alors de nouveau, le soldat Air France pourra repartir au combat, oubliant ses fantasmes ou ses arrogances du passé, fier de conquérir de nouvelles clientèles, de nouveaux marchés car si on veut qu'il puisse se rétablir encore faut-il lui écrire ce que sera son avenir.
Dans ce contexte, l'État n'est pas médecin, il n'est pas stratège du commerce, des choix de réseaux, ou des modèles d'exploitation. Ce n'est pas, ce n'est plus son rôle ! Pour autant, il ne peut ignorer l'effort énorme que le soldat va devoir faire pour se soigner, pour s'en sortir, pour sauver sa peau. Il ne doit pas rendre cette mission encore plus difficile, plus compliqué car in fine l'État a aussi besoin de soldats.


Je suis le soldat Air Caraïbes, petit concurrent d'Air France, plutôt en bonne santé parce que je n'ai pas cru que le changement n'était que ponctuel mais au contraire devait être permanent, obstiné et partagé. Paradoxalement, je n'ai pas intérêt non plus à voir disparaitre, mon copain le soldat Air France car ce serait un terrible échec collectif pour notre pays béni des dieux en matière de transport aérien.
Marc Rochet
Président Du Directoire d'Air Caraïbes